Mercredi 19 janvier, Emmanuel Macron a récité un discours au Parlement européen, dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne qui a débuté le 1er janvier dernier. Au cours de ce discours, il a exposé sa vision de l’Europe, ses convictions qui vont donner le tempo de l’agenda de la France en cette période de présidence, avant de répondre aux questions des parlementaires.
Mercredi 19 janvier, Emmanuel Macron était au Parlement européen qu’il a joliment présenté comme l’incarnation « de la volonté de nos peuples rassemblés ». Le président français était à Strasbourg pour déclamer un discours dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) qui a débuté le premier janvier dernier et qui durera 6 mois.
Lors de son discours, Emmanuel Macron a exposé sa vision de l’Europe dans une introduction pleine d’envolées lyriques. « Cette Europe portée par des valeurs qui nous tiennent et qui nous unissent, cette Europe bâtit sur un modèle unique au monde, d’équilibre entre liberté et solidarité, tradition et progrès. Cette civilisation à part, sédimenté dans le temps long des siècles et cette construction inédite depuis 70 ans qui a mis fin aux guerres incessantes de notre quotidien », s’est-il emporté d’emblée.
Il a ensuite prévenu qu’il ne « souhaitait pas balayer tous les sujets », qu’il aurait le temps d’y revenir lors des questions des parlementaires. « Mais je voudrais partager, au fond, quelques convictions essentielles qui nourrissent notre agenda commun et notre action commune », a-t-il précisé.
« Cette Europe dont je viens de parler repose sur trois grandes promesses. Une promesse de démocratie, qui est née sur notre continent, qui a été réinventé et refondé sur notre continent et revivifié ces 70 dernières années. Une promesse de progrès partagée par tous, et une promesse de paix » annonçant ainsi le plan d’un discours un brin pessimiste dans lequel il a évoqué à de nombreuses reprises « le retour du tragique dans l’Histoire », les défis qui attendent l’Europe et les dangers qui menacent la construction européenne et ses promesses.
Promesse de démocratie
« La présidence française sera une présidence de promotion des valeurs qui nous font et qui à force d’être considérées comme des acquis ont fini, ces dernières années, par se fragiliser. Nous sommes cette génération qui redécouvre la précarité de l’État de droit et des valeurs démocratiques » a prévenu le tout nouveau président du conseil de l’Union européenne qui souhaite mener le combat pour sauvegarder la Démocratie libérale, l’État de droit et la culture européenne.
« D’abord, la démocratie libérale au sens politique du terme. Ces dernières années, on disait ce régime que l’Europe a inventé, devenu fatigué, incapable de faire face aux grands défis du siècle. Cependant, je veux ici dire combien ces derniers mois l’ont montré, la gestion de la pandémie par les démocraties, avec du débat parlementaire, avec une presse libre, avec des systèmes de recherche et des systèmes académiques libres et ouverts, a conduit à des décisions beaucoup plus protectrices des vies et des économies que celles des régimes autoritaires », s’est-il félicité avant d’annoncer les combats qu’il allait mener pour préserver cette démocratie libérale : « Combat pour défendre nos processus électoraux des tentatives d’ingérence étrangère, combat pour continuer de faire progresser la souveraineté des peuples ». Il a même fait une grande annonce : « À cet égard, nous aurons des travaux qui d’ici au printemps, continueront de progresser dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe. Et si, elle en fait la recommandation, la présidence française portera avec l’Allemagne, le droit d’initiative législative pour votre parlement » a-t-il lancé sous les applaudissements des parlementaires tout heureux d’apprendre une éventuelle extension de leurs prérogatives.
Il a ensuite annoncé vouloir combattre pour défendre l’État de droit. « Des voix s’élèvent aujourd’hui pour revenir sur nos grands textes fondamentaux qui ont pourtant été décidés souverainement par les états membres, lors de leur adhésion », a-t-il accusé avant d’ajouter : « La fin de l’État de droit c’est le règne de l’arbitraire, la fin de l’État de droit, c’est le signe du retour aux régimes autoritaires, aux bégaiements de notre Histoire. Oui, derrière tout cela, il y a un combat idéologique, ce combat est d’ailleurs porté par plusieurs puissances autoritaires, à nos frontières et il revient chez plusieurs de nos pays. Nous voyons cette révolution à l’œuvre, qui vient saper les fondements mêmes de notre Histoire ». Pour défendre l’État de droit, Emmanuel Macron a une idée bien précise et il a fait une nouvelle annonce : « 20 ans après la proclamation de notre Charte des droits fondamentaux, qui a consacré notamment l’abolition de la peine de mort partout dans l’union, je souhaite que nous puissions actualiser cette charte, notamment pour être plus explicite sur la protection de l’environnement ou la reconnaissance du droit à l’avortement ». Il a ensuite vanté les mérites de la solidarité qui a permis à « l’Europe, de sauver des vies, de protéger des emplois, qui nous a permis de disposer d’un vaccin » et il entend renforcer cette solidarité en réduisant « les inégalités salariales entre femmes et hommes », en créant «des nouveaux droits pour les travailleurs des plateformes de travail numérique », en introduisant « des quotas de femmes, dans les conseils d’administration des entreprises », bref en luttant « contre toutes les discriminations ».
