Emmanuel Macron a tenu son seul et unique meeting à la Defense Aréna de Nanterre, le 2 avril, à huit jours de l’élection présidentielle. Lors d’un show à l’américaine, il semblait en état de grâce.
Il n’a suffi à Emmanuel Macron que d’un seul meeting pour se maintenir au centre des débats. À huit jours du premier tour de l’élection présidentielle, le candidat à sa propre succession avait donné rendez-vous à ses soutiens et à ses partisans à la Défense Aréna de Nanterre pour un show à l’américaine qu’il a animé avec l’énergie d’un combattant. Il est descendu dans l’arène, traversant la foule tels un boxeur ou un combattant de MMA, mais il n’est pas entré dans l’octogone, il s’est placé au centre de l’hexagone, lors d’un meeting qui a réuni plus de 30 000 personnes et qui a été marqué par de nombreux temps forts.
Les huées du public à l’intention de Vladimir Poutine
Alors qu’il se disait « heureux d’être parmi vous aujourd’hui » et qu’il abordait les bombardements en Ukraine, il a mis fin aux huées qui s’élevaient de la salle. « La guerre en Ukraine, nous faisons tout, chaque jour, pour pouvoir l’arrêter, évidemment, nous la condamnons. Mais ici, quand nous sommes tous ensemble, nous ne sifflons pas, jamais. Parce que la démocratie ce sont des combats, historique parfois, comme ceux que nous menons, mais toujours avec le respect et l’exigence », a-t-il lancé à la foule.
« Nous sommes là dans la plus grande salle d’Europe pour dire que nul ne nous fera reculer, nous sommes là, dans ce moment marqué par la guerre, la gravité, pour rappeler que la France a toujours quelque chose à dire au monde. Nous sommes là pour affirmer que nous, français, n’en avons fini, ni a avec l’humanisme, ni avec les Lumières», a prévenu Emmanuel Macron.
La défense de son bilan
Il est ensuite revenu sur la campagne de 2017 lorsqu’il portait déjà un « projet d’émancipation » et est revenu sur les grands chantiers de son quinquennat.
Il s’est félicité du taux de chômage « qui est au plus bas depuis 15 ans » et a parlé de la réindustrialisation du pays. « Pour la première fois depuis 30 ans, s’ouvrent davantage d’usines qu’il ne s’en ferme », a affirmé le président de la République.
« Pour que le travail paye mieux et permette à chacun de vivre dignement, il fallait baisser les cotisations, l’impôt sur le revenu, supprimer la taxe d’habitation », a-t-il certifié.
Emmanuel Macron a mentionné l’augmentation « du pouvoir d’achat notamment pour les revenus les plus modestes », les mesures qu’il a prise « pour relever le défi du climat », la réduction des effectifs dans les « classes de CP, CE1 », l’augmentation du nombre « d’apprentis », la modification des lois et le renforcement des services de sécurité « pour lutter contre le terrorisme », pour assurer « la sécurité pour tous », le transfert des services de « l’État pour répondre à la crise des gilets jaunes » et son action « contre la crise sanitaire ».
Peu après, il a dressé le portrait de Français qui ont bénéficié de ces mesures. Un « jeune handicapé » qui a accédé à un « accompagnement », une « étudiante à qui l’on a délivré un Pass Culture », « une maman seule ayant recours au service alimentaire », « un couple de femmes qui grâce à la procréation assistée a pu avoir l’enfant dont elles rêvaient ».
Les priorités de son éventuel prochain quinquennat
Emmanuel Macron a réaffirmé que le travail était au cœur de son projet, promettant à l’été « une prime de 6000 euros pour les travailleurs », une augmentation de 550 euros du SMIC à l’année et la reconnaissance de la pénibilité pour les retraites.
Il a indiqué que « la santé mentale serait une priorité nationale », tout comme « la ruralité », la lutte contre les discriminations et la promotion de « l’égalité », ou la « sécurité », mais les grandes priorités de son éventuel deuxième quinquennat seront « l’égalité femme-homme », « la protection de l’enfance », « l’enseignement » et la « santé ».
