« Crèches, écoles, collèges et lycées resteront ouverts ». Pour de nombreux lycéens et enseignants, cette décision est dangereuse dans la mesure ou il devient impossible de respecter les règles de sécurité sanitaire.
La contestation lycéenne
Jeudi dernier, plusieurs élèves de lycées ont manifesté leur colère contre les mesures sanitaires jugées insuffisantes dans leurs établissements. Saturation des classes, impossibilité de respecter les mesures barrières, dans plusieurs lycées les élèves ont décidé de bloquer l’accès à leur enceinte en dénonçant les risques qu’ils encourent alors que la deuxième vague de Covid-19 atteint des records de contagion. La vague de contestation a touché de nombreux établissements en France comme au lycée Aristide Briand à Saint Nazaire ou le lycée Grandmont à Tours. « Nous sommes plus de 30 dans certaines classes et nous avons peur de propager le virus. Nous voulons nous protéger et aussi nos familles » explique un élève de terminale du lycée de Tours dont le propos a été recueilli par Télégramme. L’image qui reste en mémoire est sûrement le blocus du lycée Les Bourdonnières de Nantes où des manifestants ont bloqué l’entrée de leur établissement mais aussi la voie publique en incendiant des poubelles. Suite à la manifestation, les forces de l’ordre sont intervenues et ont interpellé deux lycéens. La compte Instagram de l’établissement, le mouvement lycéen des Bourdonnières, invoque dans un post « la mise en danger des professeurs, des élèves et leur entourage avec tous les brassages dans un lycée de 2000 élèves notamment au self où la distanciation sociale reste impossible. »
« Le protocole sanitaire actuel ne sécurise pas les établissements scolaires et met en péril, à terme, l’ouverture des établissements. Inacceptable ! » avance, sur son site, le syndicat national des enseignements de second degré (SNES-FSU). Le syndicat somme le gouvernement de mettre en place des mesures effectives afin de garantir la sécurité des élèves et du personnel. Parmi celles-ci :« un cadrage clair du fonctionnement en demi-groupes », « des précisions sur d’autres éléments du protocole sanitaire, le nettoyage et l’aération des salles ».
Des demandes nécessaires que le chercheur en immuno-oncologie Eric Billy appuie en recommandant l’utilisation de VMC, de purificateurs d’airs et de ventilateurs pour aérer les classes. « Il faut avoir un taux de remplacement d’air qui est égal à six fois par heure » avance-t-il s’appuyant sur les recommandations de l’OMS. Concrètement, ce taux représente le volume total d’air compris dans une salle qui doit être remplacé intégralement six fois à chaque heure, afin d’évacuer les particules fines infectées issues des postillons qui polluent l’air ambiant.
Les scientifiques alertent
Si les préoccupation des lycéens augmentent, c’est aussi avec les nombreux cas de contamination qui ont été reportés par les établissements depuis la rentrée des classes.
Actuellement, de nombreuses analyses viennent prouver que les jeunes entre 7 et 19 ans peuvent facilement porter mais aussi transmettre le virus. Des données qui viennent contrecarrer les études avançant le contraire sur lesquels se basait le gouvernement. Avec les nombreux chiffres accumulés depuis le début de la pandémie, les scientifiques confirment que la létalité du Covid-19 reste extrêmement faible chez les 0-19 ans (0,003%) contre celle des 70 ans et plus (5,4). Mais le CDC, autorité sanitaire américaine, a avancé que « le risque d’infection est deux fois plus élevé chez 12-17 ans que chez les 5-12 ans. »
Si la revue Jama Pediatrics avance, dans une analyse reprenant 32 études, que les moins de 20 ans étaient à 44 % moins susceptibles d’être infectés, elle ne peut pas affirmer que les jeunes sont plus ou moins susceptibles de contaminer. Pour le médecin et ancien chef de clinique de médecine générale Michael Rochoy, les jeunes de 11-17 ans, en plus d’être de plus en plus contaminés en France depuis la rentrée des classes, sont également contaminants « envers toutes les classes d’âges ». Ce qui justifierait un protocole sanitaire scolaire adapté.


La réponse du gouvernement
Le grand mouvement de contestation a contraint le gouvernement à modifier le protocole sanitaire dans les lycées. Dans une lettre adressée aux enseignants, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer invoque le rôle primordial de l’éducation des jeunes afin de justifier le maintien des écoles malgré le confinement. Il a également assuré être à l’écoute des revendications des professeurs ainsi qu’à leurs demandes. En parallèle de cela le ministre a annoncé, jeudi soir, de nouvelles mesures pour renforcer la sécurité sanitaire dans les lycées.
Afin de répondre à la surcharge des salles de classes, les établissements ont la liberté de mettre en place plus de cours à distance mais doivent conserver au moins 50 % de cours en présentiel pour chaque élève. « Les modalités d’organisation sont laissées à votre appréciation : l’accueil en demi-groupes ; l’accueil par niveau dont les possibilités vous seront prochainement détaillées ; le travail à distance un ou deux jour par semaine » transmet le ministre de l’Education Nationale par le biais d’un mail à l’attention du corps enseignant. Le ministre demande aux établissements de respecter quelques préalables « tous les élèves doivent travailler pendant la totalité du temps scolaire ordinaire » mais aussi « tous les élèves d’un même niveau doivent adopter les mêmes modalités d’enseignement ».
Le syndicat SNEP-FSU reconnaît un début de réforme « les annonces du ministre constituent un premier point d’appui », mais attend de nouvelles mesures.
« Il reste quelques zones d’ombre : avec un accueil par niveau, le nombre d’élèves dans une classe reste toujours le même, et en l’absence de précisions sur le renforcement du nettoyage et l’amélioration de l’aération, la question de la sécurité sanitaire dans la salle de classe reste posée. »
Un des principaux problèmes toujours d’actualité est le cas de la cantine. « Le fait de ne pas avoir de masques en cantine ruine tout, on va faire tous les efforts possibles et imaginables en classe, mais si on laisse les cantines telles quelles et que l’on remixe toutes les classes ensemble on aura tout ruiné » alerte Michel Rochoy.
Malgré le premier pas du gouvernement face à la contestation lycéenne, de nombreux syndicats ont appelé à une grève ce mardi 10 novembre sur l’ensemble du pays. Dans le but de contraindre le gouvernement à injecter plus de moyens et de mettre en place des réformes plus efficaces. Le syndicat SNEP-FSU demande aussi des mesures pour les collèges, grands oubliés du gouvernement.