Le Sénégal a connu de nombreuses manifestations en mars dernier. Celles-ci ont débuté juste après l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko. Cependant les revendications des sénégalais sont bien plus profondes.
Le Sénégal est actuellement au cœur d’une crise sociale, économique et politique. Le pays, pourtant catégorisé comme un des plus stables en Afrique, est touché par de nombreuses manifestations depuis début mars. Celles-ci ont notamment débuté suite à l’arrestation d’Ousmane Sonko. Cet homme politique sénégalais est l’un des principaux opposants au parti en place. Il a terminé à la troisième place lors des élections présidentielles de 2019, derrière l’actuel président Macky Sall et l’ancien premier ministre Idrissa Seck. Il lutte pour une souveraineté économique au Sénégal et n’hésite pas à dénoncer la corruption et la fraude fiscale du gouvernement.
Le deux février dernier, Ousmane Sonko est accusé de viol et de menace de mort sur une masseuse d’un salon de beauté de Dakar. L’opposant clame son innocence et accuse le pouvoir en place d’une tentative de le marginaliser du monde politique. Malgré tout, il sera convoqué à la gendarmerie le huit février, mais ne s’y rendra pas grâce à son immunité parlementaire. Celle-ci sera ensuite levée le 28 février suite à un vote des députés. Il est finalement arrêté le trois mars pour trouble à l’ordre public et manifestation non-autorisée alors qu’il se rendait au tribunal.
Cette arrestation sera l’événement déclencheur des manifestations. De nombreux sénégalais se réuniront dans les rues pour critiquer l’arrestation de la dernière figure contestataire du pays. Comme le dit un jeune sympathisant : « Khalifa Sall, Karim Wade… Tous les adversaires politiques de Macky Sall ont été éliminés. Sonko est le seul espoir. S’il est arrêté, le Sénégal n’aura plus d’opposition ». Cependant les revendications des manifestants sont bien plus profondes et émanant notamment d’une colère étudiante. Beaucoup de jeunes peinent à trouver un travail malgré la détention d’un diplôme. Ainsi, chaque année au Sénégal 30 000 étudiants sortent diplômés de l’université mais seulement un tiers d’entre eux trouve un emploi.
De plus, la crise du Covid 19 n’a fait qu’accentuer ce mal-être en accentuant les difficultés de recherche d’emploi. Le secteur du tourisme étant principalement touché, le Sénégal est privé de l’une de ses plus importantes sources de travail. La crise a également fait ressurgir les failles du pays et notamment les fragilités du système de santé. Les manifestations ont aussi fait remonter une haine anti-français. Accusées de remplacer les marchés locaux et de perturber l’économie locale, de nombreuses enseignes françaises comme Total, Orange et Auchan ont été pillées lors des émeutes. Cela a ainsi fait renaître les débats sur le franc CFA, lourd héritage de la colonisation. L’opposant Ousmane Sonko expliquait alors en 2019 : “Il n’y a pas de sentiment anti-français il y a un sentiment pro-africain”.
Face à ces manifestations, la réponse des autorités a d’abord été assez rude. Des scènes de violences et d’arrestations arbitraires effectuées par la police sénégalaise ont pu être observées. Selon Amnesty International, 12 personnes seraient décédées au cours des cinq jours de manifestations. Le gouvernement décida également de censurer deux chaînes de télévision qui diffusaient les émeutes ainsi que de restreindre le réseau Whatsapp.
Ousmane Sonko sera finalement libéré le huit mars et placé sous contrôle judiciaire. Quant à Macky Sall, il évoquera lors d’un discours un plan de relance économique adressé à la jeunesse afin d’améliorer leurs conditions. À voir si ce projet reflète une réelle envie d’aider la jeunesse sénégalaise ou s’ il a juste été évoqué afin d’apaiser la situation.