Le Conseil constitutionnel rendra son avis lundi. L’exécutif en appelle à la « responsabilité des Français » pour la limitation des déplacements et l’utilisation des transports en commun.
Depuis minuit ce lundi, c’est une forme de libération pour des millions de Français. Après cinquante-cinq jours de confinement strict sur l’ensemble du territoire, la France autorise à nouveau certains déplacements, et la réouverture de la plupart des commerces. Mais ce n’est qu’une reprise partielle de l’activité, et les appels à la prudence se sont multipliés à la veille du déconfinement, sur fond de crainte d’une seconde vague. Surtout, ce déconfinement débute avec un raté de taille, pour le gouvernement : la loi d’état d’urgence sanitaire n’a pas été promulguée à temps.
Certaines règles en suspens au premier jour du déconfinement
C’est un coup dur pour le gouvernement, et un couac que ses adversaires politiques ne manqueront pas de souligner : la loi d’état d’urgence sanitaire, soumise à l’aval du conseil constitutionnel, n’a pas pu être promulguée à temps. Dans un communiqué commun, l’Elysée et Matignon expliquent que le Conseil constitutionnel, saisi par Emmanuel Macron notamment, ne rendra finalement son avis que lundi sur cette loi d’urgence adoptée samedi par le Parlement. Ce qui repousse à lundi soir, sous réserve de cet aval, l’entrée en vigueur de deux dispositions phare : la limitation des déplacements à 100 km et l’attestation obligatoire dans les transports en commun.
Face au risque de voir de nombreux citoyens en profiter pour parcourir des centaines de kilomètres, l’exécutif fait appel « au sens de la responsabilité des Français », et rappelle : il était « en tout état de cause prévu que les nouvelles mesures devaient faire l’objet d’une période de tolérance ». Le défaut de pouvoir présenter l’attestation d’employeur demandée pour emprunter les transports en commun d’Ile-de-France entre 6 h 30 et 9 h 30 et entre 16 heures et 19 heures ne sera verbalisé qu’à partir de mercredi, avait ainsi annoncé dimanche la présidente de la région Valérie Pécresse.
Pour ce qui est des autres mesures du déconfinement, elles vont entrer en vigueur dès lundi matin puisque, « compte tenu de ces circonstances exceptionnelles », un décret temporaire a été publié au Journal officiel de lundi pour les faire appliquer à effet immédiat. Il s’agit de la fin des limitations des sorties du domicile, obligation du port du masque dans les transports en commun, réouverture des commerces à condition du respect des gestes barrières et de la distanciation et limitation à 10 personnes des rassemblements dans les lieux publics.
La crainte d’une seconde vague
Le confinement drastique et inédit d’une bonne partie de la population a porté ses fruits, avec un bilan quotidien des décès retombé dimanche soir à 70 morts, son plus bas niveau depuis la mise sous cloche du pays le 17 mars. Le bilan total s’élève toutefois à au moins 26 380 décès, et les principaux responsables ont multiplié les appels à la prudence et au bon sens. Le ministre de la santé, Olivier Véran, a ainsi averti sur TF1 : « Nous n’en avons pas terminé avec le virus. Nous allégeons les conditions du confinement mais la vie ne peut pas reprendre comme elle était auparavant ».
L’apparition de trois nouveaux foyers en Nouvelle-Aquitaine et en Vendée, zones classées en « vert », incite plus que jamais à la prudence. D’autant que l’un d’eux a été identifié dans un collège (où des personnels s’étaient réunis pour préparer la rentrée) et un dans une entreprise. « Dans ces zones dites vertes, il faut considérer que le virus est là. Il est en embuscade, il circule », a alerté dimanche le professeur Anne-Claude Crémieux, infectiologue à l’hôpital Saint-Louis à Paris. Et l’absence de traitement ou de vaccin incite à la vigilance : « Malheureusement, l’évolution de l’épidémie est extrêmement incertaine à ce jour et c’est l’avenir qui nous permettra de trancher », a-t-elle dit.
Prérentrée pour les enseignants
Sur l’autre dossier explosif, les écoles, la journée de lundi doit permettre une prérentrée des professeurs pour organiser la reprise, les élèves n’étant attendus qu’à partir de mardi voire plus tard selon les communes, avec des règles sanitaires drastiques.
« 85 % des écoles sont prévues pour rouvrir lundi (…) Un million d’enfants vont retrouver le chemin de l’école, les conditions sanitaires sont réunies », a assuré le ministre de la Santé Olivier Véran. Le ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer souhaite que tous les enfants aient pu retrouver « au moins une fois » leur école d’ici à fin mai, déclare-t-il dans une interview au Journal du dimanche.
Port du masque et inquiétudes persistantes
Dès lundi, le masque devient le sésame obligatoire dans les transports publics. L’Etat va mettre à partir de lundi « 10 millions de masques à disposition des opérateurs de transport », destinés aux usagers, dont 4,4 millions pour la région Ile-de-France, selon Christophe Castaner. Les craintes semblent largement partagées par ceux qui s’apprêtent à reprendre le travail lundi : 53 % disent avoir personnellement plus peur pour leur santé ou celle de leurs proches que des conséquences économiques de la crise, selon un sondage Ifop.
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Photo : Jacques Witt / SIPA