Steve Maia Caniço est mort pendant la Fête de la musique 2019 à Nantes après une opération policière controversée. Le corps du jeune homme avait été repêché dans la Loire le 29 juillet, après des semaines de recherches. La procédure judiciaire est toujours en cours.
Nuit du 21 au 22 juin 2019, sur l’île de Nantes. C’est la Fête de la musique. Steve Maia Caniço, 24 ans, retrouve ses amis pour une soirée électro organisée sur le quai Wilson, sur bords de Loire. Le lieu ne comporte pas de barrières de sécurité. Vers 3 heures du matin, il envoie un dernier SMS puis plus de nouvelles.
Quelques heures plus tard, la situation s’envenime. La police intervient pour faire éteindre la musique qui se poursuivait après l’heure autorisée. Les forces de l’ordre racontent qu’ils sont victimes de jets de bouteilles et de pavés. Les policiers répliquent alors par des gaz lacrymogènes et, dans la cohue, des personnes tombent dans la Loire. Quatorze sont récupérées par les pompiers. Mais un jeune homme est toujours porté disparu : Steve Maia Caniço, animateur scolaire.
« Moi, dès le début, je me suis dit ce n’est pas normal, Steve il donne des nouvelles« , se souvient Anne-Claire Le Portois-Girin, qui avait découvert avec stupeur les avis de recherche.
Le lundi, à la grille de l’école primaire de Treillières, au nord de Nantes, l’animateur qui s’occupe de son fils n’est pas là et la ville va se couvrir d’affiches demandant « Où est Steve ?« , tandis que les zones d’ombre s’accumulent sur cette fin de soirée électro.
Après plusieurs semaines de recherches, les pompiers découvrent le corps du jeune homme, le 29 juillet dans le fleuve, près du lieu où s’est déroulée la fête.
Nantes sous le choc
Les cinq semaines d’incertitude autour de son sort provoquent une forte émotion à Nantes et ses amis œuvrent pour demander des recherches plus poussées et raconter la personnalité de ce garçon doux calme, dont les proches expliquent qu’il ne savait pas nager.
Après des années de Fête de la musique célébrée quai Wilson, les polémiques se succèdent au sujet de l’emplacement jugé dangereux et de l’intervention policière perçue comme disproportionnée face à des jeunes qui s’amusaient dans un quartier sans habitations.
« La chute dans la Loire de Steve Maia Caniço, elle fait basculer tout le bonheur d’une famille« , insiste pour sa part leur avocate, Cécile de Oliveira.
Une enquête de l’Inspection générale de la police (IGPN) est ouverte le 24 juin, ainsi qu’une enquête administrative de l’IGA, Inspection générale de l’administration. La justice poursuit ses propres investigations dans le cadre d’une information judiciaire contre X pour “homicide involontaire”.
Dans son rapport l’IGPN n’établit pas de « lien » entre l’intervention de la police et la disparition de Steve Maia Caniço.
L’IGA, de son côté qui fonde ses conclusions sur l’audition de personnes présentes ce soir-là, estime que « la situation aurait été totalement différente si le neuvième « sound system » avait coupé le son comme les huit autres”, est-il écrit. “La cause première des violences de la nuit est bien celle-là.”
Au cours des échauffourées qui ont suivi, les policiers ont tiré trente-trois grenades lacrymogènes, dix grenades de désencerclement et douze balles de défense. Les autorités ne sont toutefois pas blanchies par l’IGA, en particulier la mairie de Nantes et la préfecture de Loire-Atlantique, qui auraient dû “davantage prendre en compte la sécurité de l’événement”.
“La vitesse de réaction l’a emporté sur l’analyse, empêchant une manœuvre plus adaptée”, conclu Christophe Castaner lors d’une conférence de presse le 30 septembre, place Beauvau. Le ministre de l’Intérieur qui précise ce jour-là que le commissaire divisionnaire en charge des opérations le 21 juin dernier sera « muté dans l’intérêt du service sur un emploi sans responsabilité de maintien de l’ordre dans l’attente des conclusions des enquêtes judiciaires« .
Les réseaux sociaux s’emparent de l’affaire. Des manifestations sont organisées un peu partout en France. Des graffeurs peignent un portrait de Steve, barré des mots « Que fait la police ? » près du lieu de sa disparition.
Dégradée à deux reprises cet hiver, ils viennent de restaurer leur fresque et ont découvert à proximité un grillage qui bloque l’accès au fleuve.
Un procès d’ici quatre ans
Après des rapports de l’IGPN (l’Inspection générale de la police nationale) et de l’IGA (Inspection générale de l’administration), l’enquête se concentre désormais à Rennes où l’affaire a été dépaysée.
Une première instruction porte sur l’homicide involontaire de la mort de Steve.
Une deuxième, sur les personnes qui se plaignent d’avoir été victimes de violences de la part des policiers, lorsqu’elles ont été dispersées avec des grenades lacrymogènes.
La troisième information pour violences sur « personne dépositaire de l’autorité publique ». Elle a été ouverte par les policiers qui se plaignent d’avoir reçu des projectiles lancés par la foule, de manière violente. Un seul et même cabinet d’instruction a été saisi par le parquet de Rennes pour ces trois dossiers.
Pour Maître De Oliveira, « on va probablement avoir des éléments au début de l’été qui vont j’espère pouvoir faire basculer le dossier vers des mises en cause« .
Le procès pourrait avoir lieu dans trois à quatre ans au tribunal correctionnel ou dans quatre à cinq ans aux assises.
Source : francebleu.fr
Photo : Sur le Quai Wilson, à Nantes après la mort de Steve Maia Caniço © AFP – ESTELLE RUIZ