Le vendredi 1er avril, le lendemain de la fin de la trêve hivernale, la Fondation Abbé Pierre a dévoilé son nouvel éclairage régional sur l’état du mal-logement en Auvergne-Rhône-Alpes. Elle est également revenue sur son action et le mal-logement pendant la crise sanitaire.
« Ce n’est pas à nos gouvernements de nous dire comment être solidaires. C’est à nous de leur montrer la société que nous voulons : ils comprendront », disait l’Abbé Pierre.
Fidèle à cette maxime, l’agence régionale Auvergne-Rhône-Alpes de la Fondation Abbé Pierre a fait le point, le vendredi 1er avril à la Commune, située dans le quartier de Gerland à Lyon, sur son activité en 2021. Elle est également revenue sur son action et sur le mal-logement pendant la crise sanitaire.
La Fondation Abbé Pierre a tout d’abord dévoilé son rapport sur le mal-logement dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. On apprend qu’en 2021, la Fondation Abbé Pierre a versé 125 000 euros d’aides de détresse pour soutenir 195 ménages précaires sur l’accès au logement (paiement de caution, achat d’équipement de première nécessité…) et sur le maintien dans le logement (résorption de dettes de loyer, fluides…) dans la Métropole de Lyon, le Rhône, l’Isère, la Drôme, l’Ardèche, l’Ain, et le Puy-de-Dôme. Elle a apporté une contribution financière de 1 916 592 euros en soutenant 94 projets dans la région Aura.
Dans ce rapport, la Fondation Abbé Pierre met en évidence les difficultés rencontrées par les ménages face au coût du logement dans le parc locatif privé en s’intéressant à deux territoires différents : la métropole de Lyon et celui du Sud-Ardèche.
Les ménages aidés sur la métropole de Lyon
Dans la métropole de Lyon, les ménages aidés subissent des taux d’effort (indicateur d’accessibilité au logement qui mesure le poids des dépenses de logement dans le revenu des ménages, NDLR) que la Fondation Abbé Pierre qualifie d’« insoutenables ». Il faut dire que la part du logement dans les dépenses de ces ménages atteint des pourcentages allant de 70 % à 96 %.
Les ménages concernés sont moins précaires qu’en 2007. La Fondation Abbé Pierre conclut que l’alourdissement du budget logement n’est pas dû à un appauvrissement des ménages concernés, mais bien à une augmentation des prix du logement privé dans la métropole lyonnaise.
Selon l’Insee, les prix à la vente ont augmenté d’environ 30 % entre 2007 et 2017 alors que le revenu médian n’a augmenté que de 17 %. Les loyers des ménages locataires du parc privé analysés ont augmenté en moyenne de 21 % entre 2007 et 2020, soit une hausse supérieure à celle de l’ensemble des loyers sur l’agglomération lyonnaise (+15 %).
Les reprises de logement se font pour des loyers deux fois plus élevés qu’en 2007 (393 euros de loyer mensuel moyen en 2007, 631 euros en 2020).
Les ménages aidés en Ardèche
L’agence régionale de la Fondation Abbé Pierre s’est également intéressée à quatre communes du sud de l’Ardèche (Beame Drobie, Gorges de l’Ardèche, Pays des Vans en Cévennes, Val de Ligne). Elle constate des situations de personnes plus isolées, voire en rupture avec les dispositifs institutionnels de soutien, avec un taux d’effort moins important (de 30 % à 50 %), mais un budget très serré du fait de petites ressources et de logements énergivores.
L’étude de ces deux territoires aux problématiques différentes met en exergue la question du coût du logement dans la métropole lyonnaise et de l’énergie dans le sud de l’Ardèche que les régulations comme l’encadrement des loyers à Lyon où à Villeurbanne peinent à solutionner.
La Fondation Abbé Pierre dénonce un manque de logements et la faiblesse de la production de logements abordables. « Depuis 2017, il y a une baisse des constructions de logements sociaux en France. En 2021, il y a eu un petit rebond avec la construction de 100 000 logements HLM. Nous estimons qu’il en faudrait 150 000. On en manque à Lyon, mais aussi dans des territoires moins tendus comme en Ardèche », explique Manuel Domergue, le directeur des études à la Fondation Abbé Pierre qui s’inquiète également de la lenteur des réhabilitations énergétiques et des aides insuffisantes. « Pour les ménages les plus modestes, le reste à charge est souvent de 40 %. Beaucoup restent donc en précarité énergétique », ajoute-t-il.
Le mal-logement pendant la crise sanitaire
Après avoir dévoilé son rapport, la Fondation Abbé Pierre a également présenté un partenariat avec le collectif de photographes ITEM qui a travaillé sur le projet Mal-Logés confinés, qui vise à rendre visible le quotidien de personnes mal logées et de mesurer l’impact des confinements sur leur situation. On découvre par exemple l’histoire de Khar. À Lyon, elle partage un ancien local commercial requalifié en logement de 32 m2 avec 8 membres de sa famille. Au début du confinement, elle se demandait où était Sonia, sa fille de 13 ans. Elle passait son temps dans les WC, le seul endroit où elle pouvait s’isoler pour faire ses devoirs.
« Il est de plus en plus difficile de raconter ces histoires. Ces personnes sont désabusées, elles nous disent : ‘À quoi bon témoigner’. Les journalistes ont mauvaise réputation. On paye le prix de certains médias aux titres tapageurs », témoigne Bertrand Gaudillère, qui a participé à ce projet.
Enfin la Fondation Abbé Pierre a abordé les actions menées en Auvergne-Rhône-Alpes lors de ces deux dernières années marquées par la crise sanitaire. Dès le mois de mars 2020, elle a répondu à l’urgence en distribuant sur l’ensemble du territoire des chèques-service et en mettant en place un fonds d’urgence. Deux ans plus tard, en Auvergne-Rhône-Alpes, plus de 17 000 personnes, dans 9 départements, ont été soutenues grâce à ce fonds d’urgence et 37 970 chèques-service ont été distribués aux ménages en difficulté financière. Au total, 900 000 euros ont été débloqués pour la région.
Cette présentation a été organisée le 1er avril, le lendemain de la fin de la trêve hivernale, jour où les expulsions locatives peuvent reprendre. « En 2019, il y a eu 16 700 expulsions locatives, en 2020, il y en a eu 8156 et en 2021, il y en a eu 12 000. Il n’y a pas eu beaucoup d’expulsions en 2020 et en 2021 du fait de la crise sanitaire. Il ne faudrait pas qu’il y ait un rattrapage en 2022 », commente Manuel Domergue. La Fondation Abbé Pierre redoute qu’il y ait jusqu’à 40 000 expulsions sur tout le territoire français cette année.