Retraite Plus publie sa grande enquête sur les aidants de malades d’Alzheimer qui vivent à domicile ou en EHPAD . Malgré un rôle difficile qu’ils estiment encore méconnu, les aidants d’Alzheimer se disent en majorité capables de l’assumer.
La grande majorité des aidants familiaux d’Alzheimer sont des femmes
L’enquête réalisée par “Retraite Plus” a en effet permis de montrer que l’écrasante majorité des personnes qui s’occupent d’un proche atteint d’Alzheimer à domicile ou qui entreprennent les démarches pour lui trouver un établissement adapté sont des femmes. En effet, sur les 376 sondés, 79,2 % sont des femmes. Dans 57,4 % des cas, il s’agit de la fille, dans 9 %, du fils et dans 31 %, du conjoint. On peut ajouter que les moins de 60 ans sont presque autant concernés que les plus âgés puisque 52,3 % des aidants ont plus de 60 ans, mais 43,4 % ont entre 40 et 60 ans et 4,3 % ont moins de 40 ans. On constate ainsi que le rôle d’aidants touche une large partie de la population généralement encore active professionnellement, et, principalement des femmes, qui doivent également cumuler avec leur rôle d’aidant de nombreuses tâches familiales. Cette situation pose un véritable problème de société pour toutes ces personnes dont le manque de temps et de disponibilité a des répercussions sur leur qualité de vie et leur activité professionnelle.
Les éléments marquants de l’enquête
- 46,3 % des malades d’Alzheimer vivent à domicile
- 52,3 % des aidants ont plus de 60 ans, mais 43,4 % ont entre 40 et 60 ans
- 79,2 % des aidants sont des femmes qui s’occupent en majorité d’un parent
- Malgré une situation éprouvante, 72,5 % des aidants familiaux se sentent capables d’assumer ce rôle
- 76,5 % des répondants estiment que le stress et l’anxiété les gênent souvent au quotidien
Cette enquête a également permis de recueillir plusieurs témoignages d’aidants qui s’expriment ouvertement sur leur quotidien avec le malade, leur souffrance et leurs relations avec l’entourage depuis la maladie de leur proche.
46,3 % des malades d’Alzheimer vivent à domicile : l’obligation de s’adapter à un quotidien différent
Tandis que 53,7 % des personnes atteintes d’Alzheimer vivent dans un établissement adapté comme un EHPAD, 38,8 % restent à domicile et 7,5 % sont hébergées chez leur proche. Cela signifie que ces deux solutions de maintien à domicile confondues concernent 46,3 % des personnes, presque autant que celles qui vivent en établissement. Derrière ces chiffres se cachent une véritable logistique et un quotidien souvent difficile pour les aidants familiaux. Ils ont été nombreux à témoigner de l’incroyable sacrifice qu’ils et surtout qu’elles étaient prêt.e.s à faire au quotidien pour réaliser ce pari difficile, et continuer de vivre des moments d’échange et de partage, même s’ils doivent être remaniés : “L’aidant doit essayer de se situer dans le temps par rapport à la personne atteinte de la maladie et aux propos qu’elle tient afin de pouvoir échanger un minimum… Par exemple, maman adore les enfants donc je lui montre des photos de ses petits et arrières petits-enfants… elle réagit à certaines chansons et chantonne un peu… elle parle souvent de sa mère… Elle ne se souvient pas de moi mais me sourit et me dit qu’elle m’emmenait à l’école donc ça me convient…”, confie Martine dans le cadre de l’enquête menée par “Retraite Plus”.
