Le 10 décembre était la Journée internationale des droits humains. Cette année, la Ville de Lyon a souhaité s’engager avec l’écosystème des associations lyonnaises pour la défense des droits humains en proposant une exposition, des conférences, un spectacle et la projection d’un film documentaire. Retour sur cette programmation qui a mis à l’honneur la liberté d’opinion et la liberté de la presse.
Chaque année, le 10 décembre célèbre la Journée internationale des droits humains, rappelant ainsi les droits fondamentaux et inaliénables conférés à chaque femme et homme, indépendamment de toute distinction. Pour la première fois, la Ville de Lyon a choisi de s’engager pour cette journée aux côtés du riche tissu associatif lyonnais, qui travaille au quotidien pour la défense des droits humains. Parmi ces ONG on peut citer : Agir Ensemble pour les Droits Humains, ERIM, Forum Réfugié-Cosi et Prisons Insiders, qui sont toutes membres de la Plateforme des Droits de L’Homme.
« Ce rapprochement avec la Ville de Lyon est lié à la personnalité de Grégory Doucet », explique Guillaume Guichon, chargé de communication d’Agir Ensemble pour les Droits Humains et de la Plateforme des Droits de l’Homme. Un rapprochement qui a également donné lieu à une collaboration entre la Ville de Lyon et Agir Ensemble pour les Droits humains, sur le projet « Lyon ville refuge » qui prévoit l’accueil temporaire, la délocalisation de défenseurs et de défenseuses du droit entre Rhône et Saône.
« Cela fait partie de l’ADN des écologistes de faire attention au vivant. On parle beaucoup des écologistes et de leur préoccupation pour la nature et moins de leur considération pour les humains, alors que nous considérons que ce sont les deux facettes d’une même pièce. Cette journée du 10 décembre est l’occasion de mettre en lumière des sujets qui nous tiennent à cœur et de mettre en valeur le travail des acteurs de terrains. Le thème de la liberté de la presse est sorti de lui-même à la fin de l’été et quand on a vu que le prix Nobel de la paix récompensait deux journalistes, cela nous a confortés dans notre choix. La liberté de la presse est remise en cause à l’étranger, mais aussi en France. À Lyon, nous avons une journaliste qui a été victime de harcèlement sur les réseaux sociaux. En France, il y a un glissement des médias détenus par quelques-uns, ce qui remet en question la pluralité des idées et de l’indépendance journalistique » a déclaré Sonia Zdorovtzoff, adjointe au maire de Lyon déléguée aux relations internationales, lors de l’inauguration de l’exposition photo « People Power : témoignages des mouvements de contestation depuis 1957» qui a eu lieu le jeudi 9 décembre au Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation et qui sera ouverte au public du 10 au 29 décembre.
Inauguration de l’exposition « People Power »
« Ce projet d’exposition photo nous a été proposé par l’Ambassade des Pays-Bas. On travaillait sur l’organisation de cette journée et on a trouvé qu’il y avait une véritable convergence » ajoute Guillaume Arnaud, chef de projet à la direction de l’attractivité et des relations internationales du Grand Lyon. Cette exposition qui est le fruit d’un partenariat entre la World Press Photo Foundation, le Royaume des Pays-Bas et l’UNESCO présente en effet, 23 photographies marquantes illustrant des mouvements de contestation citoyenne à travers le monde.
Conférence « Regards croisés : la liberté de la presse en Algérie, au Bélarus et en France«
Le jour J, les salons dorés de l’Hôtel de Ville ont accueilli une conférence intitulée : « Regards croisés : la liberté de la presse en Algérie, au Bélarus et en France » modérée par Léa Lejeune, journaliste fondatrice de l’association féministe de journalistes Prenons la Une. Khaled Drareni figurait parmi les intervenants de cette conférence. Ce journaliste algérien, correspondant de TV5MONDE et de Reporter Sans Frontières a été arrêté et incarcéré par les autorités algériennes le 7 mars 2020 après avoir couvert des manifestations du Hirak, le mouvement populaire algérien, puis il a été jugé et condamné à trois ans de prison ferme le 10 août 2020 pour « incitation à attroupement non-armé et atteinte à l’intégrité du territoire national » avant d’être libéré le 25 février 2021. Andreï Vaïtovich, est quant à lui un journaliste Freelance Franco-Bélarusse, qui a réalisé un documentaire sur la contestation anti-Loukachenko et ne peut plus rentrer dans son pays. Il est venu parler de la situation dans ce pays d’Europe de l’est, dans lequel 489 journalistes et 40 000 personnes ont été arrêtées depuis 2019. Nadia Buzhan, une photographe bélarusse, lauréate du prix World Press Photo 2020 est également venue s’exprimer courageusement sur cette situation. Laurent Burlet, journaliste et directeur de publication chez Rue89, complétait la liste des invités. Il a pour sa part été victime d’un tir de Flash-Ball pendant les manifestations des gilets jaunes et a reçu des menaces venant de groupes d’extrême droite radicaux après la publication d’un article. « En écoutant mes confrères Bélarusse et Algériens, je me rends bien compte que les menaces sur les libertés de la presse que l’on subit en France ne sont pas du tout de même nature, il reste que RSF nous classe 34e, ce qui n’est quand même pas très glorieux, et on est largement à la traîne parmi les pays européens», a commenté le journaliste lyonnais.
