Les chauffeurs de poids lourds et salariés de la logistique demandent que le transport routier soit recentré sur l’essentiel et un meilleur accueil dans les stations et restaurants autoroutiers qui rechignent à les accueillir par peur de la contagion.
La colère monte chez les routiers, mais aussi parmi les salariés des bases d’entrepôts logistiques et ceux des transports sanitaires, qui ne s’estiment pas protégés contre le coronavirus. A tel point que les branches transport des fédérations CFDT, FO et CFTC les ont appelés samedi à exercer leur droit de retrait individuel à partir de lundi.
«Nous demandons à tous les salariés qui ne font pas de l’entreposage essentiel ou du transport essentiel (nourriture, produits pharmaceutiques et matériel médical) ou qui n’ont pas les protections nécessaires de faire valoir ce droit, précise Patrick Blaise, secrétaire général FGTE/CFDT UF Route. Cela fait dix jours que nous demandons cela au ministère [de la Transition écologique et solidaire, ndlr] et nous ne sommes toujours pas entendus. Et certaines entreprises font tout et n’importe quoi. L’économie prévaut sur la santé et la vie humaine.» Et de citer le cas d’entreprises qui envoient leurs conducteurs chercher du terreau au Royaume-Uni, d’autres qui font transporter des brouettes, des bases logistiques qui continuent de tourner pour «faire des produits de luxe, du parfum, des costumes Hugo Boss», Amazon «qui continue à livrer du shampooing ou du vernis à ongles».
Gros coup de gueule
«Quand est-ce qu’on va arrêter ça, c’est dément», s’exclame le responsable syndical, qui veut «pousser un gros coup de gueule». «On envoie des soldats au front sans fusils, de nombreux salariés vont faire un piquet individuel lundi, car ils n’en peuvent plus, ils vont travailler la peur au ventre et il y a déjà des décès dus au coronavirus sur plusieurs bases logistiques.» Selon la CFDT, un salarié intérimaire de 60 ans est ainsi décédé des suites du coronavirus dans le plus grand hub Fedex d’Europe à Roissy-Charles de Gaulle, qui emploie 2 500 salariés, «malgré l’appel des organisations syndicales d’arrêter l’activité considérée comme non essentielle sur ce site».
Pour Patrick Blaise, «comme 25 % de l’activité concerne les produits pharmaceutiques, il faut que 75 % des salariés soient confinés chez eux pendant 15 jours minimum et qu’il n’y ait plus que 25 % de salariés qui travaillent, avec les mesures de distanciation, avec des masques… Au lieu de ça, on continue de faire venir des salariés à tout va, à les mettre ensemble sans protection, pour s’occuper de produits non essentiels». Le responsable syndical cite aussi le cas de salariés de quatre entreprises du Mans (Sarthe) qui s’inquiètent d’un prochain regroupement sur un même entrepôt : «Regrouper un maximum de salariés à un seul et unique endroit, où 80 % de l’activité n’est pas essentielle, c’est aberrant.»
«Arrêt total pendant deux semaines»
Les syndicats demandent donc au gouvernement «un arrêt total pendant deux semaines» des transports et entrepôts non essentiels. «Et ensuite on verra. D’ici là, peut-être que le gouvernement aura reçu les masques et qu’on pourra les donner à ceux qui sont au front, et nos salariés sont en deuxième ligne après le personnel médical», dit Patrick Blaise.
Les fédérations CFDT, FO et CFTC demandent aussi l’arrêt des transports internationaux aux frontières (où les remorques seraient échangées), la gratuité totale des autoroutes pour les professionnels de la route, la réquisition des aires de repos, stations-service et restaurants routiers qui rechigneraient à ouvrir, ou encore des protections similaires à celles des urgentistes pour les personnels des petites ambulances privées transportant des malades du coronavirus.
«L’Espagne l’a fait : les conducteurs ne vont y transporter que l’essentiel à partir de lundi, on leur distribue gratuitement sur plus de 600 points réquisitionnés (aires de repos, stations, etc.) des masques, des gants et du gel hydroalcoolique…» avance Patrick Blaise. Qui l’assure : «Si les choses ne s’améliorent pas la semaine prochaine, la CFDT Transports, qui est la première organisation du secteur, prendra ses responsabilités et appellera les salariés obligés de continuer à faire un travail non essentiel à la nation à exercer un droit de retrait collectif.»
Source : Libération
Photo : REUTERS/Pascal Rossignol
[instagram-feed]
.
💟 Soutenez votre média : www.jesoutiensdroitcitoyen.fr