Sur les grilles du lycée Jean-Macé à Rennes, en ce jeudi après-midi, une grande banderole a été déployée : «Mariam est là ! Non à l’expulsion du territoire d’une lycéenne.»
Devant l’établissement, près de 150 à 200 élèves, accompagnés de leurs professeurs et de parents d’élèves, se sont rassemblés aux cris de «Pour Mariam, ouais ! Pour Mariam, ouais !» tandis qu’un joueur de trombone à coulisse fait résonner son instrument et qu’un petit groupe de jeunes entament quelques pas d’une danse improvisée devant une enceinte installée sur la rue. «On est là pour faire du bruit et avoir de la visibilité, on a envoyé plusieurs mails à la préfecture qui sont restés sans réponse», explique Gauthier, 16 ans. «C’est une très bonne amie, c’est complètement inadmissible et incompréhensible de vouloir expulser une famille parfaitement intégrée avec des enfants scolarisés qui font tout pour avoir un diplôme et un métier», enchaîne Noa, 15 ans, derrière son masque sanitaire.
«L’immigration et la diversité sont une richesse»
Cheveux longs et bouclés sur les épaules, Marin, 16 ans, s’est fendu d’un discours solennel : «Expulser Mariam et ses frères et sœurs est criminel. […] Mariam apprend au lycée la même histoire que nous : celle de la France de l’immigration et terre d’accueil. Une histoire qui semble oubliée par nos gouvernants. […] Qui ose parler d’égalité quand les droits d’une minorité sont bafoués car ils n’ont pas la « bonne origine ». Qui ose parler de fraternité lorsqu’on est incapable d’accueillir son voisin qui fuit la guerre et la misère et aspire à une vie meilleure ?»
Un peu à l’écart, un groupe d’enseignants du lycée abonde : «Pour nous, l’immigration et la diversité sont une richesse et si ce n’était pas le cas, on aurait des questions à se poser sur notre vocation», glisse Ronan, 48 ans, professeur de mathématiques. Séverine, qui compte la jeune fille d’origine géorgienne dans sa classe de français, commente : «Mariam est une élève très sérieuse, discrète et motivée, elle s’exprime très bien, à l’écrit comme à l’oral, et on espère tous qu’elle pourra passer son bac en juin prochain.»
«C’est horrible et révoltant»
Voilà environ trois semaines que les lycéens de Jean-Macé ont lancé des pétitions et se sont mobilisés pour défendre leur camarade et, au-delà, sa famille, qui a fui la Géorgie voilà cinq ans pour demander l’asile politique en France. Ils sont installés à Laillé, une petite bourgade de 5 000 habitants située à une vingtaine de kilomètres de Rennes où sont scolarisés les quatre frères et sœurs, de la jeune lycéenne. Les parents d’élèves des écoles, comme la municipalité, ont pris également fait et cause pour cette famille, mais aussi pour une autre famille, d’origine tchétchène, qui habite elle aussi la commune et qui est dans une situation similaire. Toutes deux ont épuisé leurs recours auprès de l’administration et sont frappées depuis la mi-novembre d’une «obligation de quitter le territoire français». Qu’à cela ne tienne, la maire de Laillé, Françoise Louapre, a procédé samedi dernier à un «baptême républicain» des quatre parents d’origine étrangère, devant plusieurs dizaines de villageois.
«Ce sont des familles qu’on connaît depuis plusieurs années, qui ont des enfants nés en France, qui font partie d’associations, ont noué des liens d’amitié et sont parfaitement intégrées. C’est horrible et révoltant la menace et le stress qu’on fait peser sur elles, alors qu’elles ont vécu des horreurs dans leur pays et qu’elles ont fait leurs preuves de leur attachement à la France. Elles donneraient leur vie pour rester ici et que leurs gamins étudient», souligne l’élue.
Frappée par une obligation de quitter le territoire français datée du 20 novembre et valable un mois, le sort de Mariam, 16 ans, et de sa famille est désormais suspendu à la décision du tribunal administratif auprès duquel un recours a été déposé.