Les salles obscures n’ont pas vu la lumière depuis un bon moment. Les conséquences de leur fermeture ne sont pas que financières. C’est tout le monde du cinéma qui est bouleversé. Malgré des témoignages de professionnels plutôt pessimistes, quelques optimistes voient en cette crise l’opportunité d’une transformation du système.
Cela fait maintenant plus de 115 jours que les salles de cinéma sont fermées, afin d’éviter la propagation de la Covid 19. On peut déjà constater l’ampleur des retombées de cette fermeture. En 2020, la fréquentation des salles en France a chuté de 70% par rapport à l’année précédente, selon le bilan annuel du CNC (Centre National du Cinéma). On compte seulement 65,10 millions d’entrées en 2020 contre 213,07 millions en 2019. Les conséquences de cette baisse de fréquentation sont nombreuses.
Premièrement, de nombreux cinémas ont été, et seront obligés de fermer leurs portes en raison d’importantes pertes financières. La diminution drastique de vente de billets a mis à mal beaucoup d’établissements. Les répercussions sont visibles dans le monde entier. Aux Etats-Unis, pays où les cinémas sont également fermés, la plus grande chaîne de cinéma AMC Entertainment a évité la faillite de peu. En juin dernier, les pertes de l’entreprise depuis le début de l’année étaient estimées à 2 milliards de dollars, contre 130 millions à la même période l’année précédente. La crise impacte également le continent Asiatique. Selon un rapport de la China Film Association, 40% des cinémas Chinois devront mettre la clé sous la porte.
Cette fermeture a également créé une sorte d’embouteillage cinématographique. Les films terminés sont constamment repoussés en attente d’une nouvelle date de sortie. Les producteurs et distributeurs n’osent pas se lancer dans de nouveaux projets, tant que d’autres sont encore en cours. Les projets s’empilent, les rentrées d’argent sont quasi inexistantes et l’attente devient de plus en plus longue.
Ensuite, on retrouvera sûrement une prédominance de blockbusters américains dans le calendrier des films à l’affiche lors de la réouverture des salles. Cela s’explique car la sortie de films très attendus issus d’Outre Atlantique a été sans cesse reportée depuis le début de l’épidémie. Ces films sortiront donc aussitôt les salles rouvertes, afin de ne pas plomber l’investissement de plusieurs centaines de millions de dollars. Les salles disposant d’un petit ou moyen budget n’auront pas d’autre choix que de miser sur ces long métrages très attendus, plutôt que sur les films indépendants. De quoi mettre à mal ces petits films, qui ne jouissent pas d’une aussi grande mise en lumière.
De plus, certains des films indépendants qui n’auront pas pu être exploités en salle, seront sûrement distribués sur des plateformes de streaming comme Netflix, Canal+ ou Prime Video. De quoi renforcer la position de plus en plus dominante des plateformes de streaming. Celle-ci s’était déjà accélérée avec le confinement et risque de se développer davantage avec l’apparition de ses longs-métrages sur les plateformes de VOD. C’est sans oublier les nombreuses difficultés rencontrées sur les tournages. Entre tests PCR, masques, gels, le budget destiné au film est souvent plus élevé que prévu.
La situation historique dans l’histoire du 7ème art, alerte de nombreux professionnels du secteur. Avec la crise actuelle et l’essor du numérique, certains se questionnent sur l’avenir du cinéma, et plus particulièrement celui du cinéma d’auteur. C’est notamment le cas du réalisateur Alain Guiraudie, qui s’est récemment livré lors d’une Interview pour Le Monde : « Franchement, je ne sais pas si dans cinq ans je ferai encore des films. Il y aura toujours une industrie du cinéma, mais le cinéma d’auteur, je ne sais pas quel sera son avenir ».
Malgré cela, il reste toujours des optimistes, qui voient dans cette crise l’occasion de réformer le fonctionnement du cinéma. Cela pourrait passer par une modification de la chronologie des médias. Cette règle encadre le délai d’exploitation des films de leur sortie au cinéma jusqu’à leur apparition sur les plateformes de streaming, les services de VOD et la télévision. Par exemple, il faut attendre 3 ans après l’exploitation d’un film au cinéma, pour que celui-ci se retrouve sur les plateformes de streaming.
Cependant, des changements pourraient bientôt avoir lieu, grâce à des contributions de la part de ces plateformes. La ministre de la Culture Roselyne Bachelot affirmait au micro de France Inter en décembre dernier : « Nous avons négocié à la fois avec les producteurs, avec le monde du cinéma, avec le monde des plateformes […] Nous allons obliger les plateformes à financer la création française » Ainsi, les plateformes comme Netflix ou Prime Vidéo pourraient voir ce délai de trois ans diminuer, en échange d’une contribution à hauteur de 150 à 200 millions d’euros par an.