En février dernier, l’Iran a annoncé restreindre l’accès de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) à des installations non nucléaires et des sites militaires sur son territoire. Le but d’une telle manœuvre : faire pression sur les Etats-Unis et la nouvelle administration. L’accord sur le nucléaire iranien, déjà fragilisé par le retrait américain, semble être dans une impasse.
En quoi consiste l’accord ?
L’Iran aurait commencé à développer son propre programme nucléaire dès le début des années 2000. La communauté internationale soupçonne alors la république islamique de vouloir se doter de l’arme nucléaire. Les années suivantes, l’Iran poursuit ouvertement le développement de son programme nucléaire, mais assure qu’elle le réserve à un usage civil et non militaire.
En effet, seul le nucléaire civil, à savoir la création d’énergie nucléaire au sein des centrales, est autorisé. Le développement du nucléaire dans un but militaire est interdit par le traité de non-prolifération nucléaire de 1968, signé par l’Iran. Seuls la Russie, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Chine ont le droit d’acquérir la bombe atomique. Ce traité reste toutefois limité et d’autres Etats comme l’Inde se sont dotés de l’arme en question.
Pourtant, l’Iran a de bonnes raisons de vouloir se doter de l’arme nucléaire. Israël, son grand rival régional, possède la bombe atomique depuis quelque temps déjà. Par ailleurs, obtenir l’arme nucléaire serait un moyen pour l’Iran de gagner en influence dans la région.
Ainsi, l’Europe, notamment l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France, négocie depuis les années 2000 avec l’Iran. C’est ensuite au tour de la Chine, de la Russie et des Etats-Unis d’intervenir afin de limiter le développement du programme nucléaire iranien. L’accord de 2015, dit “l’accord de Vienne”, vient donc finaliser une dizaine d’années de négociations avec l’Iran.
Cet accord s’inscrit dans une volonté de redéfinir les relations diplomatiques avec l’Iran, consistant en d’importantes sanctions économiques datant de 1979. En pleine révolution islamique, des étudiants iraniens prennent en otage une cinquantaine de diplomates et civils américains à l’ambassade américaine de Téhéran, qu’ils soupçonnent d’espionnage. La crise des otages dure un an et demi, et les Etats-Unis décident de rompre toute relation avec l’Iran. Par ailleurs, ils gèlent les avoirs iraniens à l’étranger (150 milliards de dollars) et mettent fin à tout échange de biens et de services avec l’Iran. Quinze ans plus tard, en 1995, l’Iran est mis sur liste noire par les Etats-Unis, qui accusent le pays de soutenir des groupes terroristes. Les Etats-Unis interdisent alors aux compagnies pétrolières du monde entier d’investir dans le pétrole iranien, sous peine de subir des sanctions commerciales. Enfin, de 2006 à 2008, face à la menace d’une arme nucléaire iranienne, c’est au tour de l’Europe de mettre en place des sanctions économiques à destination de l’Iran.
L’accord de Vienne de 2015 s’articule autour de trois axes majeurs : la limitation du programme nucléaire pendant au moins dix ans, la levée des sanctions internationales contre l’Iran, et le renforcement des contrôles. Par exemple, les avoirs gelés sont débloqués, et des plafonds pour limiter l’enrichissement de l’uranium et la production de plutonium (éléments nécessaires à la fabrication d’une arme nucléaire) sont imposés.
L’accord est fragilisé en 2018 avec le retrait américain orchestré par Donald Trump, déploré par les autres grandes puissances. L’ancien président américain a toujours critiqué l’accord de Vienne, qu’il jugeait, selon ses mots, “désastreux”. Il décide de manière unilatérale de se retirer de l’accord, et de relancer les sanctions contre l’Iran. Cette décision à sens unique a éloigné les Etats-Unis de ses alliés du conseil de sécurité de l’ONU (France, Royaume-Uni, Chine, Russie). Cependant, une telle manœuvre a rapproché les Etats-Unis de ses alliés dans la région, à savoir Israël et l’Arabie Saoudite, tous deux rivaux de l’Iran.
Quel futur pour l’accord de Vienne ?
L’élection de Joe Biden en 2020 pourrait être synonyme de changements pour la diplomatie iranienne. Le président fraîchement élu a déjà pris plusieurs mesures en termes de politique étrangère au Moyen-Orient, notamment concernant le Yémen et l’Arabie Saoudite, et pourrait faire en sorte que les Etats-Unis réintègrent l’accord. L’Iran l’a bien compris, et a annoncé le 23 février qu’il limiterait l’accès des enquêteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique à certains de ses sites. Le but ? Faire pression sur l’administration Biden, pour la pousser à lever les sanctions économiques.
Depuis le retrait américain en 2018, l’Iran n’a cessé de violer les termes de l’accord de Vienne, par exemple en dépassant les plafonds imposés concernant la production de plutonium. Ici, l’enjeu est clair : si l’accord n’est pas ratifié par les Etats-Unis et si les sanctions internationales ne sont pas levées, alors l’Iran continuera à franchir les limites établies en 2015 quant au développement de son programme nucléaire. Dans le cas contraire, l’Iran s’engage à sauver l’accord.
Face à la menace de voir l’Iran obtenir l’arme nucléaire dans les mois à venir, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont proposé des pourparlers à Téhéran, auxquels les Etats-Unis ont accepté de participer. Seulement, la république islamique a décliné temporairement l’invitation à la réunion, estimant que le moment n’était pas approprié. En réalité, l’Iran attend que le président Biden fasse le premier pas et lève les sanctions.