Emmanuel Macron est ensuite revenu sur le socle commun qui fait la culture européenne et son art de vivre : « cet art d’être au monde qui fait partie de notre singularité avec tant de différences. Mais nous sommes de la Grèce antique à l’Empire romain, du christianisme à la Renaissance et aux Lumières, les héritiers d’une façon singulière d’envisager l’aventure humaine. Je souhaite à cet égard que nous puissions continuer ensemble de promouvoir cette civilisation européenne faite d’universalisme, de culture respectée, et d’un projet commun, respectueux des singularités et des identités de chacun. C’est pourquoi nous avons proposé de rassembler nos meilleurs historiens, nos plus grands intellectuels, pour précisément bâtir ensemble le legs de cette histoire commune d’où nous venons ».
Promesse de Progrès
Le président de la République française est ensuite revenu sur sa conviction que le projet européen est consubstantiel à la promesse de progrès. « L’Europe ne s’est jamais pensée dans la seule préservation, dans le confort du statu quo. Nous sommes bâtis dans une volonté de construire la croissance économique, un modèle d’avenir avec la possibilité offerte à nos classes populaires et à nos classes moyennes de pouvoir tirer tous les bénéfices de ce progrès » a-t-il affirmé avant d’évoquer les grands défis que doit relever l’Europe : la question climatique, la révolution numérique et la sécurité.
Concernant le défi de la question climatique Emmanuel Macron, c’est toutefois félicité de la réussite de la COP 21 qui a eu lieu en 2015 en France. « L’Europe est le continent qui, avec l’objectif de neutralité carbone en 2050, s’est donné la première, les objectifs les plus ambitieux de la planète » a rassuré le président. « Désormais, nous avons à passer de l’intention aux actes. Transformer nos industries, investir dans les technologies du futur qu’il s’agisse des batteries ou de l’hydrogène. La Commission a fait des propositions fortes et nous aurons maintenant à mettre en œuvre ensemble, dans les prochaines semaines, nombre d’entre elles. Il faut inciter tous les acteurs, chez nous et partout dans le monde, à répondre à l’exigence écologique », a-t-il ajouté.
« Le second défi du siècle, c’est celui de la révolution numérique », a continué le président pour qui les enjeux en la matière sont de : « bâtir un véritable marché unique du numérique permettant de créer des champions européens » et « d’encadrer les acteurs du numérique, pour précisément préserver cet esprit des lumières, c’est-à-dire protéger nos droits, nos libertés, le respect de nos vies privées ».
Emmanuel Macron a ensuite abordé un troisième défi : « celui de nos sécurités. Cette promesse de progrès, d’avenir, ne vaut que si, face aux désordres géopolitiques, à la menace terroriste, aux attaques cyber, l’immigration irrégulière, à ces grands temps de bouleversements, nous savons apporter une réponse ». Pour cela il souhaite « retrouver la maîtrise des frontières et de notre espace ». Il a ensuite évoqué la question de la Défense. « Il nous faut une puissance d’anticipation qui organise la sécurité de notre environnement. Des avancées considérables, inédites dans notre Histoire, ont eu lieu ces dernières années », explique-t-il, faisant peut-être référence à la technologie quantique.
Promesse de paix
« Notre Europe aujourd’hui est confrontée à une escalade des tensions, en particulier dans notre voisinage, à un dérèglement du monde, à un retour, je le disais tout à l’heure, du tragique de la guerre. Or, notre modèle, qui déborde de nos frontières et cultive dans la tradition de nos pères fondateurs une vocation universelle, a aujourd’hui une responsabilité qui est de repenser quelques-unes de ces politiques de voisinage, et de repenser cette place dans le monde pour bâtir une véritable puissance d’équilibre, car je crois que c’est la vocation de notre Europe » affirme Emmanuel Macron avant d’évoquer les grands axes d’une sorte de politique extérieure ayant comme priorités de « proposer une nouvelle alliance au continent africain », d’arrêter de tourner le dos aux « Balkans occidentaux », et de retrouver « le chemin de la confiance » avec le Royaume-Uni.
Le néoprésident du conseil de l’Union européenne a ensuite évoqué le sujet brulant des tensions avec la Russie et a fait référence à l’Europe de la Défense. « La sécurité de notre continent nécessite un réarmement stratégique de notre Europe comme puissance de paix et d’équilibre, en particulier dans le dialogue avec la Russie », a-t-il précisé avant d’ajouter : « Nous continuerons avec l’Allemagne, dans le cadre du format Normandie, à rechercher une solution politique au conflit en Ukraine, qui reste le fait générateur des tensions actuelles. Et votre soutien collectif est nécessaire pour appuyer nos efforts ».
Lors de son discours au parlement européen, Emmanuel Macron a placé la présidence française sous le signe du régalien. Il a déclamé un discours volontariste, annoncé un agenda chargé au cours duquel il va s’attaquer à de nombreux chantiers et tenu un discours ferme.
Lors des questions des parlementaires, un député polonais revanchard lui a assené un : «On est pas la Chine » assez fleuri. Les députés français qui ne faisaient pas partie de la République en marche l’ont quasiment systématiquement accusé de se servir de cette présidence européenne pour sa campagne électorale, mais beaucoup de députés européens ont regretté ces polémiques et on fait appel à l’unité dans une période de tensions géopolitiques préoccupantes.