Le 9 novembre dernier, le Congrès du Pérou (son parlement) destituait l’ancien président Martín Vizcarra, en poste depuis 2018. Depuis, le pays connait des manifestations d’une ampleur inédite, amenant deux présidents intérimaires à se succéder en l’espace de quelques semaines.
Le 9 novembre, l’ancien président du Pérou, Martin Vizcarra, était destitué par le Congrès suite à des accusations de corruption. Il remplaçait lui-même en 2018 l’ancien chef d’Etat Pedro Pablo Kuczynski, forcé de démissionner pour les mêmes raisons.
Depuis, deux présidents intérimaires se sont succédé en quelques semaines. Le premier, Manuel Merino, était alors président du Congrès depuis mars 2020. Il était un des plus fervents partisans de la destitution de Vizcarra.
Suite à cet évènement, des manifestations d’une ampleur inédite ont éclaté au Pérou. Les manifestants, qui traitent Manuel Merino d’ « usurpateur », estiment la décision de destitution autoritaire et illégitime : certains parlent même de « coup d’Etat ».
Le 14 novembre, une nouvelle manifestation à Lima est violemment réprimée par la police, faisant trois morts ainsi que treize blessés. Manuel Merino, forcé d’abdiquer après seulement cinq jours, laisse donc place à Francisco Sagasti, et ce, jusqu’aux prochaines élections d’avril 2021.
Les manifestants, eux, ont poursuivi leur mouvement le 21 novembre, demandant également que justice soit faite pour la mort des trois militants.

Les raisons de la destitution de l’ancien président Martín Vizcarra
Martin Vizcarra accède au pouvoir en mars 2018 suite à la démission de l’ancien chef d’Etat Pedro Pablo Kuczynski. Son principal objectif de mandat est la lutte contre la corruption, ce qui le rend très populaire auprès d’une population excédée par un système politique en partie corrompu. En tant que gouverneur, quelques années plus tôt, il fut en effet salué pour ses résultats en termes de politique sociale et pour avoir évité cette corruption.
Dans cette lignée, Vizcarra fait adopter en 2018 par référendum (en contournant donc le Parlement) un certain nombre de réformes constitutionnelles, parmi lesquelles une interdiction pour les parlementaires de se représenter. Cette politique aboutit à une sérieuse opposition du Congrès qui tente de le destituer une première fois en 2019. Cependant Vizcarra est soutenu par de nombreuses autorités locales, ainsi que par la police et une bonne partie de la population. Le Congrès doit renoncer et le président le dissout : de nouvelles élections ont ainsi eu lieu en mars 2020.
Néanmoins, si la nouvelle répartition est plus favorable au président, les députés n’accordent pas pour autant leur confiance au gouvernement en août dernier. Ils lui reprochent entre autres une mauvaise gestion de la crise sanitaire : proportionnellement à sa population, le Pérou est en effet le 2e pays au monde en termes de mortalité due au Covid.
Enfin, en septembre dernier, Vizcarra est accusé de corruption suite à la diffusion de témoignages de plusieurs hommes d’affaires affirmant lui avoir versé des pots-de-vin lorsqu’il était encore gouverneur en 2014. L’enquête est toujours en cours, mais le Congrès obtient finalement sa destitution le 9 novembre.
Mais le président Vizcarra est populaire et érigé malgré tout en chantre de la lutte contre la corruption dans le pays, ce qui explique l’importante mobilisation suite à son départ. Certains manifestants estiment par ailleurs cette crise politique malvenue dans le contexte de la crise sanitaire et économique. En guise de riposte, Martin Vizcarra a déjà annoncé sa candidature aux prochaines élections de 2021.
Francisco Sagasti, président intérimaire au profit du consensus


Source : site officiel du gouvernement péruvien www.gob.pe
Depuis le 16 novembre, c’est donc le parlementaire centriste Francisco Sagasti qui assure le gouvernement de transition jusqu’au 28 juillet 2021, date à laquelle devait s’achever le mandat initial de Vizcarra.
Il était membre du « Parti Violet » (el Partido Morado), seul parti au Parlement n’ayant pas voté pour la destitution du Président Vizcarra, ce qui en fait un candidat plus consensuel que son prédécesseur Merino. Il souligne cependant ne plus être militant de ce parti pour pouvoir assumer pleinement sa position de chef d’Etat : « Je suis le président de tous les Péruviens, et mon approche n’a rien à voir avec le Parti Violet ».
Pour l’heure, une de ses premières mesures est une réforme de la police, en réaction à la violente répression des manifestations de la mi-novembre. Plusieurs généraux de la police ont déjà été limogés. Une enquête menée par le haut-commissaire des Nations-Unies aux droits humains est par ailleurs actuellement en cours
Ce week-end, nous rapporte le journal péruvien La Republica, le président a dit espérer que le Parlement accorderait le vote de confiance au nouveau gouvernement de Violeta Bermudez Valdivia. Selon lui, le pays ne peut se permettre une nouvelle crise.
J’ai confiance en la sagesse, la générosité et la capacité de mes anciens collègues du Congrès. Au fond, […] nous voulons tous le meilleur pour le Pérou. Rajouter encore plus d’instabilité serait mauvais pour nous tous.
Francisco Sagasti, actuel Président du Pérou
Néanmoins, dans le cas où le Congrès refuserait et persisterait, selon ses dires, à vouloir un climat d’instabilité, le président a d’ores et déjà annoncé qu’il réagirait avec fermeté. Le vote devrait se dérouler les 3 et 4 décembre prochains.