La Présidence Française de l’Union Européenne (PFUE), intervient au moment où de nombreuses lois sur le numérique sont votées dans le cadre de la Boussole 2030 pour la transformation numérique de l’Europe. La France pèse de tout son poids dans ces réformes.
La Commission Supérieur du Numérique et des Postes a organisé le jeudi 20 janvier, le lendemain du discours d’Emmanuel Macron au parlement européen annonçant l’agenda de la Présidence Francaise de l’Union européenne (PFUE), une visioconférence intitulée : « Les priorités de la Présidence française de l’Union européenne dans le domaine du numérique : quels enjeux pour nos concitoyens et nos entreprises ? ». « Hier, le président de la République a indiqué lors de son discours, que la question numérique était le second enjeu derrière la question écologique », a commencé Mireille Clapot, la présidente de la Commission supérieure du numérique et des postes, avant de présenter les intervenants prestigieux qui allaient participer à cette visioconférence. À savoir Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, et Thibeau Kleiner, député européen, chef de cabinet de Günter H. Oettinger, commissaire européen à l’économie digitale et sociale qui a remplacé Thierry Breton, commissaire européen qui devait participer à cet évènement, mais qui a été retenu à la Commission européenne. Lors de cette visioconférence, ils sont revenus sur les enjeux de cette présidence française, à l’heure où de nombreuses lois portant sur le numérique sont votées ou sont sur la table des négociations.
« Parmi les 8 plus grandes entreprises mondiales, 6 sont issus de la « Tech » et aucune n’est européenne. L’Europe a raté ce tournant. Cela a des conséquences économiques, mais cela a également des conséquences sur la souveraineté. Tous les outils que nous utilisons sont anglo-saxons, cela ne veut pas dire qu’il faut tomber dans le protectionnisme, mais il faut au moins faire en sorte de trouver les outils pour qu’un utilisateur français qui utilise un Cloud, par exemple américain soit sécurisé», a déclaré Cédric O.
Thibeau Kleiner a quant à lui cité Napoléon : « Fort bien, mais a-t-il de la chance ? » disait l’Empereur. « On peut dire que la France et Cédric O ont de la chance, l’occasion de marquer l’Histoire. Cette présidence intervient au moment où vont être signés des textes législatifs pionniers. La présidence de la France arrive à un moment charnière du numérique. Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, parle de la décennie du numérique. L’Union a lancé sa stratégie numérique pour 2030. Cette présidence française est l’occasion de donner corps à cette stratégie numérique», a expliqué le député européen.
La boussole européenne des objectifs numériques pour 2030
Le 9 mars 2021, la Commission européenne a en effet présenté une vision et des pistes pour la transformation numérique de l’Europe d’ici à 2030. Cette boussole numérique pour la transformation numérique de l’UE repose sur quatre points cardinaux et s’appuie sur le Programme Europe Numérique qui représente environ 20% des 500 milliards du Plan de Relance Européen.
Le premier de ses points est celui de la compétence : « Nous voulons 20 millions d’experts digitaux », a commenté Thibeau Kleiner. « Les Américains savent attirer ces talents, nous devons faire de même », a affirmé quant à lui Cédric O. L’Union européenne souhaite d’ailleurs une convergence vers la parité hommes-femmes. Elle souhaite également développer les compétences numériques de la population de l’Union européenne, avec l’objectif que 80% de sa population maîtrise les bases du numérique d’ici à 2030.
Il y a également l’axe des infrastructures numériques sûres et durables. « Des gigabits pour tous » avec la 5G partout. L’Union européenne désire aussi doubler sa part dans la production mondiale de semi-conducteurs. Elle souhaite également la création d’un cloud européen et a lancé le programme Edge Cloud pour y parvenir. Enfin, elle ambitionne de développer un ordinateur avec accélération quantique.