Une salle éclairée en bleu aux couleurs de la sensibilisation à l’autisme
En parlant santé, il a abordé la question de l’autisme, ce qui a donné lieu à un nouveau temps fort, lorsque toute la salle s’est éclairée en bleu, en cette Journée mondiale de sensibilisation sur cette maladie. À l’issue de son meeting, il allait d’ailleurs poster un tweet faisant référence à cet évènement. « Nous développerons la prévention, nous avons déjà mis en place des diagnostiques pour repérer plus tôt », a déclaré Emmanuel Macron qui a eu une pensée pour « tous nos compatriotes qui sont touchés d’autisme et leur dire combien nous en sommes fiers ».
Le travail encore et toujours
Pour financer ces quatre grandes causes, le candidat à l’élection présidentielle a affirmé qu’il n’y avait pas « d’argent magique », qu’il n’allait pas « augmenter les impôts », qu’il n’y aurait pas de recours « à la dette » et qu’il allait falloir « travailler ». Pour cela, il a évoqué « la retraite à 65 ans », « l’objectif du plein emploi », a affirmé vouloir « donner plus de libertés à nos employeurs » et imposer « des heures de formations » aux « bénéficiaires du RSA ».
« Il n’y a pas d’état providence, s’il n’y a pas un état productif fort. S’il n’y a pas une France qui invente, qui produit, qui travaille, qui créait de la richesse pour pouvoir la redistribuer, on ne reprendra pas le contrôle de nos vies, du progrès », a-t-il indiqué avant d’ajouter : « nous le ferrons car la France est une nation solidaire, une nation humaine, une nation qui ne laisse personne au bord du chemin. Le travail au service du progrès, voilà ce qui nous tiens, voilà ce qui nous fait nation (…) L’humanisme au service du progrès, voilà pourquoi nous nous battons ».
Les pleurs d’une mère dont l’enfant a été poignardé
Un film a ensuite été diffusé dans lequel on découvrait le portrait de Français et de Françaises, y compris Nathalie, une mère dont le fils a été poignardé pendant une rixe, qui a demandé « aux jeunes de baisser (leurs) coteaux et dialoguer ». À l’issue de la projection, on la découvrait en larmes dans la salle.
Un meeting placé sous le signe de l’émotion
Ce meeting était placé sous le signe de l’émotion. Emmanuel Macron affirmait : « nous ne sommes plus les mêmes qu’en 2017 (…) après ses 5 années qui ont été cruelles pour nous tous, parmi les plus bouleversantes depuis un demi-siècle ».
Il est apparu apaisé, remerciant ses « compagnons de fortunes et d’infortunes », multipliant les clins d’œil à ses fidèles dans la salle, témoignant à sa famille sa « reconnaissance » et « son affection », allant même jusqu’à adresser un bisou à sa femme, Brigitte, « celle qui m’apporte le plus dans cette singulière aventure de vie ».
Le président de la République a insisté sur le fait qu’il ne pouvait plus être le même après avoir « enfermé tout un pays », « regarder dans les yeux les familles des militaires qui sont tombés », ou « enterrer Samuel Paty ». Le public s’est alors mis à chanter la Marseillaise.
« Non, nous sommes plus les mêmes face au retour de la guerre en Europe, aux martyrs de Marioupol, à ces femmes, à ces enfants ukrainiens qui laissant toute leur vie derrière elles, fuient les armes et attendent le cœur serré des nouvelles de leurs maris et de leurs pères et merci à nos communes de les accueillir sur notre sol, c’est notre devoir. Le monde de paix que nous avions fini par croire éternelle, le monde de marche en avant continue du progrès que nous avions fini par croire inébranlable, tout cela semble se défaire sous nos yeux », a continué Emmanuel Macron avant de faire allusion à la Covid, au dérèglement climatique, à celui du capitalisme, de la géopolitique, au « spectre d’un conflit armé globale », au dérèglement des « consciences » qui se manifeste par l’intégrisme religieux et le « complotisme ». Il a également évoqué la famine sans précédent qui menace la population mondiale.
