Valéry Giscard D’Estaing est décédé ce mercredi 2 décembre au soir, « des suites du Covid » selon sa famille. Président de 1974 à 1981, son « septennat transforma la France » a déclaré Emmanuel Macron ce matin dans un communiqué. Le chef de l’Etat a prévu une allocution ce soir à 20h.
L’ancien président de la République Valéry Giscard D’Estaing est décédé mercredi 2 décembre au soir dans sa résidence, entouré de sa famille. Il avait 94 ans.
A la mi-septembre, il avait déjà été hospitalisé à l’hôpital Georges Pompidou, puis de nouveau en novembre à Tours. Il serait décédé des suites de la Covid selon sa famille. Sa dernière apparition datait des obsèques de Jacques Chirac en septembre 2019.
Une carrière prestigeuse
Né en 1926 dans une ancienne famille bourgeoise, il fait de prestigieuses études : reçu tout d’abord parmi les premiers à Polytechnique, avant d’intégrer l’ENA puis de rentrer à l’inspection générale des finances.
Tôt engagé en politique, il est secrétaire d’Etat sous Charles de Gaulle, puis ministre des Finances et des Affaires Economiques en 1962. C’est à cette époque qu’il rencontre le président américain John Fitzgerald Kennedy, assassiné un an plus tard, dont il s’inspirera lors de sa présidence.
Remplacé par Michel Debré, il se détourne petit à petit du Général, et refuse notamment d’approuver le referendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation de 1969, suite à quoi le Général De Gaulle démissionne. Il sera malgré tout ministre de l’Economie et des Finances sous la présidence Pompidou de 1969 à 1974.
Lors de la campagne présidentielle de 1974, il souhaite se différencier de l’époque gaulliste et se donne pour but de moderniser la France.
Dans cette optique, une de ses premières mesures en tant que président est de mettre fin à la tutelle de la télévision française. L’ORTF, symbole du monopole de l’Etat sur la radio et la télévision depuis 1964, est dissoute en 1974.
Une communication moderne
Loin des protocoles et des manières gaullistes, Valery Giscard D’Estaing (ou « VGE ») s’inspire du modèle présidentiel américain pour dépoussiérer la fonction en France. Pour ce faire, il fait appel à une vraie équipe de communication et a davantage recours aux sondages. A l’instar de ses homologues américains, il met en scène sa famille et pose aux côtés de stars très en vogues comme Johny Hallyday ou encore Brigitte Bardot.


Grand orateur, il est à l’aise face à une caméra et use de la télévision comme outil de communication principal, jusque lors de sa présidence avec ses « Entretiens au coin du feu ».
En tant que président, il sait se mettre en scène : en accompagnant Claude François au piano, en s’illustrant aux sports d’hivers, ou encore sur un terrain de football, ballon au pied. Il souhaite casser l’image condescendante de jeune bourgeois que certains lui prêtent et s’invite parfois chez les Français.
Connu pour sa verve en politique, ses débats et discours soignés, il mène un des débats présidentiels les plus mémorables de la Ve République. Le débat du 10 mai 1974 face à François Mitterrand (à visionner en intégralité sur la chaine youtube de l’INA) rassemble près de 25 millions de téléspectateurs. Pourtant face à un opposant redoutable, VGE l’emporte grâce à son aisance et maitrise des codes télévisuels. Sa fameuse phrase « vous n’avez pas le monopole du cœur » résonne encore dans toutes les têtes.
Il est finalement élu le 19 mai 1974 à 50.81% des voix.
Une présidence marquée par un ensemble de réformes sociales
Son septennat a pour mot d’ordre la modernité. Il déclare en effet, dès son investiture : « De ce jour, date une ère nouvelle de la politique française ». A 48 ans, il est le plus jeune président de la République lorsqu’il est élu (détrôné depuis par Emmanuel Macron) et ne tarde pas à mettre en œuvre une politique de réformes ambitieuses qui le rendent en majorité plutôt populaire.
Il met ainsi en place le divorce par consentement mutuel en 1975 : jusque-là, un des deux conjoints devait avoir commis une faute pour justifier un divorce. La même année, il fait passer la réforme la plus significative de son mandat : la dépénalisation de l’avortement sous la ministre de la Santé Simone Veil. La « loi Veil » lui fait cependant perdre une partie de son électorat de droite tout en dégradant les relations avec le Vatican.
Il abaisse également la majorité et le droit de vote de 21 à 18 ans (ce qui bénéficie à près de deux millions de jeunes) et met en œuvre plusieurs lois sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Il crée le premier Secrétariat d’état à la condition féminine qu’il confie à la journaliste Françoise Giroud. Il promeut également des lois en faveur des personnes à mobilité réduite, dans le droit du travail ou l’urbanisme, en obligeant notamment à systématiser l’accessibilité des bâtiments publics aux personnes handicapées.
