L’accélérateur ACT et Unitaid ont organisé le 17 mars une visioconférence, portant sur l’accès à l’oxygène dans le contexte de Covid-19 et sur le bilan du groupe de travail d’urgence sur l’oxygène de l’accélérateur ACT.
Pour rappel, l’accélérateur ACT est un dispositif qui vise à mettre fin à la pandémie de Covid 19. Il a été lancé en avril 2020. C’est une collaboration mondiale inédite qui réunit des gouvernements, des scientifiques, des entreprises, la société civile, des organismes philanthropiques et des organisations mondiales œuvrant dans le domaine de la santé.
Unitaid est une organisation internationale d’achat de médicaments, chargée de centraliser les achats de traitements médicamenteux afin d’obtenir les meilleurs prix possibles, en particulier à destination des pays en développement. Unitaid est financée par une taxe de solidarité sur les billets d’avion adoptée par certains pays. Cet impôt a été proposé par les présidents français Jacques Chirac et brésilien Luiz Inacio Lulla da Silva, plus connu sous le nom de Lula. Unitaid a été créée en septembre 2006, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, pour lutter contre les pandémies qui font en moyenne 6 millions de morts par an dans le monde.
Pendant la pandémie de Covid-19, l’accélérateur ACT a créé un groupe de travail d’urgence sur l’oxygène. Il a organisé une visioconférence le 17 mars en partenariat avec Unitaid au cours de laquelle il a fait le bilan de son action.
« 75 % des personnes hospitalisées pour Covid peuvent survivre avec de l’oxygène »
Lors de cet évènement, Atul Gawande, l’administrateur adjoint pour la Santé mondiale d’USAID (United States Agency for International Development), l’agence du gouvernement des États-Unis chargée du développement économique et de l’assistance humanitaire dans le monde, qui est également membre du groupe de travail d’urgence de l’accélérateur ACT, est revenu sur le rôle de l’oxygène pendant la pandémie de Covid-19, mais pas que.
« Même avant le Covid 19, il était clair que l’accès à l’oxygène ne répondait pas aux besoins des systèmes de santé, en premier lieu, pour traiter la pneumonie infantile qui est le plus grand tueur infectieux d’enfants et d’adultes dans le monde », a indiqué l’administrateur adjoint d’USAID avant de préciser que « 20 % à 40 % des décès pourraient être évités par l’oxygénothérapie. »
« Nous sommes confrontés à une pénurie d’oxygène. La Tanzanie, la Sierra Leon, le Libéria et la Gambie n’ont jamais eu d’oxygène disponible pendant la pandémie. 33 % des pays en ont parfois et 21 % en ont toujours de disponible », a déclaré M. Gawande.
Selon lui, toutes « les personnes qui ont un Covid assez sévère pour finir à l’hôpital finissent par avoir besoin d’une oxygénothérapie » et « 75 % des personnes hospitalisées peuvent survivre uniquement avec de l’oxygène ».
La gestion de l’oxygène pendant la pandémie de Covid en Zambie
Le Professeur Lackson Kasonka, secrétaire permanent des services techniques du ministère de la Santé Zambien, est revenu sur la situation qu’a connu la Zambie en 2021.
« La Zambie a dû faire face à un nombre d’infections sans précédent dans le passé avec la vague de Covid. Cela a mis à rude épreuve le système de santé et augmenté soudainement le nombre d’hospitalisations et de morts depuis 2021. Il y a eu 315 496 cas confirmés l’année dernière. Avec 310 062 guérisons et près de 4000 morts », a-t-il affirmé.
« Nos besoins en oxygène au pic de l’épidémie, au mois de février, étaient de plus de 6000 cylindres toutes les 24 heures », a expliqué le secrétaire permanent du ministère de la Santé zambien. Selon lui, il manquait près de 4000 cylindres par jour pour prendre en charge les malades et « l’oxygène est devenu une priorité ».
Pour faire face à cette vague de patients, le ministère de la Santé zambien, épaulé par ses soutiens, a développé un Plan national stratégique d’oxygène médical 2022-2026. Des investissements ont été consentis et l’aide internationale est arrivée.
« Grâce à Unitaid, un accord a été signé pour mettre en place un réservoir d’oxygène liquide dans l’un de nos plus grands hôpitaux de ville et des centres de gestion des cas de Covid ont été créés », a précisé le professeur Lakson Kasonka. Le Fonds mondial et l’UNICEF ont également distribué des équipements de secours, des bouteilles d’oxygène, des oxymètres domestiques et de l’oxygénothérapie dans 83 établissements à travers le pays.
