La procureure de Marseille a annoncé samedi que l’enquête s’orientait vers la piste criminelle après la mort de trois migrants nigérians dans l’incendie d’un immeuble, sur fond de tensions entre squatteurs et trafiquants de drogue dans les quartiers Nord de la ville. Un enfant de moins de trois ans a été très grièvement brûlé. Le feu a pris samedi au petit matin dans un bloc d’immeuble de la cité HLM « Les Flamants », largement squatté et où il ne restait qu’un locataire.
« Nous avons au moins l’existence de deux départs de feu, l’un au sixième étage, l’autre dans la cage d’escalier. Ce qui nous fait partir sur une piste criminelle », a déclaré Dominique Laurens, la procureure, lors d’un point presse, s’inquiétant de la situation très tendue sur place entre des Nigérians squattant la résidence et des trafiquants de drogue.
Le feu a pris dans les parties communes, vers 5 heures. Les marins-pompiers, prévenus à 05 h 23 sont arrivés six minutes plus tard. Mais cinq personnes se sont défenestrées du huitième étage : trois hommes de 20 à 30 ans de nationalité nigériane sont décédés et deux autres sont hospitalisés en urgence absolue. Neuf autres personnes sont plus légèrement blessées, selon le bilan du parquet.
L’incendie s’est déclenché dans les gaines électriques du dernier étage, rapporte de son côté la Provence. Les victimes « ont confectionné une sorte de corde à base de draps pour tenter une descente en rappel qui a viré au drame », écrit le quotidien.
La résidence « Les Flamants », construite en 1972, est la propriété de 13 Habitat, qui se présente comme le premier office HLM de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur avec 33 500 logements gérés.
Tarifs des stupéfiants inscrits sur les murs
Le quartier doit être en partie détruit avant une reconstruction dans le cadre du vaste chantier de réhabilitation urbaine à Marseille piloté par l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) et lancé en 2005. Or depuis des mois, la plupart des 145 logements concernés sont squattés. Selon le président de 13 Habitat, cité par France Bleu, les travaux de démolition devaient commencer au début de l’été, si les appartements squattés étaient libérés.
« La situation était très préoccupante » sur ce bâtiment qui devait être détruit et des moyens légaux avaient été engagés pour déloger les squatteurs, a indiqué le président d’Habitat 13, Lionel Royer-Perreault, précisant que l’ensemble ne faisait l’objet d’aucun arrêté de péril. Au moment de l’incendie, il restait au total 14 locataires légaux dans l’immeuble et un seul dans la partie incendiée.
Au pied de l’immeuble, des dizaines de Nigérians ne cachaient pas leur colère. « On a vu que tout brûlait, on a vu des gens sauter », racontait Famous, 26 ans, montrant sur son téléphone le corps d’une des victimes. « Les dealers nous terrifient. Ils ont des armes. Ils nous empêchent de dormir », s’énervait à ses côté Azeke Endurance, 30 ans.
« Il y a un point de deal (de drogue) notoire ici et il y a des tensions entre les habitants et les trafiquants », a expliqué la préfète de police, Frédérique Camilleri, présente sur les lieux samedi. Dans la cage d’escalier du bâtiment, les tarifs des stupéfiants sont inscrits sur les murs, a raconté Dominique Laurens, reconnaissant que la situation sur place est « extrêmement tendue ». Elle a lancé un double appel : au calme et à témoins.
La communauté nigériane est très remontée contre les trafiquants qu’elle accuse d’être à l’origine du drame. « C’est une rumeur, maintenant il faut l’objectiver par des témoignages », a insisté la procureure.
La ville de Marseille s’est occupée de mettre à l’abri femmes et enfants en priorité face à un drame qualifié de « terrible » par le maire Benoît Payan. Samedi soir, « 91 personnes dont 28 femmes et 27 enfants ont été conduites par les services municipaux dans deux gymnases pour une mise à l’abri d’urgence », a précisé la mairie qui a appelé l’Etat « à proposer un hébergement digne à toutes les personnes sinistrées ».