Il modernise aussi la France plus concrètement en développant un projet de train à grande vitesse (TGV) inauguré seulement sous Mitterrand. Il relance de même l’industrie nucléaire, en réaction aux chocs pétroliers qui soulignaient alors la dépendance de l’Occident à l’or noir.
La diplomatie d’un « Grand Européen »
Dès son entrée en fonction, il souhaite mener une diplomatie multipolaire en pleine Guerre Froide et pour cela rencontre régulièrement les chefs d’Etats étrangers dans une tentative d’apaisement. S’il soutient bien entendu toujours les Etats-Unis, il ne coupe pas pour autant les relations avec l’URSS, même s’il sait se montrer ferme et se joint au boycott des Jeux olympiques d’été de 1980 . Ce dernier avait été initié par les États-Unis pour protester contre l’invasion soviétique de l’Afghanistan de 1979.
Il est en tout cas à l’initiative du G5 (puis « G6 » et « G7 ») dont la première réunion se déroule en France au Château de Rambouillet.
Il attribue une grande importance à la construction européenne et est à l’origine de la création du Conseil européen en décembre 1974. Il est aussi aux fondements de l’euro avec la création du système monétaire européen en 1978. Il avait encore jusqu’à récemment un rôle actif dans le conseil Européen.
Il renforce de même les liens avec l’Allemagne en se rapprochant du chancelier de l’époque Helmut Schmidt : c’est à cette époque que nait l’expression « d’amitié franco-allemande ». Aujourd’hui Angela Merkel rend hommage à un « grand Européen » et à un « ami » de l’Allemagne.
La Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lui rend également hommage en un tweet :
Les fausses notes de son mandat
Il connait malgré ses réussites un certain nombre de difficultés. La première se trouve dans les relations houleuses qu’il entretienf avec son premier Ministre Jacques Chirac qui démissionne deux ans plus tard. Remplacé par Raymond Barre en 1976, le septennat prend à partir de là un tournant plus conservateur, notamment sur les questions d’immigration et sur la réforme de l’université post-1968.
La fin de son septennat est aussi marquée par plusieurs notes sombres dont la montée significative du chômage mais aussi la fameuse « affaire des diamants » de 1979.
En octobre 1979, le Canard enchainé révèle en effet que le président aurait reçu en 1973 des diamants de la part du chef d’Etat centrafricain Jean-Bedel Bokassa avec qui il entretient de bonnes relations. Cependant, celles-ci se détériorent doucement, en particulier lorsque Bokassa est couronné empereur. Le gouvernement de Bokassa, autoritaire, fait ensuite l’objet d’une enquête après la répression violente de plusieurs troubles au début de l’année 1979. Lorsque la responsabilité personnelle de Bokassa est avérée, la France retire ses aides en Centrafrique et mène une opération militaire pour le renverser.
C’est un mois après la chute de Bokassa que l’affaire éclate. Cependant d’autres médias soulignent que de dernier avait coutume d’offrir des cadeaux à ses hôtes étrangers et contestent par ailleurs l’estimation de diamants à un millions de francs.
Dans un entretien télévisé du 27 novembre 1979, le président se défend en annonçant que tous les cadeaux seront remis à des œuvres de bienfaisances ou des musées, de même que cela avait apparemment déjà été fait. Il a en tout cas toujours nié ces accusations.
Sa défaite en 1981 est un de ses grands regrets. Il tente de revenir en politique sept ans plus tard en 1988, mais voyant que Mitterrand est alors très bien implanté, renonce finalement en 1987.
Une figure tutélaire et un personnage toujours très actif en politique
Encore jeune à la fin de son mandat, à 55 ans, il poursuit sa carrière politique en tant que député du Puy-de-Dôme et demeure une figure importante dans le paysage politique français. Il pousse par exemple sous la présidence Chirac à la réduction de la durée de mandat présidentielle, de sept à cinq ans et reste également figure tutélaire de l’UDF jusqu’à la fin des années 1990.
Il est aussi connu en tant que président du conseil régional d’Auvergne de 1986 à 2004 pour avoir participé au désenclavement de la région avec la construction de quatre autoroutes dont l’A89.
En 2004, il siège finalement au Conseil constitutionnel (institution qui se prononce sur la conformité des lois à la Constitution) dont il est devenu membre de droit et à vie en tant qu’ancien président de la République.
Ses successeurs lui demandent régulièrement conseil : il soutient par exemple Nicolas Sarkozy en 2007 puis en 2012, et s’entretenait encore jusqu’à récemment avec le président Macron.
Ecrivain à ses heures, il est par ailleurs nommé en 2003 à l’Académie Française sur le siège de Léopold Sédar Senghor.
Réactions et hommages
Une minute de silence fut observée aujourd’hui à l’Assemblée nationale et au Sénat, et les hommages se sont multipliés sur les réseaux sociaux :
Emmanuel Macron s’exprimera ce soir à 20h et a pour cela décalé son interview Brut de 24 heures.