Dans la nuit du 23 au 24 février, Vladimir Poutine a annoncé le lancement d’une « opération militaire spéciale » en Ukraine. La stratégie russe vise à bombarder les infrastructures militaires ukrainiennes en priorité. Cette opération semble pour Vladimir Poutine « spéciale » à plus d’un titre.
L’escalade militaire en Ukraine tant redoutée est en cours. La Maison-Blanche devait avoir des informations assez précises puisque le 23 février, elle a publié un communiqué dans lequel le président Joe Biden s’exprimait. « Le président Poutine a choisi de lancer une guerre préméditée qui entrainera des souffrances et des pertes humaines catastrophiques. La Russie, seule, est responsable des morts et des destructions que cette attaque provoquera, les États-Unis, leurs alliés et partenaires répondront de manière unie et décisive. Le monde demandera des comptes à la Russie », déclarait le président américain.
Le 24 février à 5h40, heure de Moscou, Vladimir Poutine a pris la parole sur la télévision russe. « J’ai pris la décision de mener une opération militaire spéciale », a-t-il officialisé avant de passer aux actes. Suite à cette intervention, des bombardements ont eu lieu dans toute l’Ukraine, mais les frappes semblent ciblées. D’après le ministère de la Défense russe : « des attaques sont menées avec des armes de haute précision dans le but de détruire l’infrastructure militaire de l’Ukraine et ses systèmes de défense aérienne ».
Le ressentiment russe
« Mon objectif est de protéger les personnes qui, depuis 8 ans, souffrent de brutalité et de génocide de la part du régime de Kiev, pour cela nous chercherons à démilitariser et à dénazifier l’Ukraine et à traduire en justice ceux qui ont commis de nombreux crimes sanglants contre des civiles y compris des citoyens de la Fédération de Russie », a indiqué le président russe dans la matinée du 24 février avant de lancer les hostilités.
Dans son allocution télévisée du 21 février, lorsqu’il a annoncé reconnaitre l’indépendance des régions séparatistes ukrainiennes de Donetsk et Lougansk, Vladimir Poutine évoquait déjà de façon quasi paranoïaque « le soi-disant monde civilisé qui préfère fermer les yeux contre ce génocide, les 4 millions de personnes qui n’ont pas accepté le coup d’État financé par les États-Unis ».
Rappelons que Vladimir Poutine avait envahi la Crimée suite à la révolution pro-occidentale qui avait eu lieu en Ukraine en 2014 et qu’il accuse les Américains d’avoir financé les protestataires.
Il considère également l’élargissement de l’OTAN dans les pays de l’Europe de l’Est après le démantèlement de l’URSS comme un affront et une menace pour la sécurité de son pays.
Lors de son intervention télévisuelle du 21 février, il parlait également de la tragédie d’Odessa « où des personnes ont été brulées vives, on connait les coupables et on fera tout pour les punir », avait-il prévenu. Il n’est donc pas étonnant de voir que cette ville fasse partie des cibles de Vladimir Poutine. Depuis le 21 février, il annonce très clairement sa stratégie. Elle semble reposer sur la conviction qu’il doit délivrer ses frères ukrainiens du joug occidental de grès ou de force.
L’attachement particulier de Poutine à l’Ukraine
« Dans le même temps, nos plans n’incluent pas l’occupation des territoires Ukrainiens. Nous ne comptons rien imposer à personne. Je dois également m’adresser aux militaires des forces armées ukrainiennes : chers camarades, ce n’est pas pour que les néonazis d’aujourd’hui prennent le pouvoir en Ukraine que vos pères, grand-pères et arrière-grand-pères se sont battus contre les nazis, défendant notre patrie commune, vous avez prêté serment d’allégeance au peuple ukrainien et non à la junte hostile au peuple qui pille l’Ukraine et persécute ce même peuple. Ne suivez pas ces ordures criminelles, je vous exhorte à déposer les armes immédiatement et à rentrer chez vous », a-t-il indiqué dans la matinée du 24 février.
Vladimir Poutine a commencé son allocution du 21 février en disant : « je vais vous expliquer pourquoi c’est si important pour nous ». Pour lui, l’Ukraine moderne a été créée par les bolcheviques et il est important de rappeler que l’Histoire de l’Ukraine et de la Russie remonte bien avant la création du bloc soviétique. Pour saisir l’héritage commun des deux pays, il faut revenir à l’aube du premier millénaire, lorsque Kiev était la capitale du premier état slave : la Rus’ de Kiev qui a donné naissance à l’Ukraine et à la Russie. En l’an 988, Vladimir le Grand, prince païen de Novgorod et grand-prince de Kiev, s’est converti au christianisme orthodoxe et s’est fait baptiser dans la ville criméenne de Chersonèse. Dès lors, « Russes et Ukrainiens ne forment qu’un peuple, un tout uni », disait d’ailleurs Vladimir Poutine récemment.
Dans son allocution du 21 février, il avait également indiqué que les Ukrainiens « ne sont pas seulement des voisins, mais des membres de notre famille » et il faut prendre cette déclaration de façon littérale. En Russie, on a coutume de dire que Vladimir Poutine a des origines ukrainiennes comme beaucoup d’autres hauts dignitaires russes, même si une Géorgienne, Véra Putina affirme que Vladimir Poutine a été adopté et qu’il est son fils perdu.
Toujours est-il que Vladimir Poutine semble agir d’un point de vue occidentale de façon complètement irrationnel par rapport à l’Ukraine et c’est sans doute le cas, mais un lien historique fort unit la Russie à Kiev.
Les missiles hypersoniques russes
Cette invasion russe de l’Ukraine ravive le spectre de l’Anschluss, quand l’Allemagne avait annexé l’Autriche pendant la Deuxième Guerre mondiale. À l’époque si les alliés étaient intervenus tout de suite cela aurait évité des millions de pertes en vies humaines, mais l’Histoire n’est pas un éternel recommencement et les nazis ne disposaient pas des missiles hypersoniques que les Russes ont actuellement en leur possession.
Moscou dispose en effet de plusieurs types de missiles hypersoniques, les missiles Zircon jugés invisibles ou les missiles Avangard qui sont capables d’atteindre une vitesse de Mach 27 et de changer de direction face auxquels, les boucliers de défenses occidentaux seraient certainement inefficaces. Vladimir Poutine profite de cet avantage technologique pour montrer les muscles et envahir un pays sur lequel il fait une fixation.
« Quiconque tentera d’interférer avec nous, et plus encore de créer des menaces pour notre pays et notre peuple, doit savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et vous conduira à des conséquences telles que vous n’en avez jamais connu dans votre histoire », a-t-il menacé lors de son intervention télévisée du 24 février.
Il n’est pas certain que l’engrenage des sanctions dans lequel les pays occidentaux se sont engagés depuis l’invasion de la Crimée et les réactions presque unanimes de la communauté internationale (à l’exception de la Chine) permettront de faire entendre raison à Vladimir Poutine, tant il semble déterminé.