Mardi 15 février, l’ADAN (Association pour le Développement des Actifs Numériques) a dévoilé à Bercy une étude nationale sur la crypto en France. Elle montre que les Français ont adopté les cryptomonnaies. Cédric O, le secrétaire d’État chargé du numérique, qui était présent à cet évènement, semble conquis lui aussi.
Mardi 15 février, l’ADAN (Association pour le Développement des Actifs Numériques) a dévoilé une étude intitulée : « La crypto en France : structuration du secteur et adoption par le grand public » lors d’une conférence organisée à Bercy, siège du ministère de l’Économie et des Finances. Cette association, qui représente les entreprises françaises des actifs numériques et des technologies blockchains, avait commandité une enquête auprès de KPMG France, société leader dans le domaine de l’audit, du conseil et de l’expertise comptable, qui s’est appuyée sur le savoir-faire de l’Institut de sondage IPSOS France. Cette étude propose un état des lieux du secteur crypto en France, du niveau d’adoption au sein de la population adulte, et émet des projections quant aux opportunités économiques associées au développement de cette Industrie. « Alors que ce secteur est en développement rapide, il est essentiel que les décideurs publics et les entreprises saisissent l’enjeu d’ériger la France comme la future place forte des cryptos », indique le site Internet de l’ADAN. Un message reçu cinq sur cinq par Cédric O, le secrétaire d’État chargé du Numérique qui est intervenu à la fin de la présentation.
2021, un contexte de démocratisation des cryptos monnaies
« Cette étude nous a été commanditée par l’ADAN dans un contexte de démocratisation des cryptos et de leur sortie de leur marché de niche. À cet égard 2021 a été une année particulièrement riche, c’est un marché que l’on ne peut plus ignorer. Il y a d’abord eu, l’année dernière, un évènement historique : l’adoption par le Salvador, comme monnaie légale pour la première fois dans l’Histoire. C’est une adoption qui est encore trop récente pour en tirer des conclusions définitives, mais qui a déjà ancré dans les esprits que c’était faisable. De la même façon que lorsque Facebook avait lancé son consortium en 2019 avec Libra, qui est devenu Diem (un projet de cryptomonnaie stable NDLR), cela avait ancré dans les esprits que le sujet monétaire était revenu sur le devant de la scène. Plus récemment, sur le même sujet de Bitcoin comme monnaie, il y a la Russie qui s’est aussi positionnée en faveur de l’autorisation du bitcoin comme monnaie étrangère », a déclaré Alexandre Stachtchenko, directeur Blockchain et crypto de KPMG.
« Au niveau des entreprises, l’année 2021 a été également particulièrement dynamique. Surtout aux États-unis où la Wells Fargo, un acteur que l’on ne peut pas taxer de crypto béatitude, a parlé d’un point d’inflexion avec l’introduction en bourse de Coinbase, qui a surpris les acteurs économiques et les professions financières en général. Dans la mesure où un secteur, qui était considéré comme un secteur de niche par certains, a prouvé qu’il pouvait créer un géant qui dépasse toutes les banques européennes sur certaines variables, comme la valorisation, le nombre de clients. Ajoutons à cela les nombreuses entreprises qui se sont ajoutées à la demande de crypto en général, que ce soit pour leur gestion de trésorerie, ou pour leurs paiements, et maintenant tous les groupes français commencent à s’intéresser à ce sujet », a-t-il ajouté.
« Du côté des particuliers, on avait des chiffres, notamment d’adoption, qui nous provenaient de l’étranger. On entendait que 13 % d’Américains possédaient de la crypto, 17 % de Russes, plus de 20 % dans des pays comme le Nigéria ou la Thaïlande, et il était important de mesurer l’appétence des Français pour la crypto en France. Ce qu’a montré l’année 2021, c’est qu’on a autour des cryptos des enjeux politiques, géopolitiques, financiers, monétaires, technologiques et économiques », a conclu le directeur Blockchain et crypto de KPMG.