Ses convictions européennes
Le candidat à l’élection présidentielle a également affirmer que « les crises sont des moments où ceux qui savent voire loin, font preuve d’optimisme, peuvent initier un changement d’époque et ce changement d’époque, il se fera par la France, par l’Europe», réaffirmant ainsi ses convictions européennes.
Il a parlé d’une Europe qui « a su vacciner sa population en un temps record, mettre en place un plan de relance historique », « peut s’immiscer dans le duopole États-Unis/Chine qui s’installe », « a inventé l’État providence pour encadrer le capitalisme, lutter contre les inégalités », qui « peut bâtir avec la rive sud de la Méditerrannée une nouvelle alliance d’investissement et de solidarité », est capable de réponde « à la crise alimentaire mondiale qui est en train de commencer », « réussir la neutralité carbone en 2050 », « protéger nos frontières », « nous protéger du retour des Empires ».
Il a également évoqué les « deux textes historiques » en matière de régulation de l’Internet que sont le DSA et le DMA, que la France porte lors de sa présidence à la tête de la Commission européenne.
Des envolées lyriques, voire spirituelles
Il a fait l’éloge de la devise de la République française et de la laïcité. « Nos valeurs sont les meilleures réponses aux grands défis du temps, elles sont profondément modernes, ce ne sont pas des acquis, elles doivent être défendues sans relâche » a philosophé Emmanuel Macron.
Son projet s’appuiera sur « la puissance militaire », « la puissance de l’écologie », « la puissance de l’innovation ». « Nous avons fait en quelques années de la France le pays des start-ups », s’est-il enorgueilli avant de faire allusion aux objets connectés, a l’ordinateur quantique dont la France est en train de se doter, aux avions zéro carbone, aux éoliennes…
Il a promis que « la France serait le premier grand pays a sortir des énergies fossiles », a affirmé que « le matérialisme est devenu une idéologie dominante », qu’il fallait « renouer avec cette part d’âme que comporte la nationalité française », «avec la spiritualité française », « car nos héros doivent nous guider dans ces temps troubles ».
Il a appelé à la générosité, à l’amour, au respect et à l’unité, indiquant que présider c’est « essayer d’œuvrer pour que nos compatriotes se rappellent pourquoi ils vivent ensemble ».
La menace de l’extrême droite
« La France est un bloc fait de tout un tas d’affluents, mais qui aspire à l’universel et on ne choisit pas, on la prend comme elle est », a soutenu le candidat à l’élection présidentielle. Il a souhaité bon courage à ceux qui prônent le grand rabougrissement », s’est offusqué des « auteurs antisémites sur les plateaux de télévision », mais a une nouvelle fois stoppé les huées qui venaient de la salle. « Ne les siffler pas, combattez les par les idées », a-t-il affirmé, conseillant d’opposer le « progrès » au « repli », le « patriotisme » au « nationalisme ».
Le candidat a l’élection présidentielle a toutefois fait preuve de prudence, déclarant que « toutes ces promesses n’étaient pas une certitude », qu’il ne fallait pas croire « les sondages ou les commentateurs qui seraient formelles, que l’élection est déjà joué » et qu’il ne voulait « ni d’arrogance, ni de défaitisme ».
Ce show à l’américaine s’est terminé, comme il se doit par un florilège d’embrassades, de rires et de larmes. Emmanuel Macron a l’air d’avoir changé, comme il l’affirme. Les épreuves et les rencontres avec Vladimir Poutine semblent l’avoir transformé, il parait apaisé, plus philosophe, en état de grâce. Est-ce de la poudre aux yeux ou une véritable transformation face à l’épreuve du feu ?