Alors que tous les yeux étaient rivés sur les Etats-Unis cette nuit, les résultats ne sont toujours pas tranchés au petit matin. Si Joe Biden profite d’une petite avance, le dépouillement est toujours en cours dans un certain nombre d’Etats, et rien n’est encore joué.
La « nuit américaine » a en effet connu de nombreux rebondissements. Si Joe Biden est toujours en tête, il a pourtant perdu la Floride (29 grands électeurs) ainsi que l’Ohio (18 grands électeurs), deux Etats pivots fondamentaux sur lesquels il comptait particulièrement. Donald Trump a également gagné le Texas (38 grands électeurs), resserrant un peu plus les résultats. De son côté, Joe Biden a pu compter sur la Californie (55 grands électeurs) et plus récemment le Minnesota (10) ainsi que l’Arizona (11).

Pour l’heure, Joe Biden compte 238 grands électeurs contre 213 du côté de Donald Trump. Les chaînes américaines rappellent que des millions de votes sont encore à dénombrer. Cette année, avec l’épidémie de Covid-19, une très large partie des américains a décidé de voter par correspondance, sachant que nombre de ces votes anticipés pourraient êtres démocrates, répondant à l’appel de Joe Biden à voter à distance en raison de l’épidémie. La participation atteint également un score record par rapport à 2016, ce qui pourrait expliquer le retard des résultats.
Les deux candidats se sont d’ores et déjà exprimé, Joe Biden le premier, appelant à la patience et à la prudence. Le 45e président des Etats-Unis, quant à lui, s’est empressé de prononcer un discours aux alentours de deux heures du matin, heure américaine (8 heures en France) pour annoncer prématurément sa victoire tandis que son opposant comptait alors déjà 12 grands électeurs d’avance :
« Des millions de gens ont voté pour nous, et un petit groupe de gens très triste essaye de désavouer ce groupe de gens. Nous ne l’accepterons pas. […] « Nous étions prêts à gagner cette élection. Franchement, on l’a gagné »
Donald Trump, 45e président des Etats-Unis, candidat républicain
Il souhaite que ne soient comptés que les votes en personne, puisque selon lui les votes par correspondance seraient frauduleux. Il annonce d’ores et déjà par ailleurs l’intervention de la Cour Suprême. Quelques jours plus tôt, lors d’un meeting en Pennsylvanie, il disait « si nous gagnons ce mardi ou peu après [on dira alors] merci la Cour Suprême », insinuant que les résultats se joueraient devant les tribunaux.
Les résultats devraient prendre plusieurs jours dans tous les cas pour achever le dépouillement, voire plusieurs semaines si l’élection se transforme en bataille juridique.
L’équipe de Biden a, de son côté, déjà dénoncé les propos « scandaleux » de Donald Trump et promet de le « combattre » en justice s’il le fallait.
Les journalistes sont quant à eux très confus sur la situation, y compris sur Fox news, traditionnellement affiliée à Donald Trump. Ils continuent pour la plupart le décompte sans pour l’heure donner une réelle portée aux propos précoces du présidents. C’est en effet la première fois que le président des Etats-Unis remet en cause la légitimité des élections.


