La date du 25 mars 2021 marquait les six ans de l’opération Tempête décisive, l’intervention militaire menée par la coalition à la tête de laquelle se trouve l’Arabie Saoudite contre les rebelles yéménites Houthis. Pour dénoncer la vente d’armes françaises à l’Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis, douze ONG ont organisé un die-in chaque jeudi du mois de mars, place de la République à Paris.
Depuis le début de la guerre civile, 250 000 soldats et civils yéménites sont morts. L’ONU parle du Yémen comme étant le lieu de « la pire crise humanitaire au monde » et pour cause, 80% de la population civile a aujourd’hui besoin d’une aide humanitaire.
Douze ONG appellent Emmanuel Macron à mettre fin à la vente d’armes françaises à la coalition saoudienne
Dans le cadre de sa campagne « Silence, on arme », Amnesty International dénonce la vente d’armes françaises et son opacité. La France est le troisième pays exportateur d’armes au monde, et Paris a livré plus de 6,145 milliards d’euros de matériel de guerre à l’Arabie Saoudite depuis le début du conflit. Riyad est le premier client de la France en matière de livraison d’armes.
En avril 2019, l’enquête « Made in France » de Disclose révèle que les armes françaises vendues à l’Arabie Saoudite sont utilisées contre des marchés et des populations civiles. Un an et demi plus tard, la France signe avec d’autres pays une résolution de l’ONU dénonçant l’usage de la famine des civils comme arme de guerre.
Cette même résolution condamne fermement les violations du droit international ainsi que du droit humanitaire, et demande expressément aux Etats de ne pas transférer d’armes aux parties du conflit s’ils pensent que ces dernières peuvent être utilisées dans des exactions contre les civils.
En armant l’Arabie Saoudite au Yémen, la France ne respecte pas non plus son engagement envers le Traité de Commerce des Armes signé en 2013 par 130 pays auprès de l’ONU. Le traité ordonne également aux pays signataires de cesser de vendre des armes s’ils se rendent compte que ces dernières sont utilisées contre le droit international.
Alors que les Etats-Unis ont annoncé au mois de janvier qu’ils cessaient de vendre des armes à l’Arabie Saoudite, les associations de lutte pour les droits humains demandent qu’Emmanuel Macron suive l’exemple de Joe Biden. Par ailleurs, les ONG exigent également de toutes les parties l’arrêt immédiat des attaques contre les civils, les hôpitaux, les écoles et le patrimoine yéménite.
Un die-in place de la République à Paris pour protester contre la complicité de la France dans la pire crise humanitaire du monde
Tous les jeudis du mois de mars, Amnesty International et d’autres associations ont appelé à se rassembler place de la République pour faire un die-in, une forme de manifestation durant laquelle les participants s’allongent par terre et simulent la mort.
Ziyad a 22 ans et a entendu parler du conflit yéménite sur les réseaux sociaux. Il est venu manifester auprès d’Amnesty. « C’est une cause qui me tient à cœur. Je condamne l’ingérence de l’Arabie Saoudite au Yémen, et je ne comprends pas comment les désaccords entre sunnites et chiites peuvent mener à des guerres pareilles. » Ils sont une centaine en tout à participer au die-in.
Nombreux sont les usagers de Twitter et Instagram ayant entendu parler du conflit yéménite. Beaucoup d’images circulent sur internet, et émeuvent ceux qui les regardent. Ces mêmes images sont pourtant absentes de la sphère médiatique, et le Yémen a pendant longtemps été une véritable cause oubliée, jusqu’à l’enquête de Disclose ayant révélé le rôle joué par la France dans le conflit.
Léa Gauthier est la responsable plaidoyer de Médecins du Monde qui lutte aux côtés d’Amnesty International contre la vente d’armes françaises à l’Arabie Saoudite. « Médecins du Monde est présent au Yémen depuis 2007. Avec le début de la guerre en 2015, on a renforcé nos effectifs sur le terrain. Actuellement, on a seize centres de santé au Yémen. »
En parallèle des violences de guerre subies par les Yéménites, Léa explique que les populations sont particulièrement touchées par les épidémies. « Il y a des épidémies de rougeole et de choléra contre lesquelles on lutte sur le terrain. On assure aussi un suivi de la santé sexuelle et reproductive des femmes. Ce n’est pas parce que la guerre sévit au Yémen que l’on doit cesser de prendre en compte d’autres problématiques de santé. »
Médecins du Monde a également déployé des programmes en faveur de la santé mentale. Les civils sont, dans l’ensemble, traumatisés par les six ans de guerre qui viennent de s’écouler et par les violences dont ils ont été victimes. « Certains enfants ont développé une hypersensibilité au bruit à cause des bombardements et ont parfois peur du son que font les gouttes d’eau quand il pleut. On tente de remédier à cela par l’installation de cellules psychiatriques. »