Vendredi 16 octobre, un collectif d’intermittents du spectacle a pris la parole lors d’une rencontre organisée au théâtre des Célestins avec les frères Dardenne, lauréats du prix Lumière 2020.
« Personne ne nous entend »
Avec l’accord préalable des organisateurs du festival et bien sûr des invités, les militants représentés par un homme et une femme, ont prononcé un discours d’une dizaine de minutes sur la situation alarmante des travailleurs précaires, qui faisait le lien avec le film Rosetta des frères Dardenne.
« Pour nous Rosetta s’appelle Amanda »
« Rosetta », sorti en 1999 raconte l’histoire d’une jeune femme qui peine à trouver un travail pour survivre dans un monde bousculé par l’économie. 20 ans après, c’est aussi la situation que vit Amanda, étudiante boursière qui renonce à voir ses parents ou aller chez le médecin par manque de moyens. Puis ils dénoncent la précarité des intermittents du spectacle contraints parfois de vivre avec moins de 600€ par mois. « Mes droits au chômage se sont épuisés, je vais bientôt conduire sans assurance, je ne fait plus qu’un repas sur deux » raconte Fabien qui travaille dans l’événementiel depuis plus de 20 ans.
Ils soulignent cette situation par un second constat : la fortune des plus riches a largement augmenté pendant la crise.
« Aucune française, aucun français ne sera laissé sans ressources. »
Ce sont ces propos d’Emmanuel Macron que rappellent les militants. Mais ils regrettent « qu’aucune mesure d’urgence pour plus de 2 millions d’intermittents de l’emploi, extras dans l’hôtellerie, la restauration et l’évènementiel, intérimaires en CDD etc. » n’ait été prise. Et celles qui ont été annoncées sont jugées très insuffisantes pour éviter que des milliers de jeunes ne basculent dans la pauvreté.
C’est donc un sentiment d’invisibilité, de ne pas être entendu ou soutenus, qui est au centre de leur discours.
« Nous ne demandons pas la charité mais l’humanité et la solidarité »
Ils demandent notamment une année blanche sur les droits au chômage pour tous les intermittents et un abandon de la réforme de l’assurance chômage. « Une nouvelle assurance chômage qui permette simplement à tous les citoyens et citoyennes de pouvoir vivre dignement même si il y a un virus toute leur vie. » Ils demandent aussi à ce que les jeune de 18-25 ans puissent avoir accès au RSA. Pour eux, ce sont les seuls moyens pour éviter le pire, éviter « qu’une nouvelle fois, un jeune s’immole par le feu » comme l’étudiant Anas l’année dernière.
« Chers Jean Pierre et Luc Dardenne, la société a besoin de vous. »
Ils terminent leur discours émus, rappelant qu’ils sont pleinement concernés par la réalité qu’ils viennent de déclarer au public. Inquiets pour leur avenir.
Le public ainsi que Jean Pierre et Luc Dardenne les applaudissent longuement. Puis Thierry Frémaux, président du festival, donne la parole aux cinéastes, eux aussi bouleversés par ce sujet qu’ils connaissent bien. Ils espèrent que ces professions invisibles deviennent visibles et reconnaissent que sans ces professions parfois pratiquées bénévolement, leurs films auraient bien plus de difficultés à être tournés.
Ce n’est pas seulement à travers ce types d’actions qu’ils comptent alerter mais encouragent aussi le cinéma à accomplir une mission de mise en lumière des réalités vécus par ces précaires.
C’est donc un avenir incertain pour le monde de la culture qui s’annonce avec les nouvelles restrictions liées à l’épidémie. En effet, les travailleurs du septième art demeurent inquiets et envisagent difficilement une amélioration pour leur modèle économique.