Twitter et Facebook se sont par ailleurs permis d’ajouter un message de prévention sur les messages de Donald Trump pour tempérer ses affirmations hâtives :
En outre, les dés sont loin d’être jetés : la Pennsylvanie, un des Etats clés pour ses 20 grands électeurs et par ailleurs terre natale du candidat démocrate, ne devrait délivrer ses résultats que tardivement, sans doute même demain. Plusieurs Etats traditionnellement démocrates n’ont pas encore dévoilé leurs résultats.
Que se passe-t-il si un candidat refuse les résultats?
Les chiffres relativement serrés ainsi que les discours de Donald Trump laissent craindre une issue devant la Cour Suprême, soit l’institution au sommet du pouvoir judiciaire aux Etats-Unis.
Si la Cour Suprême jugeait qu’il y avait effectivement un conflit d’intérêt dans cette élection, elle serait en charge de trancher. Dans ce cas extrême, le Congrès passerait outre l’élection et pourrait compter sur le vote des Etats tels qu’ils sont déjà, c’est-à-dire majoritairement républicains.
Néanmoins, cette issue est encore peu probable puisque le dépouillement est encore loin d’être achevé.
Dans tous les cas, le manque de netteté des résultats pose une nouvelle fois le problème de la légitimité des présidents aux Etats-Unis. En 2016, de nombreux américains étaient descendus dans la rue clamer « Not my president » à l’adresse de Donald Trump, nouvellement élu malgré une défaite au suffrage direct. En ce 4 novembre 2020, il va sans dire que les Etats-Unis sont plus divisés que jamais.
Une campagne déjà très mouvementée
L’Amérique apparait aujourd’hui très polarisée. Une bataille féroce s’est engagée ces derniers mois entre les partisans des deux camps, qui affichent fièrement leurs couleurs politique respectives avec des pancartes, casquettes, ou autocollants de voiture. Le pays s’est ainsi peu à peu crispé jusqu’au jour J. Loin de l’ambiance habituelle d’un jour d’élection, les rues étaient curieusement vides, les magasins fermés et la Maison Blanche barricadée, dans la crainte de possibles émeutes.
Donald Trump est aux Etats-Unis comme ailleurs un personnage très controversé : très apprécié par ses partisans pour son assez bon bilan économique avant la crise, honni par ses adversaires pour sa personnalité ou encore ses choix diplomatiques. Toutefois, l’année de campagne, parsemée de crises de natures diverses, a rebattu les cartes et crispé davantage les positions.
Bien sûr, la gestion de la crise du Covid-19 est la principale tare reprochée à l’actuel président des Etats-Unis. On lui reproche son manque d’action, de compassion et de mesure dans une crise qu’il a largement sous-estimée. Son manque d’écoute voire son mépris vis-à-vis d’experts comme Anthony Fauci, immunologue à la tête de la cellule de crise de l’administration Trump, est également pointé du doigt.
Les Etats-Unis comptent pourtant 230 000 morts à ce jour, et les images d’hôpitaux débordés et de fosses communes à New York sont encore très présentes dans les esprits. La situation de l’épidémie est en outre un des principaux arguments de Joe Biden contre son adversaire. Par contraste, le candidat démocrate avait en effet mis en avant la prudence et le port du masque et avait également restreint volontairement ses meetings pour éviter les réunions de masse.
La question de la sécurité et des violences policières fut un autre sujet de campagne très controversé. Le pays s’est en effet enflammé en juin suite au décès filmé de l’afro-américain George Floyd à Minneapolis dans le Minnesota aux mains de la police. Les manifestations « Black Lives Matter » se sont multipliées en même temps que les bavures policières comme la mort de Breonna Taylor, tuée par balle par la police intervenue chez elle par erreur, ou Daniel Prude, mort dans des circonstances similaires à Georges Floyd en mars.
Enfin, les deux candidats s’opposent sur la question clé du changement climatique. D’un côté, l’actuel président dénie largement l’existence d’un changement climatique quel qu’il soit, et s’est par ailleurs retiré des Accords de Paris en 2018. De l’autre, Joe Biden a souhaite un retour dans les dits accords et prévoit de vastes investissements dans les énergies vertes.
Aux Etats-Unis, la question est d’autant plus pressante que le pays est régulièrement frappé par des ouragans de plus en plus dévastateurs, comme l’ouragan Laura fin août. Les feux de forêts début septembre avaient également été particulièrement spectaculaires : à San Francisco, le ciel était rouge et embrumé du fait de l’importance des incendies californien.


Plus de quatre heures après l’heure à laquelle les résultats des élections de 2016 étaient connus, l’issue de ce scrutin reste complétement imprévisible. Afin de mieux comprendre le système électoral Américain par suffrage universel indirect, rendez-vous ici.