Depuis novembre 2019, le monde traverse une situation particulièrement inhabituelle à laquelle il faut savoir réagir relativement vite.
L’apparition du Covid-19, ce virus aux apparences grippales mais bien mortelles, a forcé tout un système de société à se remettre en question. Le monde du journalisme tente toujours tant bien que mal à garder le cap.
Un effet papillon qui se révèle fatal pour beaucoup. Le gouvernement en appelle à la solidarité de tous pour dépasser cette crise sanitaire instaurant un climat de guerre. Les journalistes sont aussi sur le devant de la scène pour gérer la situation.
Au service de la population…
Si le corps médical est le premier touché en tout point, des métiers indispensables sont toujours en activité et prennent des risques pour garder les dernières fondations solides.
C’est le cas des journalistes qui relèvent le défi d’informer quoi qu’il arrive. Leur rôle est d’informer au mieux sur ce qui est entrain de se dérouler par des reportages, des débriefs, en invitant des spécialistes, en vulgarisant les allocutions du Président Emmanuel Macron et de ses adjoints, en proposant des solutions mineures au grand public, etc.
Les journalistes, solidaires, mettent les bouchées doubles et s’attèlent à leurs tâches ardemment d’autant plus qu’ils sont en sous effectif : « On se sent utiles ! Nous avons un rôle important voire indispensable et les gens le réalisent. Nous rassurons les gens, nous redorons notre image qui était souvent critiquée. Nous essayons de trouver des angles différents pour varier l’information mais gardons en tête que l’actualité principale c’est le Covid-19 et ses conséquences sur la population, 17 000 morts ce n’est pas rien ! » assure Josselin Debraux, journaliste enquête et reportage à France Télévisions.
Ce qui permet une certaine diversité dans les informations est notamment dûe aux invités et interviewés, et aux questions du grand public. « Des sujets émergent tels que les femmes battues, la maternité, etc, toujours en lien avec l’épidémie. J’ai également pu réaliser un reportage sur le marché de Rungis qui a cédé un de ses bâtiments pour y installer une morgue. Depuis janvier, le seul sujet que j’ai traité qui n’était pas en rapport avec le Coronavirus c’était l’incendie de Notre-Dame. Aujourd’hui, il n’y a aucun autre sujet ».
Touché par le virus, Josselin Debraux s’est vu obligé, lui aussi, de s’arrêter de travailler pendant une quinzaine de jours. Les bureaux de France Télévisions s’organisent : 1 mètre de distance; certains portent des masques, d’autres non, les gestes barrières sont appliqués. « Ce sont surtout les journalistes médicalisés qui prennent le relais, certains journalistes sont au chômage technique. Niveau matériel, on porte des masques en tournage, des charlottes sur les micros et du gel hydroalcoolique dans nos poches » décrit le journaliste de France TV. Les méthodes de travail sont aussi différentes : le télétravail est plus que préconisé même s’il donne du fil à retordre à nos journalistes : « En terme de montage, c’est assez compliqué. Le passage entre les équipes est une perte de temps. Dans mon service, on n’est plus que 7 au lieu de 30 personnes. Il y a aussi des cas exceptionnels, certaines personnes ne se sentent pas de travailler, ils sont stressés et préfèrent rester à la maison. Je suis comme qui dirait immunisé maintenant, mais avant je trouvais que je prenais pas mal de risques pour ma santé et celle de ma famille ».
…Tout en ayant besoin d’elle
Même s’il y a toujours de quoi combler un journal TV ou une rubrique, ce qui manque le plus aux journalistes c’est encore l’interaction sociale. Vincent Bach, directeur de la publication du média #DroitCitoyen basé en région Auvergne-Rhône-Alpes confirme : « On est en média de terrain, on va dans les manifestations, on aime le contact direct ! Et il est très difficile de faire encore des reportages, d’aller voir les gens, leur parler.
Tout le monde se referme, même mes collaborateurs ». L’ambiance est anxiogène en général et on se sent seul, mais mieux servi par soi-même. « J’ai commandé des masques lavables avec le logo du média, sinon je ne sors pas. Pas forcément par peur de la maladie, mais plutôt à cause du jugement des gens, qui ne comprennent pas que nous faisons, nous aussi, notre travail ».
