La France a été au chevet du Liban pendant presque deux mois après la déflagration du 4 août dernier. Si l’action humanitaire française est terminée, l’avenir politique et social du Liban reste aujourd’hui incertain.
Le 5 août, au lendemain des deux puissantes déflagrations dans le port de Beyrouth, la capitale du Liban, la France a commencé l’opération militaire humanitaire « Amitié », visant à acheminer du fret humanitaire de première nécessité et à déblayer les décombres du port de Beyrouth. Le 23 septembre, après l’acheminement de plus de 1200 tonnes de matériel humanitaire et le déblayage de 17 000 tonnes de gravats dans le port de Beyrouth selon le ministère des armées, l’opération militaire française a pris fin. Le Liban reste néanmoins dans une situation de crise profonde.
Le Président libanais Michel Aoun a évoqué le 21 septembre, dans ces termes, la situation du pays : « Le Liban se débat dans une crise sans précédent. Il est victime des accumulations d’erreurs de gestion, d’une récession économique et financière sévère à laquelle est venue s’ajouter l’épidémie de Covid-19 qui a totalement bloqué la roue de l’économie. Le tout couronné par la catastrophe de l’explosion du port de Beyrouth qui a frappé le pays à tous les niveaux, rendant la situation complètement ingérable. »
En effet, la crise que traverse le Liban affecte de nombreux domaines de la société et de l’économie, et a déstabilisé la classe politique. Malgré l’explosion, les manifestations parfois violentes contre les dirigeants libanais se poursuivent. La dévaluation de la livre libanaise, a créé une forte baisse du pouvoir d’achat, qui a empiré avec l’explosion à Beyrouth. Dès 2019, de nombreux Libanais ont tenté de retirer en masse des dollars afin de conserver de l’argent liquide ne pouvant pas être dévalué ; les banques ont, pour éviter tout manque de liquidités, limité l’accès aux comptes en banque à leurs clients, établissant également des restrictions sur les paiements par carte bancaire. Il est donc maintenant difficile pour les Libanais d’utiliser leur argent, les salaires sont en chute constante car les entreprises ne parviennent plus à payer leurs employés ; plus de 50% de la population serait maintenant sous le seuil de pauvreté et le prix des produits de première nécessité a fortement augmenté, comme le notait Libération dans un reportage en décembre 2019.
Le lendemain de l’explosion, le gouvernement libanais a démissionné. Bien qu’un nouveau premier ministre ait depuis été nommé en la personne de Mustapha Adib, le gouvernement n’a pas encore été reformé à cause de nombreux désaccords entre les différents partis au pouvoir, empêchant le pouvoir exécutif de prendre des mesures contre la récession économique, comme s’en désespérait le journal libanais francophone l’Orient-Le Jour.
Beyrouth, capitale et cœur économique du pays, reste encore largement endommagée ; la majorité des 250 000 à 300 000 personnes devenues sans-abri à cause de l’explosion n’a toujours pas été relogée, les plans de reconstruction n’ayant pu être lancés en l’absence d’un gouvernement nommé.
De plus, la crise actuelle a exacerbé des problèmes préexistants au Liban, dont notamment la gestion des déchets. En effet, le recyclage et le stockage des déchets a souvent été négligé par les différents gouvernements. La destruction de plusieurs centrales de recyclage lors de l’explosion du 4 août risque de créer une crise de gestion des déchets, comme le note l’association Human Rights Watch.
Bien que de grands moyens aient été déployés par des organisations et états étrangers et notamment par la France, la situation du Liban reste grave, et peut empirer si le gouvernement reste coincé par les différentes luttes politiques internes. Cette accumulation de crises a fait passer le Covid-19 au second plan au Liban, la crise sanitaire n’est devenu qu’un problème parmi d’autres, ce qui souligne la profondeur de la crise structurelle que traverse le pays.