Éric Zemmour a déclamé un discours inquiétant lors de son meeting à Villepinte, le 5 décembre. Un pot-pourri aux relents nauséabonds dans lequel on retrouve ses obsessions habituelles, l’annonce d’un programme teinté de populisme, de conservatisme, de libéralisme, de nationalisme et des références historiques qui donnent à ce discours une dimension apocalyptique.
Dimanche 5 décembre, Éric Zemmour a rassemblé près de 13000 personnes pour son meeting à Villepinte, en Seine Saint-Denis. Un véritable tour de force entaché de nombreux incidents : exfiltration de l’équipe de journalistes du Quotidien, agression des militants de SOS Racisme, empoignade du candidat déclaré… On en oublierait presque le discours inquiétant qu’il a déclamé à l’occasion du lancement de sa campagne. Un pot-pourri aux relents nauséabonds dans lequel on retrouve ses marottes habituelles (« grand remplacement », « grand déclassement », « lutte contre l’idéologie LGBT et l’islamo gauchisme »), l’annonce d’un programme teinté de populisme, de conservatisme, de libéralisme et de nationalisme, avec des références historiques qui laissent penser que l’auteur de ce texte a encore fait franchir un palier aux prédictions apocalyptiques du candidat Zemmour.
Ses marottes habituelles
« Vous êtes près de 15000 personnes aujourd’hui. 15000 Français qui ont bravé le politiquement correct, les menaces de l’extrême gauche et la haine des médias » commence Eric Zemmour, faisant tout de suite allusion au « politiquement correct », c’est-à-dire tout ce qui n’est pas dans la ligne éditoriale de la chaine CNEWS.
« Depuis des mois, je sillonne la France, je rencontre des Français. Deux craintes les hantent : celle du grand déclassement et celle du grand remplacement » lance-t-il rapidement, faisant référence à la théorie du grand remplacement de Renaud Camus qu’il a grandement contribué à populariser et à des passages choisis de « la France périphérique », cet ouvrage majeur du géographe Christophe Guilluy paru en septembre 2014, qui oppose les villes citadelles dans lesquels vivent les élites mondialisées à la France périphérique dans laquelle vivent les classes moyennes effrayées par la peur du déclassement et la fin du rêve américain qu’ont vécu par procuration les « boomers », pendant les trente glorieuses.
Très vite, Eric Zemmour fait le tour de toutes ses vieilles marottes, abordant la lutte contre les théories LGBT et l’islamo gauchisme. « Dès la rentrée prochaine, nous referons de l’école, l’instrument de l’assimilation à la française et nous chasserons des classes de nos enfants, le pédagogisme, l’islamo gauchisme et l’idéologie LGBT » prévient-il.
Un programme teinté de populisme, de libéralisme, de conservatisme et de nationalisme
Lors de son introduction, l’ancien polémiste fait preuve d’une rare démagogie. « Le phénomène politique de ces meetings, ce n’est pas moi, c’est vous », déclare-t-il d’emblée, avant de réciter un programme teinté de populisme, de libéralisme, de conservatisme et de nationalisme.
Un programme dans lequel il entend augmenter les salaires. « Il n’est pas normal que le salaire brut soit si élevé pour les patrons et que le salaire net soit si faible pour les salariés » déclare l’orateur derrière son pupitre. Le favori du milliardaire Bolloré envisage une augmentation des salaires qui passerait par un rapprochement du brut et du net, impliquant ainsi une baisse des cotisations salariales qui financent le modèle de sécurité sociale français. Il promet « un 13e mois aux salariés touchant le SMIC. »
Dans le même temps, Éric Zemmour annonce « la baisse des impôts sur la production pour toutes les entreprises ». « Pour aider nos industriels, nous proposons moins d’impôts, moins de taxes, moins de normes et plus de commandes » jure ce partisan d’un libéralisme à la carte, avec préférence nationale. « Nous contraindrons la commande publique à privilégier les entreprises françaises », précise le néocandidat à la présidentielle.
« Oui nous sommes engagés dans un combat plus grand que nous. Celui de transmettre la France que nous avons connue, la France que nous avons reçue » continue le candidat conservateur qui promet une école proche de celle « de son enfance ».
