Le Conseil de l’Ordre des avocats du Barreau de Lyon a annoncé la création d’un Observatoire local des libertés publiques en période d’état d’urgence sanitaire.
Quel est l’objectif de cet organisme ? Pourquoi la prolongation de l’état d’urgence sanitaire inquiète les robes noires de Lyon ? Cette décision menace-elle les libertés fondamentales ? Pour répondre à toutes ces questions, #Droitcitoyen a rencontré Maître Joëlle FOREST-CHALVIN, vice-bâtonnière de l’Ordre des Avocats au Barreau de Lyon, qui a expliqué le pourquoi du comment de cette initiative.
DC : Pourquoi créer cet Observatoire et quel sera son objectif ?
Maître Forest-Chalvin : La création de cet Observatoire est un appel à la vigilance adressé à tous nos concitoyens. C’est également un message fort au pouvoir exécutif : les Avocats veillent à ce que les libertés publiques, l’Etat de droit et la Démocratie ne soient pas bafoués.
La période d’état d’urgence doit rester exceptionnelle et ne pas être un laboratoire d’idées liberticides. Cet Observatoire souhaite avoir un rôle de vigie et d’anticipation mais aussi de lutte contre les atteintes aux droit et libertés.


Quelles seront les missions de cet observatoire et qui sera en charge de son pilotage?
Cet Observatoire est une initiative locale du Barreau de Lyon. A ce jour, il est composé de plusieurs avocats de notre Barreau, représentant différentes spécialités. Sa mission principale est de veiller à la préservation des fondements de notre Etat de droit et de lutter contre les atteintes aux droits et libertés, y compris en période d’exception. Il aura un rôle d’alerte envers les pouvoirs publics. Nous souhaitons ouvrir la composition de cet Observatoire à des membres d’horizons multiples et complémentaires, dépassant le seul cercle des professionnels du droit. En ce sens, nous avons pris notamment attache avec les universitaires, les associations sensibles à la préservation des libertés et des droits humains (AEDH, LICRA, Prion Insider…), l’Institut des droits de l’Homme, l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, les professionnels de santé ( Conseil Régional de l’Ordre des médecins…)
Pour ses premières actions et celles qui suivront, y a-t-il des dates clés à retenir dans le calendrier de l’observatoire ?
Dans un premier temps l’objectif est de dresser un état des lieux de la situation et de définir les contours de cet Observatoire. Nous ne manquerons pas de communiquer sur nos actions.
Pourquoi la prolongation de l’état d’urgence sanitaire inquiète les avocats de Lyon ? Et en quoi cette décision constitue une menace pour les libertés fondamentales ?
Les Avocats, sans nier la nécessité de veiller à la santé de tous, entendent veiller également à la santé de la démocratie. Nous nous opposons à une société de surveillance. Avec la prolongation de l’état d’urgence, nous redoutons que les mesures exceptionnelles prises ne se banalisent et perdurent dans l’avenir. Comme nous l’avons rappelé dans la motion que nous avons votée à l’unanimité lors du Conseil de L’Ordre, le 15 mai dernier, si les situations exceptionnelles et d’urgence peuvent conduire l’Etat à limiter certains droits et libertés, c’est à condition que ces mesures soient nécessaires, proportionnées, temporaires et non discriminatoires. Le contexte de crise-sanitaire affaiblit les contre-pouvoirs et la consultation démocratique. Le confinement a été une atteinte à la liberté d’aller et venir, d’entreprendre, de culte, au droit à l’éducation, à l’accès au droit. Nous ne pouvons que déplorer le fonctionnement très dégradé de l’institution judiciaire tant durant la période de confinement que depuis le déconfinement. L’état d’urgence sanitaire étant prolongé au moins jusqu’au 10 juillet, nous subissons la suppression des plaidoiries, la non reprise de certains contentieux, les délibérés prorogés sine die… Nous restons également en alerte quant aux mesures de traçage numérique (StopCovid) qui posent de nombreuses difficultés techniques, juridiques et éthiques.
Cette nécessité de prendre rapidement des mesures par le gouvernement pour faire face à la crise pourrait-elle nous empêcher de conserver un regard critique sur la méthode employée ?
Le risque est réel. Par la création de cet Observatoire, le Barreau de Lyon entend mettre en garde nos concitoyens… Le principe de proportionnalité doit être respecté. La liberté ne doit pas être placée bien après les impératifs sanitaires.
Des poursuites en justice contre l’Etat peuvent-elles être intentées ?
Cela est envisageable. Mais ce n’est pas la mission de l’Observatoire.
Propos recueillis par Cheker Berhima