Après avoir proclamé le couvre-feu qui a fortement affecté de nombreux commerçants, le 28 octobre, le président Emmanuel Macron a annoncé le retour du confinement pour la France. Une mesure vécue comme une catastrophe pour un grand nombre de commerces et d’artisans.
Les commerçants en colère
« Si on nous empêche de travailler on va déposer le bilan » explique une commerçante lors d’une manifestation à Bayonne réclamant la réouverture des commerces. De nombreux commentaires similaires à ce dernier se sont fait entendre dans l’espace public, signe qui démontre que le re-confinement est moins bien accepté par les citoyens français que le premier. Ces voix de travailleurs désemparés ont trouvé un écho chez de nombreux maires qui ont décidé de soutenir leurs populations en prenant des arrêtés permettant aux commerces d’ouvrir en plein confinement. « 76 arrêtés municipaux autorisant la réouverture des petits commerces » ont été comptabilisés dans le pays. Pour le maire d’Aubusson, Michel Moine, il est regrettable « que la charge de la responsabilité de l’épidémie soit à ce point supportée par le commerce de proximité ». De nombreux maires ont adopté une ligne directrice similaire comme le maire de Perpignan Louis Aliot ainsi que le maire de Brive Frédéric Soulier ou encore le maire de Béziers Robert Menard.
Un message de soutien et de contestation
« Je suis du côté des petits commerçants » annonçait ce dernier dans une vidéo postée sur Twitter. Après avoir annoncé sur le site internet de la ville de Béziers « tous les commerces de la ville sont autorisés à reprendre leur activité », le maire dit vouloir s’acquitter des contraventions que seraient susceptibles recevoir les commerçants qui ont ouvert. La mesure a été grandement appréciée par la population de la ville de l’Hérault « être ouvert aujourd’hui, c’est symbolique, le maire a pris un arrêté pour nous soutenir alors la moindre des choses c’est de faire bloc derrière lui. Ça ne servirait à rien qu’il se batte tout seul » avance une vendeuse de ville dont le propos a été recueilli par Libération.
Pour la maire de la commune d’Audun-le-Tiche, Viviane Fattorelli, la décision de prendre un arrêté pour soutenir les commerçants sert également à envoyer un message au gouvernement. Dans une interview à France Bleu Moselle, elle déclare vouloir, par l’arrêté, alerter le gouvernement sur les commerçants qui se sentent abandonnés ainsi que sur les élus locaux qui reçoivent « des annonces et des mesures contradictoires ».
Autre motif ayant provoqué la colère des petits commerçants, la concurrence déloyale dont ils se sentent victime notamment avec le maintien de l’activité des grandes surfaces. « Ils ne comprennent pas que des activités identiques aux leurs puissent être autorisées pour les entreprises de grande distribution et de vente en ligne » soutient l’association des maires de France (AMF). Pour le président de la Confédération des Commerçants de France, Francis Palombi, ça ne passe pas. Lors d’une visioconférence avec le Premier ministre et d’autres acteurs de la grande distribution, il a demandé « que l’égalité de traitement soit appliquée par la loi ». Une petite victoire pour la confédération qui a obtenu la fermeture des rayons d’articles non-essentiels dans les grandes surfaces.
Une mesure symbolique
Pour les nombreux maires ayant ainsi défié le décret du 29 octobre proclamant le confinement généralisé, l’arrêté est vu comme une mesure symbolique. Les élus locaux savent pertinemment que les arrêtés sont illégaux et attendent les premières réprimandes du gouvernement de pied ferme. Plusieurs préfets ont d’ores et déjà convoqué les maires « frondeurs » pour les sommer de suspendre les arrêtés. C’est le cas des maires de Béziers et de Perpignan qui se sont retrouvés au tribunal administratif face au préfet de l’Hérault.
Avec l’arrêté de réouverture à Brive, le maire Frédéric Soulier retient un élément positif après l’annulation de sa mesure « ça a eu le mérite de poser le débat au plan national ». Cette volonté de susciter le débat est aussi l’idée générale qui a motivé la mise en place de ces arrêtés. Dans un communiqué, l’association des maires de France (AMF) entend demander au gouvernement « d’élargir leur définition de commerce de première nécessité, dès lors que les conditions de sécurité sanitaire permettent de préserver la santé des commerçants, de leurs salariés et de leurs clients. » Mais pour beaucoup de membres du gouvernement la décision de ces maires est jugée comme « irresponsable ».
Jean Castex relativise, pour lui l’incompréhension de la situation sanitaire alarmante du pays peut expliquer « pourquoi il peut y avoir des difficultés d’application des règles ou des contestations de la part d’un petit nombre de maires. »
Parmi les 76 arrêtés municipaux, 16 ont été retirés jusqu’à ce jour. Des annulations sont prévues prochainement. Face à la fermeture des établissements dans leurs villes, de nombreux maires ont assisté les commerçants dans la mise en place un système de vente en livraison comme à Béziers où des agents s’occuperont des ventes à domicile les mercredis et samedis de 14h à 20h selon France 3 Occitanie. Pour la mairie de Perpignan, le gouvernement doit « créer une taxe sur les transactions commerciales dont les dividendes seront reversés aux commerçants sinistrés par le biais d’un fond d’État spécialement dédié ».