Invoquant « la France qui appelle à l’aide », il expose ensuite son programme nationaliste, dans lequel « l’immigration zéro sera un objectif clair de notre politique », menaçant de « mettre hors d’état de nuire, les associations qui ramènent ces migrants en Europe ».
Il aborde ensuite ses projets en matière de politique étrangère et là encore, il y a de quoi avoir froid dans le dos : « Nous sommes la France, nous ne sommes pas les vassaux des États-Unis, nous ne sommes pas les vassaux de l’OTAN ou de l’Union européenne », déclare-t-il avant d’annoncer : « Je veux que la France sorte du commandement intégré de l’OTAN ». « À la face du monde entier, nous pouvons crier haut et fort, la France est de retour », conclut-il. Bref, rien de bien rassurant.
Pendant ce meeting, le candidat de la « droite hors les murs » a fait du « en même temps », mais le « en même temps » à la sauce Zemmour, c’est dire que ces militants ne sont pas racistes au moment même où ils molestent des manifestants antiracistes.
Des références inquiétantes
Outre ses références classiques sur les « bâtisseurs de cathédrale » qui témoignent de l’indiscutable héritage judéo-chrétien de l’Europe et de la France, de son slogan de campagne « Impossible n’est pas français » qu’il a emprunté à Napoléon Bonaparte, on craint deviner dans ce discours des références beaucoup plus inquiétantes.
« Ce ne sera pas une alternance de plus, mais le début de la reconquête du plus beau pays du monde », a-t-il martelé. Éric Zemmour a d’ailleurs décidé de nommer son mouvement « Reconquête », un nom qui se traduit par reconquista en espagnol et qui n’est autre que la période qui marque la reprise des royaumes musulmans d’Espagne par les chrétiens au Moyen Âge.
Dans le discours prononcé par l’ancien journaliste, une citation peut laisser particulièrement perplexe : « Ce peuple français qui est là depuis mille ans et qui veut rester maître chez lui, mille ans encore ». Cela ressemble à une référence au millénarisme, une doctrine religieuse tirée de l’apocalypse selon Saint-Jean, le dernier texte du Nouveau Testament, qui annonce un règne du Christ durant mille ans sur terre après le combat du bien contre le mal. Ce mythe apocalyptique, intrinsèquement porteur d’espoir a été repris dans les périodes de crise par de nombreux mouvements, partis politiques ou sectes, tels que les rastas, les mormons ou les nazis, qui promettaient, par exemple, l’avènement du 3e Reich pendant mille ans sur terre.
Enfin, c’est l’utilisation de tout un vocabulaire martial, celui du combat, qui peut faire peur. « Ce combat, je ne peux pas le mener sans vous, une formidable lutte nous attend pour sauver notre patrie et chacun d’entre nous, ici, participe à cette immense bataille », a claironné Éric Zemmour avant d’ajouter : « Nous avons les troupes, nous avons un plan et nous avons le courage ». Un brin flippant, surtout lorsque l’on sait que selon Europe 1, Éric Zemmour peut déjà compter sur les soutiens de nombreux hauts fonctionnaires en activité, qui ne veulent pas que l’on connaisse leurs noms, pour ne pas être sanctionnés. Les retraités n’ont pas cette contrainte et ils peuvent afficher leur soutien librement au candidat à l’élection présidentielle. C’est par exemple le cas de Pierre Brochand, ancien patron de la DGSE ou du général Bertrand de la Chesnais, ancien numéro deux de l’armée de terre, qui vient d’ailleurs d’être promu au poste de directeur de campagne d’Éric Zemmour. L’ancien polémiste a choisi un ancien général pour mener la bataille de la présidentielle et après les Tribunes des militaires parues dans Valeurs actuelles, le 21 avril et le 9 mai dernier, qui prédisaient une possible guerre civile, ce n’est pas rassurant. Surtout quand on regarde la page Twitter du général Bertrand de la Chesnais et qu’on tombe sur un Tweet du 8 mai 2021 dans lequel on peut lire : « Vivement 2022 pour supprimer les destructeurs de notre pays ».
En tout cas, le discours martial et apocalyptique d’Éric Zemmour annonce une campagne présidentielle épique, voire des jours sombres.

