À 10h20 à la mairie du 1er arrondissement de Lyon le 23 septembre, Pierre-Alain Mannoni, l’homme devenu le « symbole du délit de solidarité » tenait une conférence de presse à quelques heures de son procès en appel aux 24 colonnes de Lyon.
Accueilli chaleureusement par la maire du 1er arrondissement Yasmine Bouagga, « heureuse de (les) accueillir même si c’est pour quelque chose qui nous fait honte », et accompagné de son avocate Me Maeva Binimélis, de Georges Gumpel, présent au nom de l’Union Juive Française pour la Paix et signataire du manifeste des enfants cachés, et de Myriam Laïdouni-Denis conseillère régionale Auvergne-Rhône-Alpes et cofondatrice de l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants, Pierre-Alain Mannoni faisait part de son état d’esprit, de ses appréhensions et de son ressenti à quelques heures du cinquième et volet de son épopée judiciaire.
Pierre-Alain Mannoni rappelle ce dont il est accusé : la nuit du 18 octobre 2016, il a accepté, à la demande de militants œuvrant dans un squat près du village de Saint Dalmas de Tende dans les Alpes Maritimes, de transporter 3 migrantes érythréennes dont une mineure chez lui à Nice afin qu’elles passent « une nuit au chaud » avant de les conduire à la gare au départ pour Marseille où des militants d’associations dont des docteurs de Médecins Sans Frontières les attendraient afin de leur prodiguer des soins. Il est donc accusé d’avoir aidé au déplacement de personnes en situation irrégulière, conformément à l’article 622-1.
Il se défend d’être militant ou passeur et explique n’être qu’un citoyen curieux qui a fait ce qui lui semblait être « l’action juste ». Il dit ne pas avoir envisager la possible illégalité de son geste. Son véhicule sera contrôlé par la police au péage de la Turbie aux alentours de 4h du matin, sur une route qu’il dit connaître et dont il dit être conscient du caractère systématique des contrôles de nuit dû à la proximité de ce péage avec la frontière italienne.
Interrogé sur son état d’esprit, Mannoni se dit préparé et déterminé grâce en partie au soutien du public et de nombreuses associations, mais accuse un certain « acharnement judiciaire » et estime qu’aucun cadeau ne lui sera fait ni ne lui a été fait pendant ces 4 années d’aventure judiciaire ; après une première relaxe par le tribunal de Nice, il était condamné en appel à 2 mois de prison avec sursis par la cour d’appel d’Aix. Ce jugement en appel a été suivi d’un recours en cassation par Mannoni et son avocate qui a abouti à l’annulation du verdict de la cour d’appel d’Aix et à un nouveau jugement par la cour d’appel de Lyon.
Me Maeva Binimélis estime que dans le cas de son client, l’immunité pénale humanitaire, encadrée par l’article 622-4, s’applique car il a aidé à la circulation de personnes en situation irrégulière, ce qui est illégal certes, mais l’ayant fait sans recherche de contrepartie de quelque forme qu’elle soit, il devrait bénéficier de l’immunité. D’autant plus que l’une des trois personnes qu’il conduisait était mineure, ce qui apparaît d’ailleurs sur le procès-verbal de la police, et ne peut par conséquent être en situation irrégulière sur le territoire français.
À 3 heures de l’audition, Pierre-Alain Mannoni et son avocate sont confiants d’avoir la loi de leur côté dans cette affaire. La loi n’est pas ce qui inquiète l’accusé, lors de cette conférence de presse, c’est en s’assurant d’avoir l’aval de son avocate qu’il se permet ces mots « On peut imaginer qu’il y ait une exploitation politique de cette affaire », le « symbole du délit de solidarité » semble penser que le risque serait d’être condamné afin de servir d’exemple.