Rentable et engendrant peu de risques, le trafic d’animaux sévit depuis de nombreuses années en France et ne cesse de se développer. Pour #Droitcitoyen, on vous explique le phénomène et les méthodes mises en place pour lutter contre.
« Le trafic de chiens et chats est très lucratif, la réponse pénale est faible »
Christelle, présidente de la C.A.T.
Le trafic d’animaux domestiques représente un marché de plusieurs milliards d’euros, il est le troisième trafic le plus important au monde derrière celui de la drogue et des armes. Son expansion est fulgurante du fait d’une demande d’animaux de compagnie toujours plus forte. En effet, actuellement plus d’un ménage sur deux possède un animal de compagnie en France. Cette effervescence du marché animalier engendre un déséquilibre. Plus la demande continuera de croître, plus l’offre devra s’adapter à cette demande et produire encore plus d’animaux encore plus rapidement. Mais à quel prix ? Le marché animalier sous-entend que les animaux sont des marchandises et même si ces derniers ont obtenu dans le code civil en 2015 le statut d’être vivant doué de sensibilité, les lois ne parviennent pas à les protéger de l’égoïsme humain. Trafic, maltraitance, reproduction intensive sont le quotidien de ces amis de l’Homme. Chiens et chats ne sont pas les seules victimes des trafiquants mais représentent une grande majorité de ce commerce. Le trafic d’animaux sauvages est en émergence, convoités pour leur rareté ou leur beauté, ces derniers sont arrachés de leur milieu de vie naturel. Les acquéreurs ne connaissent pas en général le rythme de vie de l’animal et ses besoins, ce qui est un danger conséquent pour ces nouveaux animaux de compagnie.
Dans l’enfer du trafic
Le commerce illégal d’animaux domestiques est l’exploitation pour la reproduction et la revente des bébés. Ils serviront pour la majorité à combler une famille désirant un animal de compagnie ou à attirer l’attention des passants pendant la mendicité ou encore pour les expérimentations dans des laboratoires. La principale méthode utilisée est l’importation des animaux. Les différences entre les législations et la laxité de certains pays à l’égard du trafic d’animaux rend le blocus des importations très difficile. Après des conditions de détentions douteuses, souvent en batterie et sans contrôle sanitaire, les animaux sont très vite arrachés à leur mère, sans être entièrement sevrés. En effet, plus un chiot ou un chaton sera jeune, plus il sera simple de le vendre. De ce fait, ils sont souvent âgés de 7 à 8 semaines lors du transport, même s’il est interdit d’importer des chiots avant 3 mois et 21 jours en France. S’ensuit un voyage éprouvant qui coûte souvent la vie à bon nombre d’entre eux. Ils sont ensuite mis en vente par des animaleries, des particuliers ou encore des élevages illégaux. Les petites annonces sur internet, sur les réseaux sociaux ou dans les journaux sont idéales pour donner de la visibilité aux trafiquants sans trop alerter les autorités.


Acheté à moindre prix, en majorité en provenance d’Europe de l’Est, ils sont revendus parfois le quintuple en France. La Bulgarie serait notamment le nouvel Eldorado du trafic de chien : coût des chiots très faible, falsification des passeports, des vaccins contre pot de vin et législation qui ferme les yeux, c’est la formule magique qui plait aux importateurs français. En France chaque année plus de 10 000 animaux de compagnie entreraient sur le territoire illégalement. Ces importations engendrent des risques sanitaires pour les animaux comme pour les humains. En effet, les animaux sont susceptibles d’apporter sur le territoire des maladies comme la rage qui sont habituellement contrôlées en France. La cause de ces troubles sanitaires est la falsification des carnets de vaccinations par les trafiquants. Depuis 2004, tout chien, chat ou furet voyageant dans l’Union européenne doit être vacciné contre la rage et être en possession d’un passeport européen fourni par un vétérinaire.