« La thérapie à l’oxygène est une capacité pas une marchandise »
« La thérapie à l’oxygène est une capacité pas une marchandise au centre de laquelle se trouve l’oxygène, mais elle dépend de la capacité d’un système de santé de gérer la chaîne d’approvisionnement, de gérer la formation de l’effectif », a affirmé Mike Ryan, le directeur exécutif du programme d’urgence de l’OMS.
Selon lui, la pandémie a permis de tirer des enseignements. « Nous avons appris comment fournir de l’oxygène d’une manière plus durable. Nous avons appris à construire et livrer ces chaînes d’approvisionnement », a-t-il affirmé.
« Si vous allez en Ukraine, les gens ont désespérément besoin d’oxygène. Nous en livrons, mais il n’y a pas d’électricité, pas d’énergie pour faire fonctionner les machines, pas de carburant pour les générateurs », a déclaré le Dr. Myke Ryan.
« Pas un mois ne s’est écoulé sans que certains pays, à revenu intermédiaire, ne connaissent des pénuries d’oxygène »
« Au cours des deux dernières années, pas un mois ne s’est écoulé sans que certains pays, à revenu intermédiaire, ne connaissent des pénuries d’oxygène », a indiqué Leith Greenslade, la coordinatrice d’« Every Breath Counts », une coalition d’acteurs publics et privés qui soutient les pays en développement pour réduire les pneumonies incluant la Covid-19.
Elle a évoqué la pénurie qui a eu lieu en juin au Pérou où les « Péruviens faisaient la queue pour remplir les bouteilles d’oxygène ». Mme Greenslade a également fait allusion à la situation au mois de mai en Inde : « 21 patients gisaient étouffant sur les parkings des hôpitaux et sur les sièges arrière des voitures de leurs familles ».
« Au moment où nous parlons, il y a des manques d’oxygène en Asie du Sud-Est, dans le Pacifique, et en Amérique centrale », a-t-elle continué.
Leith Greenslade a précisé que le groupe de travail d’urgence sur l’oxygène de l’accélérateur ACT a élaboré un système pour aider les pays en développement à prévenir les pénuries d’oxygène.
« Seuls quelques gouvernements ont financé cette opération. Principalement les États-Unis, mais aussi l’Allemagne, le Canada et la France, mais la plupart des nations ne sont pas intervenues », a dénoncé la coordinatrice d’« Every Breath Counts ».
Unitaid annonce un don de 56 millions de dollars
L’accélérateur ACT veut « créer un écosystème durable qui viendra soutenir les pays dont les systèmes de soins sont en difficulté », a confirmé Robert Matiru avant de préciser qu’actuellement « plus de 20 pays ont des besoins en oxygène ».
Au cours de cette visioconférence, M. Matiru a annoncé un don « de 56 millions de dollars de la part d’Unitaid » dont il est le directeur.
« Ce nouvel investissement ajouté à celui des États-Unis, annoncé par le président Joe Biden, ça ne fait pas plus de 100 millions. Ça ne représente que 10 % du milliard de Dollars dont nous avons besoin », a-t-il affirmé.
La France a également effectué un don de 50 millions d’euros à l’accélérateur ACT, mais cela ne suffit pas, même si ce dispositif a déjà réussi à lever 700 millions d’euros durant la pandémie.
Selon un plan stratégique et un budget annoncé à la fin de 2021, l’accélérateur ACT ambitionne en effet de recueillir 1 milliard de dollars, ce « qui n’est même pas le montant total nécessaire calculé pour une stratégie mondiale d’accès à l’oxygène », selon Robert Matiru.
« L’oxygène est un traitement avec un bon rendement qui sauve des vies. Notre appel ici n’est pas seulement pour le présent et pour cette pandémie, mais pour permettre aux donateurs de faire un pas en avant », a conclu le directeur d’Unitaid.
La pandémie de Covid-19 a mis en lumière le rôle primordial de l’oxygène dans les systèmes de santé. L’accélérateur ACT qui soutient la lutte contre la Covid-19 a pris le problème à bras le corps et entend bien trouver les financements nécessaires pour mettre au point une stratégie mondiale d’accès à l’oxygène, mais il lui reste du pain sur la planche.