François Fillon qui fait partie du conseil d’administration de deux grands groupes russes est critiqué par une bonne partie de la classe politique française.
La Russie a longtemps été un eldorado pour les hommes politiques européens à la retraite. La voix avait été ouverte par Gerhard Schröder, qui avait rejoint Gazprom en 2006. l’Union européenne commençait à s’inquiéter du nombre croissant de recrutements d’anciens politiciens européens par les grands groupes russes, étatiques ou détenus par des oligarques proches de Vladimir Poutine et du risque d’ingérence étrangère que cela pouvait représenter.
Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, certains d’entre eux ont tout de même décidé de démissionner. C’est le cas de l’ancien chef du gouvernement italien Matteo Renzi qui siégeait au conseil d’administration de Delimobil, de l’ancien chef du gouvernement autrichien Christian Kern, qui faisait partie du conseil de surveillance des Chemins de fer russes ou d’Esko Aho, l’ancien Premier ministre finlandais, qui siégeait au conseil d’administration de l’une des principales banques russes, la Sberbank.
D’autres s’accrochent à leurs postes. C’est le cas de Gerhard Schröder qui semble s’être bien acclimaté à la vie en Russie puisqu’il est le président du conseil d’administration de Rosneft, le premier groupe pétrolier russe. Il est aussi membre du comité d’actionnaires de Nord Stream 2, le projet de gazoduc russo-allemand qui vient d’être gelé par l’Allemagne et il doit retourner en juin, au conseil de Gazprom. C’est également le cas de François Fillon qui a intégré le groupe pétrochimique Sibur, le 17 décembre dernier, en tant qu’administrateur indépendant, six mois après avoir rejoint la société pétrolière publique Zarubezhneft.
En siégeant au sein des conseils d’administration de ces entreprises, François Fillon côtoie des oligarques russes proches du pouvoir, mais également des anciens des services de renseignements
Le groupe Sibur, qui est un géant russe de la pétrochimie, est en effet dirigé par Leonid Mikhelson, l’un des hommes les plus riches de Russie, et Guennady Timchenko, un proche du président Poutine, qui a été visé par les récentes sanctions du Royaume-Uni. Selon Intelligence online : « Sergueï Loukitchev, l’un des directeurs généraux du groupe a longtemps opéré au sein de la 3e direction en charge du contre-espionnage militaire du FSB, le service de sécurité intérieure ».
En tant que membre du conseil d’administration de la société pétrolière Zarubezhneft, François Fillon a également siégé aux cotés de Evgueni Mourov, qui est toujours selon Intelligence online : « un ex-officier du KGB, spécialiste du contre-espionnage. Ce dernier fut pendant 16 ans le chef du FSO, le service de protection des hautes personnalités et des communications d’État en charge notamment d’assurer la sécurité du président russe ».
Cela explique les différentes critiques que Francois Fillon a pu subir
« Quand on est ancien Premier ministre, et j’ai du respect pour le Premier ministre qu’a été François Fillon, on se déshonore quand, dans des moments (…) comme celui-ci, on se met au service des intérêts financiers proches de l’État russe », avait par exemple lancé le 20 février dernier, Clément Beaune, le secrétaire d’État aux Affaires européennes sur le forum de Radio J, avant d’ajouter : « Les Républicains, c’est le parti de François Fillon qui est complice de M. Poutine ». Il avait ensuite demandé à Valérie Pécresse de « clarifier » sa position sur le sujet.
Cela lui avait valu les foudres de la candidate des Républicains qui avait annoncé mardi, sur le plateau de la matinale de France Inter : « François Fillon a appelé Emmanuel Macron pour s’étonner et s’indigner de ses propos et Emmanuel Macron a désavoué Monsieur Beaune ». Ce à quoi le secrétaire d’État avait répondu : « quand on est candidat à l’élection présidentielle, je pense qu’il y a un peu d’élégance républicaine (…) à ne pas faire état de discussions du président de la République ou d’anciens Premiers ministres si elles existent ». Valérie Pécresse a depuis indiqué que François Fillon « n’est pas dans l’équipe de campagne ».
« On a un ancien Premier ministre français, François Fillon, qui connait tous les secrets de la France, qui est aujourd’hui l’allié de Poutine (…) l’allié d’un dictateur qui engage la guerre en Europe (…) ça pose quand même un problème », a quant à lui déclaré, mercredi 23 février, Yannick Jadot sur LCI.
Le lendemain, le 24 février, François Fillon postait sur son compte twitter : « En 2014, j’ai regretté les conditions de l’annexion de la Crimée et aujourd’hui, je condamne l’usage de la force en Ukraine. Mais depuis dix ans, je mets en garde contre le refus des Occidentaux de prendre en compte les revendications russes sur l’expansion de l’OTAN. Cette attitude conduit aujourd’hui à une confrontation dangereuse qui aurait pu être évitée. La France a eu raison de multiplier les efforts pour trouver une solution diplomatique équilibrée et elle ne doit pas renoncer malgré cette bataille perdue. Il faudra tôt ou tard trouver les voies d’un accord, car nous vivons sur le même continent ».
Une prise de position qui n’a pas plu à Raphaël Glucksmann, qui a réagi le 25 février, sur le plateau de BFM-TV en disant : « François Fillon est un employé de Vladimir Poutine ».
Dans une tribune publiée le 25 février, dans le journal Le Monde, le vice-amiral Patrick Chevallereau a écrit : « Les ex-dirigeants européens au service d’entreprises russes contribuent à jeter un discrédit majeur sur la politique (…) Ils servent un régime qui menace nos valeurs et nos intérêts de sécurité».
Rappelons que l’Express affirmait le 20 janvier dernier, que François Fillon avait appelé Eric Zemmour lors de son jugement en appel pour contestation de crime contre l’Humanité. « Ils vont t’attaquer de toutes parts, ils vont te faire ce qu’ils m’ont fait », aurait dit l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy au candidat du parti Reconquête. Un appel démenti par François Fillon qui est actuellement dans le viseur des autorités britanniques et pourrait bientôt intégrer la liste des personnes sanctionnées aux côtés des oligarques russes.