Le combat des femmes continue afin d’atteindre l’égalité de genre dans la société. Après la journée internationale des droits des femmes du 8 mars dernier, des milliers de femmes à travers le globe continuent de faire valoir leurs droits dans le but d’être mieux représentées dans des milieux où la parité n’est pas la norme, tel que le milieu scientifique.
Constat
L’intelligence artificielle se réfère aux sciences, théories et techniques telles que la logique mathématique, la neurobiologie computationnelle, les statistiques, l’informatique et les probabilités, ayant pour principal objectif de faciliter le quotidien de l’homme puisqu’elle a été pensée pour imiter les capacités cognitives de l’être humain. L’IA rythme notre quotidien en touchant plusieurs secteurs à la fois ; notamment la culture, l’aspect social, économique, etcetera. Depuis une soixantaine d’années environ, ce domaine est en pleine évolution ; fortement marqué par l’aspect masculin dans la réalisation des travaux dédiés à la recherche scientifique et à son développement.
Le domaine de l’intelligence artificielle est en constante évolution depuis une soixantaine d’années, une évolution essentiellement dictée et pilotée par des chercheurs hommes qui représentent 88% des effectifs alors que les chercheuses femmes ne représentent que 12% des scientifiques de la discipline.
Une inclusion féminine dominée par des biais sexistes
L’inclusion féminine est marginale dans le domaine lié aux « STEM » terme anglais désignant la science, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques. Les scientifiques femmes représentent moins de 20% des effectifs du secteur.
Or, plusieurs études ont démontré que la sous représentativité des femmes dans ce domaine leur est préjudiciable puisque la mise en œuvre de systèmes reposant sur l’intelligence artificielle ne prend pas fidèlement en compte le genre féminin, ce qui a pour conséquence d’établir des algorithmes ou résultats biaisés. C’est par exemple le cas d’une étude américaine, ayant mis en exergue les difficultés de reconnaissance faciale des femmes d’origine asiatique ou noire à travers les résultats établis par des programmes manquants de fiabilité lorsqu’il s’agit de l’identification des minorités. Ces programmes « semblent-ils ne reconnaissent pas des personnes autres que celles qui sont à l’origine de leur conception ». Il en est de même de la défaillance du programme « Northpointe » développé par une entreprise privée. Il s’agit d’un logiciel prédictif mis en place afin d’analyser les risques de récidives des personnes condamnées par la justice américaine, et qui au final s’est avéré être défavorable aux personnes de couleur de peau noire. Ainsi, ce type de programme crée des discriminations, plus précisément à l’égard des femmes très souvent touchées par ce mode de fonctionnement.
Si en amont l’objectif de l’algorithme peut être louable, les données recensées non représentatives de la population engendrent des résultats qui ne sont pas en adéquation avec la réalité du terrain et ne permettent pas de combler le « gender data gap » c’est-à-dire l’écart de données entre les sexes.
Cette discipline fait les frais des diktats sociétaux axés depuis plusieurs années sur l’aspect masculin allant du développement de programme à la prise de décision en vue de sa réglementation. Des femmes influentes œuvrant pour une égalité de genre comme Moojan Asghari engagée dans la communauté scientifique et reconnue dans le domaine dédié à l’IA, co-fondatrice de l’ONG «Women in IA», font valoir cette sous représentation féminine. Ce qu’elles dénoncent c’est avant tout l’inclusion féminine mise à mal dans ce domaine. Elles prônent l’égalité de genre dans le but d’améliorer le monde à venir, en prenant place dans les décisions importantes en rapport avec l’éthique en matière d’intelligence artificielle.
Selon la docteure en sciences et co-fondatrice de l’association « WAX sciences », Flora Vincent, autrice du livre « l’intelligence artificielle, pas sans elles », les IA « peuvent ne pas être inclusives, et peuvent même être sexistes ». L’angle mort de l’IA c’est le manque de mixité. Il faut à cet effet se défaire de l’apprentissage sous influence qui favorise un mécanisme de contagion sexiste de l’algorithme.
En droit, des difficultés sont également perceptibles. La réglementation en la matière est insuffisante pour résoudre ces problèmes liés « aux biais sexistes » puisque ce sont les entreprises privées qui détiennent la plupart du temps ce type de monopole. Afin de mieux encadrer ce domaine dédié aux sciences mais intéressant la sphère juridique tant les problématiques de genre sont complexes, et touchent plusieurs domaines, le livre blanc établi par le conseil de l’Europe fondée sur une stratégie européenne pour l’IA permet d’apporter quelques éclaircissements en la matière, afin de construire une IA juste, inclusive, que les femmes sont en droit d’attendre d’une société démocratique.
Cependant, pour l’heure, des juristes femmes telles que Céline Castets-Renard, Professeur à l’université de droit d’Ottawa, auparavant professeur à Toulouse et titulaire de la Chaire ANITI « Accountable AL in a Global context », pointent du doigt le développement des normes et chartes qualifiées d’ « ethics washing » ; établies par certaines entreprises privées spécialisées dans l’IA et s’interrogent particulièrement sur leur fiabilité. Plus d’une centaine de chartes ont été établies par les géants d’internet communément appelés les GAFA. Or, il revient au législateur d’établir le cadre juridique, en précisant le champ d’intervention de l’IA, afin d’asseoir la responsabilité des concepteurs des programmes, des algorithmes établis.
L’intelligence artificielle : une voie offerte pour l’égalité de genre
L’IA représente l’avenir pour la gente féminine puisqu’elle leur permettra de s’assurer une place effective dans la société. Plus il y aura de femmes dans ce domaine, plus l’intelligence artificielle en tiendra compte et plus les résultats fournis par celle-ci seront réalistes et égalitaires. De plus, promouvoir la diversité permettra d’atteindre des résultats meilleurs en la matière, puisque ceux-ci tiendront compte de la réalité du terrain.
La multiplication des acteurs dans le domaine de l’IA ainsi que la formation des développeurs aux questions d’égalité permettraient de parvenir à cet idéal féminin. Certaines femmes influentes l’ont bien compris en attirant l’attention sur l’apprentissage de ces matières scientifiques mais pas que, à la jeunesse féminine pour une prise de conscience en amont ; mais aussi favorisent l’entreprenariat afin de faire valoir leur projet dans des secteurs allant de la technologie au marketing en passant par le juridique. Nombre d’entre elles se sont lancées dans la création de legal tech, terme issu de l’anglicisme, désignant la technologie juridique au service du droit et par ricochet aux internautes puisqu’elle met en évidence des algorithmes de génération documentaire ; dont l’avocate Alexandra Sabbe-Ferri fondatrice du programme mesindemnités.com. Cependant, force est de constater que le combat pour la légitimité au féminin perdure, et la journée des droits de la femme est là pour nous le rappeler.
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