Le 8 mars dernier pour la Journée internationale des droits des femmes des dizaines de milliers de françaises et français se sont réunis un peu partout dans l’hexagone pour revendiquer l’égalité hommes femmes. Violences, salaires inférieurs à celui des hommes et conditions de travail déplorables sont les thèmes principaux mis en avant lors de ces manifestations.
Liberté, égalité, féminité
L’égalité homme/femme est un combat de longue haleine. La première vague de féminisme a débuté dans les années 1850 jusqu’à la seconde guerre mondiale. On parle de cette vague comme un combat en premier lieu pour l’accès au droit de vote et aux droits fondamentaux. C’est à cette époque que les suffragettes de la Women Social and Political Union militent pour le droit de vote qu’elles ont par la suite obtenu. La seconde vague est quant à elle caractérisée par les questions de la place de la femme au sein d’un ménage, l’accès à une sexualité contrôlée et les violences conjugales. C’est dans les années 60-70, période de libération sexuelle notamment au travers du mouvement « Flower Power » qu’apparait le droit à l’avortement ainsi qu’un moyen de contraception révolutionnaire pour l’époque : la pilule. Il s’agit aussi de l’époque où les femmes commencent à prendre leur indépendance financière et obtiennent le pouvoir de travailler sans demander au préalable le consentement de leur mari ou de leur père.
Dans les années 80-90 c’est le début de la troisième vague. Continuité de la deuxième vague, elle met aussi en avant le féminisme intersectionnel ; le fait que les femmes puissent être doublement marginalisées au travers d’autres discriminations comme la race, l’orientation sexuelle etc. Les revendications d’ordre plus politique sont mises en avant au travers de cette vague. Enfin la quatrième vague qui a commencé aux alentours de 2010 et dans laquelle nous nous trouvons actuellement discute surtout du harcèlement de rue et au travail, du concept de culture du viol, des violences conjugales et de l’inégalité salariale. Mis en exergue par les réseaux sociaux, la parole des femmes se libère et donne notamment naissance aux mouvements #Metoo ou #Balancetonporc. Ces mouvements vont galvaniser les accusations de viol autour de stars ou politiques hauts placés : affaire Weinstein, affaire Polanski et bien d’autres ainsi que dernièrement le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
C’est dans ce contexte que les mobilisations pour les droits des femmes continuent. La journée internationale des droits des femmes a été instaurée en 1975 par l’Organisation des Nations Unis, l’occasion pour de nombreuses femmes de se faire entendre sur les points qui restent à revoir pour atteindre une égalité entre les sexes. Ce 8 mars 2021, les éléments mis en avant sont la situation des femmes en période de Covid qui a tendance à être d’autant plus précaire que celles des hommes. En découle le problème de l’inégalité salariale. Selon l’observatoire des inégalités, en moyenne, les femmes gagnent 23 % de moins que les hommes. À temps de travail équivalent, elles touchent 16,8 % de moins que les hommes. Plus on s’élève sur l’échelle des salaires, plus les écarts entre femmes et hommes sont grands.
« Avoir la volonté politique d’appliquer simplement la loi qui prévoit un salaire égal pour un travail de valeur égale »
Discours d’un membre de la CGT69 -manifestation du 8 mars à Lyon
D’un autre côté, les stéréotypes sont difficiles à déterrer, bien ancrés dans la société ils se traduisent aussi par un plafond de verre. C’est-à-dire qu’une femme aura plus de difficultés à accéder à un métier haut placé qu’un homme. Il est néanmoins important de souligner que la parité homme femme est de plus en plus respectée par les entreprises. Néanmoins il reste des métiers dit « d’homme » et de « femme » où la mixité est pour le moment difficilement atteignable. Les violences conjugales et sexuelles sont également des sujets sensibles abordés lors de ces manifestations. En effet, en 2020,c’est 90 femmes qui sont décédées sous les coups de leurs conjoints, un chiffre en baisse par rapport aux années précédents, peut-être grâce au Grenelle des violences conjugales fin 2019 mais qui pour les féministes n’est pas suffisant, il ne devrait y avoir aucun féminicide. De plus, le concept de féminicide n’est toujours pas inscrit dans le code pénal.


« La rue, l’espace, la place… pour nous ! »
La capitale française fut le terrain d’une manifestation assez festive, parti de Port-Royal à 13h le cortège s’est dirigé vers la Place de la République où les Femen ont fait une action. Caractéristique de leurs mouvements, elles ont montré leurs poitrines sur le socle de la statue de Marianne. La majorité des personnes présentes sont bien évidemment des femmes même si de plus en plus d’hommes se joignent aux manifestations féministes. Plusieurs syndicats étaient aussi présents dont la CGT. L’âge moyen des manifestants et manifestantes était la vingtaine/trentaine, soulevant le fait que ce sont les jeunes générations qui restent les plus actives pour défendre cette cause. Énormément de slogans différents ont été hués comme « Patriarcat au feu, les violeurs au milieu ». Les principales revendications étant la demande de démission de Gérald Darmanin, l’égalité salariale, les violences sexuelles et la fin du patriarcat.
