Cinq associations ont monté, cette nuit, un campement d’une centaine de tentes dans le XIe. Pour alerter sur l’absence de prise en charge des mineurs étrangers dans Paris.
Les humanitaires les appellent les « ni-ni ». Ces jeunes migrants isolés, ni mineurs aux yeux de l’administration, ni majeurs, ne disposent pas d’une prise en charge adaptée à leur âge. Depuis ce mardi, une centaine d’entre eux (presque tous originaires d’Afrique de l’ouest) est « logée » dans un campement de tentes-bulles qui s’étire dans le square Jules-Ferry au cœur du XIe.
Des tentes pour alerter
Il a été monté en quelques minutes, durant la nuit, par cinq associations humanitaires qui suivent ces mineurs isolés. « Il s’agit de les rendre visible et d’alerter sur la difficulté qu’ils ont à faire reconnaître leur minorité. Résultat : beaucoup d’entre eux se retrouvent à la rue », dénonce Yann Manzi, de l’association Utopia 56 partenaire de l’opération.
« Les mineurs à la rue, qu’ils soient migrants ou pas, doivent être pris en charge par les départements (NDLR : la Ville de Paris dans le cas de la capitale) dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance. C’est la loi ! », enchaîne Caroline Douay, membre de MSF qui organise aussi le campement.
Des mineurs considérés comme majeurs
Problème : le dispositif d’évaluation des mineurs étrangers isolés (Demie) abouti à de nombreux refus de prise en charge des jeunes demandeurs dont la minorité est remise en cause. Selon les associations, près de 70 % des jeunes migrants se disant mineurs seraient considérés comme majeurs par l’administration à l’issue de leur examen de situation.
« C’est un simple entretien, souvent sans interprète, parfois très bref… Et les refus sont motivés par des arguments aussi arbitraires que le degré de maturité qui ne correspond pas à l’âge déclaré », rappellent les militants associatifs. Le système avait été qualifié de « loterie » par l’ONG Human right watch qui avait consacré un rapport sur le sujet en 2018.
Les mineurs « déboutés » ont la possibilité de faire un recours devant un juge pour enfants. Mais ils ne peuvent pas bénéficier d’une prise en charge durant l’examen de leur dossier. Bakary est dans ce cas. Ce grand gaillard, qui dit avoir 17 ans depuis quelques jours, a quitté le Mali à 15 ans (pour fuir un oncle maltraitant).
Ils attendent un véritable hébergement
Après un périple qui l’a mené en Mauritanie, au Maroc puis en Espagne, l’adolescent est arrivé à Paris en octobre 2019. Son certificat de naissance et ses papiers maliens en poche. « Je les ai montrés à l’entretien. Mais ils ne m’ont pas cru. Ils m’ont dit tu n’es pas mineur », explique-t-il en attendant le résultat du recours que Médecin sans frontières l’a aidé a déposé.
« Tous les jeunes qui se trouvent sur ce campement sont dans le même cas » résument les militants associatifs décidés à rester sur place jusqu’à obtenir un « vrai » traitement du dossier mineurs isolés. « Et pas de simples mises à l’abri. Il faut de vrais hébergements avec un dispositif d’accompagnement sanitaire, social et éducatif pour ces mineurs. On en a les moyens. Cela concerne quelques centaines de jeunes, tout au plus », conclut l’un d’eux.
«Nous avions proposé la création d’un lieu d’hébergement dédié pour les jeunes reconnus majeurs mais qui ont déposé un recours. Soit environ 70 personnes à Paris. L’Etat a pour l’instant refusé cette solution», a réagi Dominique Versini, adjointe aux affaires sociales de la mairie de Paris. Une nouvelle réunion entre la préfecture et la Ville est programmée ce mercredi sur le sujet.
Source : leparisien.fr