Nombreuses sont les lois françaises qui tentent de contrôler ce trafic et de prohiber la maltraitance animale. Dès 1791 on voit apparaître une loi contre les atteintes à l’animal. Ces actes sont punis comme une atteinte à la propriété d’autrui car jusqu’en 2015 les animaux sont considérés comme des propriétés humaines. En 1850, les mauvais traitements des animaux sont interdits sur la voie publique, c’est la loi Grammont. En 1977 est proclamée la déclaration universelle des droits de l’animal par la ligue internationale des droits de l’animal. La dernière législation en date est la loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale, adoptée le 29 janvier 2021. L’article 2 renforce l’identification des animaux domestiques en étendant les compétences de contrôle de l’identification aux policiers municipaux et aux gardes champêtres. Ces contrôles permettront de repérer plus facilement les trafics. L’article 5 quant à lui renforce la législation autour des nouveaux animaux de compagnies (NAC), en allant au-delà de l’arrêté ministériel du 8 octobre 2015, à travers l’immatriculation des élevages et l’encadrement des conditions de cession de ces animaux. Cependant les lois restent peu dissuasives, les sanctions mènent rarement à de la prison et les trafics illégaux continuent leur chemin.
Le rôle de la cellule anti-trafic
Dans le but de compléter le travail législatif, la cellule anti-trafic (C.A.T) de la S.P.A agit à l’échelle nationale pour démanteler les trafics. Cette cellule a été créée en 1993 et traite près de 300 affaires par an. Ladite unité est composée de deux juristes dont un spécialisé en droit animalier, une policière en disponibilité, un vétérinaire et une équipe d’inspecteurs. L’équipe travaille d’arrache pied et reçoit à hauteur de 1 500 signalements par an dont 1/3 vont générer une action de la part de la C.A.T. Leur mission principale est de mener des enquêtes policières en collaboration avec les autorités publiques dans le but de court-circuiter les trafics. La cellule travaille exclusivement auprès des professionnels tel que les élevages, les animaleries, les parcs zoologiques ou encore les particuliers qui font de l’élevage intensif illégal destiné à la revente. Une fois que les enquêtes sont assez solides et les preuves concrètes, le sauvetage des animaux est organisé. Dans la continuité, les refuges de la SPA ou d’autres refuges partenaires accueillent les animaux. Ils sont soignés, vaccinés, nourris et surtout éduqués afin de leur redonner confiance en l’Homme. Grâce au travail de la CAT, près de 500 animaux par an peuvent être sauvés. Par la suite des plaintes sont déposées si les faits sont avérés. Les personnes pourront être condamnés coupables de trafic et/ou de maltraitance animale : si c’est le cas il se verront astreints à des amendes, des interdictions de posséder un animal de compagnie ou encore pour les cas les plus graves plusieurs années de prison.
Il n’est pas rare de constater des séquelles physiques et psychologiques graves chez les animaux arrachés aux trafiquants. La policière en disponibilité à la tête de la cellule nous confie lors d’une interview que dans certains cas la reproduction des animaux est réalisée jusqu’à épuisement de ces derniers. Selon elle, dans les pires cas, les trafiquants se débarrassent des animaux quand ils ne servent plus à la reproduction. Il est aussi possible de récupérer des chiens qui ne savent pas marcher, des animaux aux bassins fracturés qui continuent d’être saillie ou encore des animaux qui n’ont jamais vu la lumière du jour. Les conditions d’hygiène déplorables dans lesquelles les animaux sont détenus engendrent des troubles du comportement tels que le stress, la peur, l’agressivité. Des maladies comme la parvovirose, la maladie de Carré, la toux du chenil ou encore la rage peuvent se développer chez certains. De plus, la sociabilisation des jeunes animaux reste difficile et la confiance en l’Homme est nulle.
La cellule envoie de nombreuses enquêtes devant la justice, mais selon Christelle cela n’est pas suffisant car les trafiquants parviennent à contourner la loi et à recommencer. Depuis son arrivée à la tête de la cellule il y a un an et demi aucune sanction pénale n’a conduit un trafiquant en prison.
« Il vaut mieux trafiquer du chien que faire du trafic de stup »
Christelle, présidente de la C.A.T.
Comment reconnaître les fraudes ?
Pour ne pas participer à ce genre de trafic, il est important de se renseigner avant tout achat. Vérifiez la provenance de l’animal, son passeport et ses vaccinations. En cas de doute, il est préférable de faire contrôler par un vétérinaire. Il est indispensable de voir l’animal avant de l’acheter et restez vigilants avec les annonces sur internet qui sont parfois frauduleuses. Enfin, il est nécessaire de ne pas procéder aux achats compulsifs qui poussent à l’objectification des animaux.
La SPA quant à elle mise sur la sensibilisation de la population. Au travers de sa campagne « Stop Animal Objet », elle met en garde sur les conditions de vente des animaux qui sont pour l’heure peu encadrées.