« L’innovation c’est aussi du capital, il nous faut faire en sorte que la puissance publique puisse investir, mais il faut aussi faire en sorte que les startups européennes puissent bénéficier de capital privé », a ajouté Cédric O, évoquant ainsi le troisième point cardinal de la boussole européenne du numérique : la transformation numérique des entreprises. L’objectif étant de doubler le nombre de licornes européennes. L’Union européenne souhaite également que 75% des Grandes Entreprises de l’UE adoptent les technologies de pointe telles que le Cloud, l’Intelligence artificielle et les métadonnées et que plus de 90% des PME parviennent au moins à un niveau élémentaire d’intensité numérique.
Le dernier point de cette boussole est la numérisation des services publics de ses États membres. À l’horizon 2030, 100% des services clés devront être des services en ligne, 100% des citoyens auront accès à leurs dossiers médicaux en ligne et 80% des citoyens utiliseront l’identification numérique.
Un cadre de principes numériques qui contribue à promouvoir et à défendre les valeurs de l’UE dans l’espace numérique est également en cours d’élaboration
« En plus du défi économique, il y a le défi de la régulation. Il y a un modèle européen qui n’est pas le même que celui des autres puissances. Le tableau l’origine du monde n’aurait pas été interdit dans un cadre européen par exemple. L’agenda européen en matière numérique est extrêmement riche. Il permet de dessiner un modèle qui promeut la souveraineté européenne dans le respect des valeurs européennes », a précisé Cédric O au cours de la visioconférence.
« À la base, le numérique était assez libertaire, mais se sont développés des fake news, la cybercriminalité et les discours de haine, et l’Europe s’attache à définir un espace européen du numérique », a-t-il continué.
Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) définit déjà un cadre de protection des données dans l’Union européenne, mais de nouveaux textes vont venir définir un nouveau cadre de principes numérique dans l’Union. Des textes sur la convergence des données, sur la cybercriminalité ou sur la régulation de l’Intelligence artificielle sont déjà sur la table. « Un acte est prévu pour dresser les risques et développer l’IA. Nous travaillons sur la création d’un double de la terre par l’IA afin de modéliser le changement climatique », a détaillé Thibeau Kleiner. Le Digital Market Act (DMA), un texte de régulation économique, dont Cédric O et Thierry Breton sont les instigateurs a déjà été voté. Le Digital Services Act (DSA), le règlement sur les services numériques, qui entend réguler le cadre économique des acteurs d’Internet et qui compte imposer la transparence aux GAFAMS sur la modération et les algorithmes, a été voté le jour même de cette visioconférence. « Tout ce qui est interdit dans la vie courante le sera désormais également en ligne », a déclaré, à propos du DSA, Thierry Breton à RTL, le 20 janvier.
Les enjeux en matière de libertés fondamentales
Suite à cette visioconférence, une table ronde « les attentes de la société civile et du numérique sont-elles compatibles ? », a été organisée. Répondant à cette question, Arthur Messaud de la Quadrature du Net, une association de défense et de promotion des droits et libertés sur Internet a évoqué les enjeux pour les libertés fondamentales qui sont liés à ces nouveaux textes. « Ce qui nous inquiète? C’est que comme la loi nationale, ces nouvelles lois ne soient pas appliquées. Le RGPD est un texte complet sur le plan théorique, mais il ne protège pas les citoyens. Au niveau des GAFFAMS, il n’y a eu aucune avancée significatives, aucune pression sur l’Irlande. On va nous parler de DSA ou de DMA, sans savoir si cela va être appliqué. On a un texte qui va avoir des applications très faibles. La charte des droits fondamentaux des libertés individuelles est également très complète, mais elle n’est pas respectée non plus », a indiqué le juriste.
Mardi 25 janvier, Cédric O présentait les priorités numériques de la Présidence Française de l’Union Européenne devant la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs. Le jour même, Thierry Breton rencontrait le Général Michel Friedling, commandant de l’Espace de l’Union européenne, pour parler du rôle des infrastructures spatiales dans la Défense européenne dans le cadre de la boussole 2030 et déjeunait avec le vice-chancelier allemand. Au menu : transition verte et numérique. Une chose est sûre, les Français font feu de tout bois et son bien décidés à profiter de cette présidence pour marquer de leur empreinte, la transformation numérique de l’Europe.