Les violences obstétricales
« Les violences obstétricales sont larges », explique Sonia Bisch, fondatrice de StopVOG (Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques), une organisation qui lutte contre ce type de violence, en diffusant les témoignages des victimes, en les accompagnant et en les conseillant. Son objectif est de briser le tabou de cette violence afin que les femmes se sentent libres de parler, et que les professionnels de la santé écoutent, prennent conscience du problème et s’adaptent à des pratiques qui évoluent avec le temps. Pour Bisch, la lutte contre ce type de violence passe par : « le respect du consentement, l’importance du respect des recommandations des bonnes pratiques médicales, l’écoute de la parole et pas le mépris de la douleur ».
En France, depuis 2002, la loi Kouchner (LOI n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) stipule que les patients doivent avoir un consentement à tout acte et traitement et connaître à l’avance. Sonia Bisch ajoute que « c’est important le consentement parce que l’obstétrique a à voir avec l’intimité des femmes ». Pour elle, il ne s’agit pas seulement de faire consciemment du mal aux femmes, car cela peut arriver tout le temps au quotidien. Il s’agit pour les gynécologues et autres professionnels de voir la personne en face d’eux. « C’est important, toujours une fois, les bonnes pratiques médicales et, surtout, toujours, la recherche de consentement ». Il faut éviter, ajoute-t-elle, d’accuser la femme, car elle est toujours jugée et dans ce cas, on entend souvent des commentaires tels que : elle ne s’est pas bien préparée à l’accouchement, c’est sa faute.
Le point du mari
Le 21 mars 2014, l’écrivain Isabelle Alonso a publié sur son blog un billet sur le point du mari. Pour aborder cette question, elle s’est appuyée sur les conversations qu’elle avait eues avec Agnès Ledig, sage-femme et écrivain. Le point de mari consiste à faire un point supplémentaire pour réparer l’épisiotomie ou la déchirure produite lors de l’accouchement. Son nom vient du fait qu’elle est pratiquée dans le but de réduire la taille du vagin, ce qui produirait une augmentation du plaisir de l’homme pendant les rapports sexuels. « Et tout ceci se fait dans l’intérêt de l’homme en oubliant la femme », relate Isabelle Alonso sur son blog, « Pire, en risquant de la condamner à une sexualité où le plaisir a laissé la place à la douleur. » Tout cela avec des conséquences physiques et psychologiques, à court et à long terme, pour la femme. Cette pratique relève de la violence obstétricale, dont sont victimes de nombreuses femmes, bien que beaucoup disent que ce n’est qu’une légende.
La vie de Marie Bernard (son nom a été modifié pour conserver son anonymat) bascule le 20 avril 2016, avec la naissance de son troisième enfant à la maternité de Sallanches en Haute Savoie. Ses décisions étaient constamment remises en question. Avec une insistance incessante, on lui a proposé la perfusion d’oxytocine pour accélérer l’accouchement. On lui a même dit qu’elle mourrait et ferait mourir le bébé si elle ne l’acceptait pas. Elle a finalement accepté le cathéter pour ne recevoir l’oxytocine qu’en cas d’urgence, mais « chaque contraction pour eux était une urgence ». Le manque de respect pour les décisions des femmes et l’infantilisation, le fait d’être traitées comme des enfants sans critères, sont une constante lorsqu’elles se trouvent dans une situation vulnérable, comme l’accouchement. Sonia Bisch souligne le problème que cela pose, car les femmes sont continuellement jugées dans leurs décisions et traitées comme des personnes dénuées de logique et de jugement. « Pour la médecine, elles sont des êtres dénués d’intelligence, de bon sens, qui ne savent même pas évaluer leur niveau de douleur », continue Bisch, « c’est la médecine qui devrait être au service des patientes et patients. Là on trouverait d’avantage d’humanité et de bien traitance ».
Après l’accouchement, un sage-homme lui a fait des points de suture. Plus tard, Marie a compris ce qui s’était passé. « J’aurais dû m’ en douter quand il a dit au papa : “vous verrez c’est son troisième (enfant) mais ça ne se sentira pas”. » Comme de nombreuses autres victimes, elle avait souffert du point du mari. « J’en avais entendu parler…. Mais je pensais, cette pratique ancienne…. En fait non… » Une sage femme a décousu assez tôt. Elle a également dû faire des massages sur la zone pour empêcher la chair de coller. Ces massages se poursuivent aujourd’hui, 5 ans après la naissance. « Malgré tout, la cicatrisation avait commencé et elle n’a pas pu réparer tous les dégâts ». Elle affirme que, par rapport aux autres victimes, elle s’en est bien sortie, car elle n’a pas été affectée dans sa vie quotidienne. Malgré ça, lorsqu’il s’agit de victimes de violences, toutes les séquelles sont graves et ne doivent pas être minimisées, toutes les plaintes sont valides. Physiquement, la vie sexuelle de Marie a été affectée car elle était limitée dans certaines positions en raison des douleurs. Finalement, son mari a découvert ce qui s’était passé et, ils ont divorcé en raison des « difficultés intimes » et des faits choquants.