La liberté de presse est remise en cause car considérée comme non excessivement nécessaire mais aussi à cause d’annulation, report ou programmes restreints : « Nous sommes passés d’une émission par semaine alors qu’on en faisait 3, ce qui n’était déjà pas beaucoup » déplore Vincent Bach. Ce dernier en profite pour trouver des sujets pas encore traités avec des angles sensibles, comme révéler les inégalités sociales en terme de loyer par exemple.
Ce confinement repousse les échéances mais pas les idées. « Il faut arrêter d’être passif, un citoyen a des droits comme tout le monde, et nous on essaie de faire preuve de bon sens et donner le bon exemple. Mais en ce moment on ne peut plus faire notre métier, en tout cas seul, c’est impossible ». Pour relativiser et mieux comprendre, il faut se laisser tenir informé, « être visionnaire sur l’info et réfléchir à long terme » conseille le rédacteur en chef de #DroitCitoyen, en faisant entre autre, référence à un possible Babyboom.
Si le contact humain se fait aussi rare que les masques dorénavant, le coeur du métier du journaliste en prend un coup. Gael Cerez, rédacteur en chef du Médiacités à Toulouse, se désole : « c’est toujours mieux de voir les gens en vrai. Puis, pour nouer des liens de confiance avec l’interlocuteur, le téléphone n’est pas le plus efficace. Les entretiens et visioconférences par contre se déroulent bien et sont agréables. C’est peut-être le petit plus à garder après le confinement : un bon matériel et une meilleure pratique numérique ».
Les journalistes ne se laissent pas abattre
Aux grands maux les grands moyens, les équipes se réduisent et les lignes éditoriales peuvent changer. Moins d’enquêtes pour plus de décryptage et de questions/réponses, Médiacités propose entre 15 et 20 articles sur le Coronavirus. « Il commence à avoir une lassitude de la part des journalistes et des lecteurs qui veulent lire autre chose. C’est un phénomène qui n’avait jamais été autant couvert, plus de 8000 heures de programmes traitent de ça. Il faut se renouveler, alors on se fie à nos intuitions, aux idées, aux analyses de documents pour donner de nouveaux sujets. Mais tout est figé, nos sources aussi » explique Gael Cerez. Tout est devenu très complexe notamment dû à la soudaineté et à l’impréparation, « nous étions tous concentrés sur les Municipales, la nouvelle du virus ne s’est pas prise au sérieux assez vite. Même encore aujourd’hui nous n’avons pas d’interdiction particulière, il ne faut juste pas prendre de risques”.
Cependant, les articles sont passés au peigne fin, entre corrections et vérifications, les journalistes travaillent à déceler les fake news. Un faux témoignage sur France 3 a attiré l’attention et un article a été écrit à l’issu de cette intox pour la confirmer comme telle. Nous avons l’impression de redécouvrir le journalisme mais la finalité est toujours la même : « Moment de crise ou pas, les infos sont bien écrites et vérifiées. Manquer d’infos, c’est prendre des risques pour sa santé et la santé démocratique » affirme Gael Cerez.
Le monde journalistique n’échappe pas non plus à la crise économique qui se prépare. Les financements divers sont bouleversés et certains journaux et rédactions voient leur modèle économique partir en fumée. Avec le courrier distribué 3 fois par semaine, les hebdomadaires perdent en bénéfices. Les publicités qui sont aussi dans l’obligation de réduire leurs parts impactent largement les médias. Il y a beaucoup moins de budget. On peut se poser aussi la question de ce que deviennent les journaux sportifs et/ou culturels. D’après le rédacteur de Médiacités, il n’y a pas de remise en question sur ses pratiques journalistiques : « Nous sommes sur un média Web financé par des abonnements et investisseurs, on a moins de contraintes que le papier. J’ai toujours travaillé en télétravail, nous avons des habitudes numériques. Mais le manque d’interaction sociale se fait ressentir. C’est une crise qui confirme notre rôle ».
En surface, les problématiques sont les mêmes mais les médias souffrent de différentes façons. D’après ces témoignages, chacun est libre de faire ce qu’il veut en respectant les consignes collectives, mais les moyens sont limités. La vocation journalistique est toujours présente et on peut percevoir de la fierté dans les yeux des journalistes qui osent encore aller sur le terrain, car à grande ou petite échelle, chaque journaliste se sent utile. Même si la peur est réelle, ce qui touche le plus le corps journalistique c’est la redondance du sujet aussi angoissant que dramatique.
Cet événement aux ampleurs historiques est suivi de près, les historiens reprendront sûrement le flambeau des journalistes à la fin de cette crise globale.
Olivia PAYA