L’adoption des cryptos monnaies par le grand public
Dans cette étude on apprend tout d’abord que 77 % de français ont déjà entendu parler des cryptomonnaies et que 8 % des français adultes ont déjà investi dans les cryptos, alors qu’ils ne sont que 6.7 % à avoir investi dans les actions propres. 37 % des français envisagent d’investir dans ces monnaies. Parmi eux, 50 % envisagent de concrétiser cette intention d’achat en 2022. 46,7 % des français n’investissent pas dans les cryptomonnaies car ils ne les connaissent pas.
En ce qui concerne le profil des détenteurs de crypto, on peut noter une surreprésentation des hommes qui représentent 60 % des détenteurs de cryptomonnaies ainsi qu’une surreprésentation des jeunes. Un français sur huit de moins de 35 ans possède déjà des cryptos (12 %). La moyenne d’âge du détenteur de cryptomonnaies est de 41 ans, alors qu’à titre comparatif, elle est de 49 ans pour les détenteurs d’actions propres.
Par ailleurs 37 % des investisseurs ont un revenu inférieur à 18 000 euros par an contre 25 % dans la société française. Cependant les CSP+ sont largement représentées (46 % contre 29 % dans la société) et les diplômes supérieurs longs également, puisque les Bacs +3 représentent 34 % des détenteurs alors qu’ils ne sont que 27 % dans la société.
On peut noter une légère surreprésentation de la région parisienne ( 24 % alors que cette population représente 19 % de la population) et des grandes villes (55 % pour une population qui représente 47 % de la société française) par rapport aux territoires ruraux (11 % alors que cette population représente 22 % de la population hexagonale ). Cette tendance s’estompe toutefois chez ceux qui envisagent d’investir dans un futur proche (20 % pour la région parisienne, 51 % pour les grandes villes, 18 % pour les communes rurales).
Les cryptomonnaies préférées des Français sont le bitcoin (49 %), l’éther (29 %) et le bitcoin cash (28 %). Pour ceux qui souhaitent investir, le bitcoin continue de jouer son rôle de locomotive du secteur, en atteignant 69 % des intentions.
Les enjeux pour les décideurs et pour l’industrie financière
L’ADAN s’intéressait également à l’impact du comportement des Français vis-à-vis des cryptomonnaies sur les intermédiaires bancaires et financiers, ainsi que sur les décideurs, notamment sur les candidats à l’élection présidentielle de 2022.
Concernant l’impact sur les acteurs bancaires et financiers, l’étude montre que 37 % des Français se disent intéressés à ce que leur banque leur propose de placer une partie de leur épargne en crypto. 63 % des Français se déclarent hostiles au principe de Monnaie numérique de Banque centrale.
Enfin, concernant l’impact sur les élus, les décideurs politiques, un français sur cinq déclare que le sujet des cryptos influencera sa décision lors des prochaines élections présidentielles.
En plus de cette étude, l’ADAN a d’ailleurs présenté un manifeste avec 20 propositions aux candidats à l‘élection présidentielle.
« En tant que leader mondial de notre technologie dans notre secteur, notre président a invité les candidats à l’élection présidentielle à discuter avec lui. Nous avons déjà l’engagement de Gaspoard Koening, Eric Zemmour, Valéry Pécresse, Jean-Luc Mélenchon, nous avons également invité Cédric O, et nous avons des contacts avec Anne hidalgo », a indiqué Jean-Michel Paillon, Chief of stage chez Ledger, le leader mondial pour les systèmes de cybersécurité pour les cryptos actifs, qui est par ailleurs une entreprise partenaire de l’ADAN.
Hasard du calendrier, Eric Zemmour a d’ailleurs présenté son programme numérique le même jour que cette conférence. Parmi ces propositions, il souhaite « accélérer les investissements dans la Blockchain et le Web3, tout en créant un environnement favorable à la détention et la création de crypto actifs ».