Table ronde « Covid-19 et droits humains »
Après cette conférence, une table ronde intitulée : « Covid-19 et droits humains » a rassemblé les représentants des ONG membres de la Plateforme des Droits de l’Homme : Guillaume Guichon, chargé de communication de la PDH et d’Agir Ensemble pour les Droits Humains, Tim Hugues, président d’AEDH, Antoine Bernard, directeur plaidoyer de Reporters Sans Frontières, Clémence Bouchard de Prison Insiders, Laurent Delbos, directeur plaidoyer de Forum Réfugiés Cosi, Céline Martin et Sandra Sjörgen, chargées de projets chez ERIM. Cette table ronde a été l’occasion d’une présentation publique du rapport « Covid 19 et droits humains » disponible sur le site de la Plateforme des Droits de l’Homme (voir liens plus bas) dans lequel il ressort que la pandémie a eu une impact très forte sur les libertés. En France, le pass sanitaire a restreint les libertés et c’est un constat qui est valable dans le monde entier. « Beaucoup de régimes ont profité de la pandémie pour resserrer l’espace civique », a expliqué Tim Hugues. La crise sanitaire et économique a entrainé une vulnérabilité des populations et une limitation de l’accès au droit. De plus l’isolement créé par la pandémie a compliqué la tâche des organisations civiles qui essaient depuis d’autres pays d’appuyer les défenseurs et défenseuses des droits humains.
Live Magazine
L’après-midi a été consacré au spectacle Live Magazine. « C’est comme un magazine vivant où se succèdent sur scène différents protagonistes issus du monde journalistique et chacun raconte une histoire vraie », nous a expliqué India Bouqurel rédactrice en chef de ce projet qui compte 94 représentations dans 18 villes d’Europe, depuis sa création en 2014. Chacun de ces spectacles est toutefois unique, car les intervenants et les thèmes varient. Pour cette édition lyonnaise, c’est Aysegul Sert, journaliste turque pour le New York Times entre autres, Claude Guibal, journaliste à la rédaction de France Inter, Olga Kravetz, photojournaliste russe et Sylvain Louvet, directeur éditorial de Brut et réalisateur, qui se sont prêtés au jeu.
Projéction de « Tous surveillés, 7 milliards de suspects »
On a retrouvé Sylvain Louvet le soir même au Comœdia, à l’occasion de la projection de son film « Tous surveillés, 7 milliards de suspects » organisé en partenariat avec l’antenne jeune d’Amnesty International de l’Université Lyon 3. Dans ce documentaire, le réalisateur s’intéresse à la course aux technologies et à ses dérives. Il enquête sur le déploiement massif de dispositifs de surveillance en Chine, notamment dans la province du Xinjiang où les Ouïghours sont réprimés, mais aussi dans d’autres régions du monde, où la surveillance numérique est en pleine expansion. Ce documentaire a valu à son auteur d’obtenir le prestigieux prix Albert Londres en 2020. La projection a été suivie d’un débat toujours animé par Léa Lejeune, en présence du réalisateur, d’Hicham Ben Hassine, directeur technique d’AlgoSecure, société lyonnaise de cybersécurité et de Ludovic Pailler, professeur de Droit privé et de Sciences Criminelles à l’Université Lyon 3. Ils ont clôturé une journée riche en enseignements, en débattant sur le danger que représente la surveillance numérique pour les libertés fondamentales des citoyens.