L’ambiance est redescendue lorsqu’un groupe d’« antifa » s’en serait pris à plusieurs féministes. Le désaccord serait notamment dû au sujet de la prostitution où les deux groupes ne se rejoignent pas.
Enfin des initiatives originales comme une course pour l’égalité sont mises en place. L’association Libres Terres des Femmes propose une course de 4 ou 8 km à réaliser dans Paris jusqu’au 21 mars.
La manifestation de Toulouse a connu autant d’affluence que celle de Paris. Cette dernière a accueilli selon la préfecture de la Haute-Garonne plus de 3 800 personnes. A l’origine du rassemblement, la CGT, la FSU ou encore l’association Solidaires. Ambiance révoltée et féministe sur fond de chansons partisanes : les moyens de communications les plus efficaces restent le chant et les écriteaux chocs. En effet, les pancartes humoristiques étaient au rendez-vous. On a pu retrouver des phrases accrocheuses en référence à des artistes françaises comme France Gall et sa chanson « Résiste » ou encore des jeux de mots en lien avec le ministre de l’Intérieur Français « Darma main dans ta gueule ».
Comme dans beaucoup d’autres manifestations la couleur violette était prédominante sur les habits des manifestantes. En effet, le violet est la couleur qui représente le féminisme depuis le début de la lutte. Il existe plusieurs interprétations au choix de cette couleur. La première est historique : les mouvements politiques sont très souvent représentés par des couleurs et puisque le féminisme est un mouvement jeune il ne restait plus que le vert et le violet comme couleurs disponibles. L’interprétation moderne explique que le violet aurait été choisi de par sa combinaison entre le bleu et le rose. Le bleu qui représente symboliquement le garçon et le rose la fille, la combinaison des deux signifierait qu’il n’y a pas de différence entre garçon et fille. Porter du violet c’est donc revendiquer l’égalité homme/femme.
Toulouse se distingue dans cette lutte en ayant lancé le mois de l’égalité homme/femme. A cette occasion et ce jusqu’au 31 mars des portraits de femmes sont exposés dans différents endroits de la ville.
L’effet entraînant de la foule s’est aussi retrouvé à Clermont Ferrand où près de 400 personnes se sont réunies selon les organisateurs de la manifestation. Tour à tour plusieurs associations féministes du Puy de Dôme ont pris la parole. Osez le féminisme 63, Nous toutes 63 et bien d’autres ont pu prendre part à cette journée dédiée à la femme et y exposer leur point de vue. Ici, la couleur prédominante n’était pas le violet comme on aurait pu s’y attendre mais le bleu. De nombreuses manifestantes portaient des bleus de travail, symbole du monde ouvrier et de la précarité croissante rencontrée par les ouvrières pendant la période du Covid. En effet, en plus d’une inégalité salariale les femmes doivent faire face à une répartition des tâches domestiques encore déséquilibrée entre hommes et femmes. Les femmes subissent donc parfois ce que l’on appelle des doubles journées qui engendrent une charge mentale et physique forte. Cette situation ne s’arrange pas avec la crise et le télétravail.
La capitale historique de l’Auvergne a profité de ce jour symbolique pour inaugurer un refuge dédié aux femmes victimes de violences, nommée Gisèle Halimi, en son hommage. D’un autre côté, mauvais timing pour le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en visite sur Clermont-Ferrand ce jour-là afin de discuter sécurité avec le maire. Accusé de viol, les manifestantes n’ont pas apprécié sa présence.
Les Lyonnaises se sont quant à elles réunies Place Jean Macé pour un rassemblement consacré notamment à la lutte contre l’inégalité salariale et les mauvaises conditions de travail des métiers à forte utilité sociale. Cette initiative du collectif « Tous des Lyonnes » de la CGT69 a rassemblée environ 200 personnes. Rassemblement statique plutôt réduit qui peut être dû à une manifestation plus importante qui a eu lieu le dimanche 7 mars Place Bellecour. Les manifestantes ont entonné avec l’aide de sonos des chants féministes comme « Débout les femmes », chanté par 39 femmes, c’est une reprise de l’hymne de femmes datant de 1971. De plus, de nombreux slogans ont enflammé les voix des manifestantes dont « Nous sommes fortes, nous sommes fières et féministes et radicales et en colère ». Des membres de la CGT69 sont intervenus pour représenter les métiers à forte utilité sociale, métiers les plus en souffrances pendant cette période de crise.
« Il faut revaloriser les métiers à prédominance féminine, reconnaître les qualifications, la technicité du travail, les responsabilités et la pénibilité des métiers »
Discours d’un membre de la CGT69
Enfin, dans la continuité de la journée internationale des droits des femmes, la Métropole de Lyon et l’association Règles Élémentaires lancent une collecte de protections féminines qui prendra fin le 28 mai, journée internationale de l’hygiène menstruelle. Ces protections seront redistribuées aux femmes souffrant de précarité menstruelle.