Elle reste considérée comme un actif risqué, qui inspire la prudence. 76 % des détenteurs ont en effet dédié moins de 10 % de leur épargne, même si 7 % des détenteurs investissent plus de 50 % de leur épargne.
La structuration de l’Industrie
L’écosystème des entreprises de la crypto monnaie en France compte 600 entreprises de tailles très disparates. Ce tissu compte en effet 2 licornes, mais surtout beaucoup de petites structures qui ont besoin d’accompagnement.
Le secteur emploie environ 1200 personnes, dont 85 % en France, et il pourrait employer 2500 personnes à la fin de l’année. Il pourrait être à l’origine de plus de 100 000 emplois directs d’ici à 2030. Mais les entreprises peinent à recruter des personnes compétentes et souffrent dans ce domaine de la concurrence internationale. 97 % des entreprises déclarent avoir des postes ouverts et 83 % des entreprises dénoncent une forte difficulté à trouver des candidats adéquats. Il y a également une sous-représentation des femmes.
La principale difficulté rencontrée par les grandes entreprises ( un panel de 30 entreprises sélectionnées par KPMG et IPSOS) que compte ce secteur est l’accès aux services bancaires et financiers. 70 % d’entre elles révèlent avoir eu de telles difficultés. 55 % déclarent avoir du mal à trouver des produits d’assurance adaptés à leur activité.
Elles considèrent que le PSAN, la réglementation française encadrant les cryptos, permet de rassurer les partenaires et les clients, mais peut représenter un frein à la compétitivité internationale.
Elles trouvent également que l’accès aux financements publics et privés est jalonné de nombreux obstacles, et présente une certaine marge d’amélioration.
Enfin, ces entreprises témoignent que l’image négative attribuée aux cryptos rend difficile le développement de leurs activités.
« Notre volonté en matière de numérique et d’innovation, c’est d’être les meilleurs au monde » Cédric O
« Dans la discussion entre les pouvoirs publics et la crypto, il y a une dialectique qui me semble normale. Le rythme de la rupture technologique qui s’accélère pose une exigence à l’administration qui rend les choses compliquées », a indiqué Cédric O, le secrétaire d’État chargé du numérique qui est intervenu à la fin de la présentation de cette étude.
« La question des cryptos n’est pas déconnectée de ce que nous voulons faire avec la French Tech (…) Nous voulons avoir des champions. C’est vrai dans le numérique, c’est vrai dans la crypto. Nous avons 2 licornes dans la crypto et nous en voulons beaucoup plus. La question de la convergence entre les cryptos et le métavers va déterminer l’économie à venir », a-t-il ajouté.
« Notre volonté en matière de numérique et d’innovation, c’est d’être les meilleurs dans le monde. Est-ce qu’à court terme on peut tout abandonner, à commencer par la réputation de la place de Paris… Évidemment, non. Il faut qu’on soit dans cette tension, entre cette ambition et la nécessité de délibérer sur le court terme », a-t-il conclu. Cette étude montre que les Français ont adopté les cryptomonnaies et leur gouvernement semble conquis lui aussi.
« En janvier 2017 la capitalisation total des cryptos était de 20 milliards de dollars. L’année dernière, on a atteint deux pics de 2500 et 3000 milliards de dollars de capitalisation et on est en ce moment à 2300 milliards. C’est un marché qui est la 2e capitalisation mondiale dernière Apple et juste devant Saudi Aramco. On ne peut plus être négligé (…) La convergence de la finance traditionnelle et celui de la crypto finance, qui pourrait représenter 8 à 10 % de la finance traditionnelle d’ici 5 à 7 ans, pourrait porter cette capitalisation à 30 000 milliards de dollars », a indiqué Nicolas Louvet, le PDG de Coinhouse, une entreprise prestataire de services sur les actifs numériques, qui est également un des partenaires de l’ADAN, présent à l’évènement. Les enjeux sont colossaux et la France entend bien être un futur leader dans ce secteur, comme dans les autres secteurs du numérique.