Les séquelles du point du mari sont à la fois physiques et psychologiques. La vie sexuelle des femmes est affectée de manière très grave, et comme dans de nombreuses occasions, elle est subordonnée pour offrir un plaisir sexuel plus grand pour lui. Sonia Bisch explique qu’il s’agit d’une lésion permanente au niveau du périnée, « c’est clairement une mutilation qui affecte la vie personnelle et professionnelle. De nombreuses positions sexuelles sont donc limitées. Certaines femmes ne peuvent pas s’asseoir et bouger normalement à cause de la douleur. De nombreuses victimes déclarent qu’elles ne peuvent jamais s’en remettre ».
Une attaque contre le corps est un traumatisme pour la victime. La conséquence la plus évidente est la dépression dont elles souffrent à cause du stress post-traumatique, qui n’est souvent pas diagnostiqué parce que la racine du problème n’est jamais trouvée. En effet, de nombreuses victimes ne sont pas conscientes de ce qu’elles ont vécu, elles savent que quelque chose ne va pas, « elles ont des insomnies, elles n’ont pas d’énergie, elles pleurent tout le temps sans savoir pourquoi », explique Bisch, « mais cela n’affecte pas seulement la femme, car sa famille, le lien avec son enfant et toutes les autres relations seront affectées ». Et surtout, elle affecte la relation avec le conjoint qui se trouve habituellement au moment de l’accouchement et qui a été témoin de la violence mais n’a rien pu faire pour l’empêcher. « Les familles sont détruites et la femme se sent seule, sans soutien ».
D’autre part, la dissociation du cerveau se produit pour que « la personne ne devienne pas folle, pour ne pas mourir », raconte Sonia Bisch. Ce mécanisme de défense, pour faire face au trauma, consiste en une altération involontaire des pensées, des souvenirs ou des actes qui ne sont pas intégrés comme ils le seraient normalement. C’est une façon de les isoler et de ne pas y avoir accès. C’est pourquoi, de nombreuses femmes ne sont pas encore conscientes, même 30 ans plus tard, de ce qui leur est arrivé. Elles ont réussi après avoir suivi une thérapie, obtenu l’aide de professionnels et même lu le témoignage d’autres femmes.
Comment agir et se protéger
« Les violences gynécologiques et obstétricales ne sont pas dans la loi française, il n’y a eu aucune condamnation, même s’il y a longtemps qu’il y a des témoignages de ce type de violence. Il y a une impunité terrible », raconte Sonia Bisch. Elle ajoute que dans ce cas, elles sont confrontées non seulement à la violence mais aussi au déni de la société. En outre, les professionnels tels que les médecins ou les thérapeutes manquent de formation pour aider ces mères en souffrance. « Une fois que les victimes ont surmonté cela, qu’elles ont reconnu le mal et qu’elles ont finalement fait face à la justice, là encore, elles doivent être fortes et armées, car c’est difficile. Il faut parfois de l’argent et il est difficile de s’opposer au pouvoir médical, qui est fort. Il faut avoir beaucoup de patience, mais il est important de porter plainte pour aider les autres et ne pas s’en tirer à bon compte. »
Sonia Bisch explique le processus à suivre :
Des organisations comme StopVOG donnent voix à toutes les femmes qui souffrent des violences et offrent un lieu sûr où elles se sentent protégées et libres pour s’exprimer. Les espaces pour les femmes se développent, mais il faut continuer à donner de la visibilité à la violence, à la violence obstétricale dans ce cas précis, mais à la violence contre les femmes en général. Et c’est important d’occuper beaucoup d’espace, dans les réseaux sociaux, dans les journaux, partout. Comme l’explique Roxane Gay dans son essai Hunger, mémoires de mon corps : « C’est ce que l’on apprend à la plupart des filles (…) Nous ne devons pas prendre de place. On doit nous voir, mais pas nous entendre, et lorsque l’on nous voit, nous devons plaire aux hommes et être acceptables pour la société. La plupart des femmes le savent, elles savent que nous sommes censées disparaître, mais c’est une chose qui doit être répétée haut et fort, encore et encore, afin que nous puissions résister à la soumission que l’on attend de nous ». De cette façon, les femmes se sentiront en sécurité et en sauront plus sur les différentes situations qu’elles vivent. Comme ça elles auront un haut-parleur pour que les autres les écoutent et les apprécient.
L’association StopVOG (Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques) est présente sur tous les réseaux sociaux. Vous pouvez les contacter par leur intermédiaire, par message direct, commentaire ou email et elles seront à votre disposition pour toute consultation.
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