Par ailleurs, sur une échelle de 1 à 10 où l’on a demandé aux sondés si leur proche accepte leur aide, ils sont plus de 85 % à répondre entre 5 et 10, dans une échelle où 1 signifie pas du tout et 10 parfaitement. Il est vrai que l’aidant familial reste souvent le repère et l’aide principale du malade, même si l’on peut faire appel à différents professionnels dans le cadre des aides à la personne et du maintien à domicile. Malgré un quotidien extrêmement difficile, Élise s’est battue sans répit aux côtés de son mari pour s’occuper de lui et le garder le plus longtemps possible à la maison :
« La maladie de mon mari a été officialisée en septembre 2013 à la suite d’une ponction lombaire. J’ai donc vécu sept années dans une angoisse croissante, qui a commencé par de régulières crises de désespoir lorsqu’il se voyait dépérir mentalement. C’était un homme qui pouvait encadrer tous les corps de métiers. Ses premiers symptômes étaient le fait qu’il ne comprenait plus quelle heure il était. Puis tout doucement, il a perdu la parole, le calendrier ne voulait plus rien lui dire, je devais le cacher, parce qu’il croyait que les rendez-vous étaient tous dans la même journée. Je pensais pouvoir garder mon mari à la maison tant qu’il me reconnaissait, mais j’ai eu trop peur cette nuit où il m’a agressée. J’ai été dans l’obligation de l’hospitaliser rapidement, le vendredi 5 février 2021. Que pouvez-vous dire aux autres aidants ? Ne pas contrarier le malade. S’armer de beaucoup de patience et avec beaucoup d’amour on arrive à supporter plus que ce que l’on pense. »
Malgré une situation éprouvante, 72,5 % des aidants familiaux se sentent capables d’assumer ce rôle
Si le manque de temps touche souvent les aidants familiaux, il ne s’agit pas de l’unique difficulté rencontrée. À la question “Quels sont les inconvénients qui vous gênent le plus au quotidien ?” 76,5 % des sondés répondent que le stress et l’anxiété “les gênent souvent”. Parmi eux, Anne-Marie nous explique sa réponse : ”Quand je parle du stress, il s’agit de celui que provoque le fait d’être appelé certains jours entre 30 et 100 fois quand la personne a trop d’anxiété.” En effet, les malades d’Alzheimer, souvent privés de la plupart de leurs repères, deviennent très dépendants d’une personne de confiance, généralement l’aidant familial, pour les aider à calmer leur anxiété et leurs éventuelles crises d’angoisse. En plus de l’investissement de l’aidant en termes de temps, il existe souvent une grande implication émotionnelle et psychologique qui peut être source de stress.
Si plus de la moitié des aidants souffrent de l’isolement qu’engendrent souvent les conséquences de la maladie, (51,6 %) ils sont une majorité à affirmer que “la honte de fréquenter l’entourage” ne figure pas parmi les inconvénients qui les gênent le plus au quotidien. En effet, 66,3 % des sondés répondent “jamais” à cette question. Comme on pouvait l’imaginer, la fatigue est évoquée en second avec 75 % des personnes qui affirment en être “souvent gênées”, juste après le stress et l’anxiété et juste avant le manque de temps (72,5). Par ailleurs, 64,2 % des personnes se disent “souvent gênées” de la difficulté de trouver une solution lorsqu’elles doivent s’absenter et 48,2 % répondent également “souvent” à la question de la gêne engendrée par la gestion administrative. Dans une lettre adressée à son médecin, Élise décrit clairement sa situation :”Je ne peux plus le laisser seul à la maison. Il vient avec moi chez le coiffeur, aux courses, etc.. À la maison, il me suit à la trace. Je me pose une question : « s’il devait m’arriver un problème qui m’oblige à être hospitalisée, que devient mon mari ? Il ne peut pas rester tout seul.”
Les aidants sont très peu informés des mesures gouvernementales pour la prise en charge d’Alzheimer
Si les associations et fondations comme France Alzheimer se battent au quotidien pour mener des campagnes d’information, sensibiliser le grand public et influencer les décisions des pouvoirs publics, l’enquête de “Retraite Plus” révèle certaines lacunes dans la perception que les aidants ont des mesures prises en leur faveur et pour leurs proches. En effet, 48,2 % affirment ne pas être informés des mesures prises par le gouvernement dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer, 32,3 % se disent insatisfaits de ces mesures, 16,6 % sont plus ou moins satisfaits et seulement 2,9 % affirment être satisfaits. On constate tout de même une certaine évolution avec le temps. En effet, lorsque l’on demande aux participants s’ils ont constaté, ces dernières années, une amélioration de la prise en charge des malades d’Alzheimer et des aidants, 40,7 % relèvent une amélioration dans l’information, 29,2 % dans la reconnaissance du rôle d’aidant, 11,5 % dans les aides matérielles et financières, 8,6 % dans la recherche médicale et 7 % dans le soutien psychologique. Cependant, la majorité des personnes interrogées (62 %) pensent que le rôle d’aidant n’est pas du tout reconnu à sa juste valeur dans la société, même si 34,2 % constatent tout de même une amélioration dans la conscience collective.