À Lyon, les mineurs isolés sont inquiets après l’incendie qui a eu lieu dans un squat, et avec la fermeture annoncée du Chemineur, un immeuble qui accueillait 55 d’entre eux. Une solution qui aurait pu être évitée si la présomption de minorité réclamée par le Collectif soutiens/migrants Croix-Rousse avait pu être appliquée.
À la Croix-Rousse, à Lyon, un vrai élan de solidarité à l’égard des jeunes migrants a vu le jour, depuis la réquisition à l’été 2018 du collège Maurice Scève pour abriter des mineurs isolés à la rue. Celui-ci avait été évacué en octobre 2020 à la suite de l’ouverture de la Station, un centre d’hébergement financé par la métropole de Lyon, qui avait permis de reloger une cinquantaine de mineures. Depuis, le Collectif soutiens/migrants Croix-Rousse reste mobilisé pour soutenir les mineurs non accompagnés (MNA). C’est un joyeux mélange de jeunes actifs, de retraités, qui se réunissent par conviction humanitaire ou politique pour aider ces jeunes qui se retrouvent loin de chez eux.
Ces derniers viennent d’Afrique de l’Ouest, de Guinée, de Côte d’Ivoire, de Gambie, du Mali ou bien du Tchad. Ils ont emprunté la route de la Méditerranée en passant par l’Algérie ou la Lybie où les conditions sont très difficiles.
Le Collectif soutiens/migrants Croix-Rousse connaît environ 200 jeunes mineures isolées, un chiffre stable alimenté par les nouvelles arrivées et amputé par les mises à l’abri. Il les orientent vers le Secours Populaire ou le collectif AMIE (Accueil des Mineures Isolés Étrangés) qui assure un suivi juridique et scolaire.


L’organisation de fortune des mineurs isolés remise en cause.
55 d’entre eux squattent le Chemineur, un immeuble qui appartient à ICF, la société immobilière des chemins de fer. « C’est pour ça qu’on l’a appelé comme ça, d’autant que nos petits chemineurs ont pas mal cheminé », affirme Margot du Collectif soutiens/migrants.
26 autres sont logés au Cafémineur, le bâtiment de la ville de Lyon reconverti en hébergement pour jeunes migrants, qui est situé à la Part-Dieu.
Pour accueillir les jeunes qui zonaient montée de la Grande Côte, la Ville a également ouvert la Marmitte, la salle municipale de la place Colbert.
Certains sont logés dans une maison de retraite municipale, rue Delœuvre, non loin du cimetière de la Croix-Rousse. La Ville avait réservé des chambres pour des étudiants, mais elle les a finalement poposées aux MNA.
D’autres ont été accueillis chez Gemma, un bâtiment appartenant au HCL situé place Chardonnet, qui a été rebaptisé ainsi en hommage à une militante anarchiste du quartier qui avait toujours soutenu les migrants et qui est décédée le 16 novembre dernier, la veille de l’ouverture de ce squat. Grégory Doucet a permis la signature d’une convention.
Mais l’écosystème des MNA lyonnais a été bouleversé à la suite de l’incendie qui a eu lieu dans ce squat. Dans la nuit de samedi à dimanche 12 juin, un feu provoqué par un boîtier électrique défectueux, s’est en effet déclenché chez Gemma. Les jeunes migrants ont été obligés de sauter par la fenêtre. Huit ont été hospitalisés, l’un souffre d’une fracture tibia-péroné.
Les mineurs isolés ont été relogés au Gymnase Genety/Duplat, situé rue Dominique Perfetti, qui a été réquisitionné par la Préfecture.
La Ville a fermé la Marmite et les petits marmitons vont être relogés dans le gymnase.
Le Collectif est inquiet, car le Chemineur va bientôt devoir fermer ses portes, le 4 juillet plus précisément. Une procédure juridique avait en effet été entamée par ICF qui voulait récupérer les lieux pour faire des logements sociaux. Le Chemineur contrairement aux autres lieux n’avait pas pu signer de convention avec ICF qui réclamait 5000 euros par personne et par mois en guise de préjudice aux membres du Collectif soutiens/migrants Croix-Rousse.
Un accord à l’amiable a été trouvé grâce à la médiation de la Métropole, qui s’est engagée avec la Préfecture à ouvrir un nouveau lieu dans des locaux prêtés par ICF : la Station 2. Il sera situé à la Part-Dieu et géré par l’association Le MAS (Mouvement d’action sociale). Il proposera 30 places à partir de juillet. D’autres devraient être créées mais en attendant, quelques chemineurs devraient être hébergés dans des hôtels. Tous ces déménagements sont pesants pour ces mineurs isolés. « Les jeunes sont inquiets de la suite des évènements », déclarent Margot et Anne, une autre membre du Collectif. Elles regrettent cette situation d’autant que « dès le début, ils auraient dû être pris en charge ».


La présomption de minorité.
La protection des mineures est une compétence qui relève de la métropole de Lyon.
« La Métropole a mandaté “Forum réfugié” pour faire une évaluation de minorité. On conteste la façon dont elle a été faite. Plus qu’une évaluation, c’est un interrogatoire. Seulement 15 % ont été déclarés mineurs lors de l’évaluation de ‘Forum réfugié’ et les autres se sont retrouvés à la rue avec théoriquement le droit à un recours », expliquent Margot et Anne. En attendant cet éventuel recours, « ils entrent dans une sorte de zone grise, parce qu’ils ne sont ni majeurs, relevant ainsi de la responsabilité de la Préfecture, ni mineurs et dans ce cas là relevant de la responsabilité de la Métropole qui s’en occupe », déplore une membre du collectif soutiens/migrants. « Lorsque le juge intervient, dans 90 % des cas, ils sont reconnus mineurs », précise-t-elle.
Pour éviter ce genre de situation, ce Collectif réclame la présomption de minorité en attendant la délibération d’un juge. Il a publié une tribune cosignée par une soixantaine d’associations sur le blog de Mediapart le 26 mai dernier. Ce texte avait également été envoyé aux candidats à l’élection présidentielle à l’exception des candidats d’extrême droite. Dans cette tribune, les associations demandaient « la mise à l’abri immédiate de tout.e jeune isolé.e se présentant comme mineur.e, dans les dispositifs de droit commun de la protection de l’enfance » ; « la reconnaissance et le respect de la présomption de minorité, de l’intérêt supérieur de l’enfant et du droit au recours effectif, la prise en charge des MNA par la protection de l’enfance devant être maintenue, le temps qu’une décision judiciaire définitive intervienne ».
« La convention des Droits de l’enfant dit qu’un mineur est considéré comme un enfant avant de prendre en compte sa nationalité », précisent Margot et Anne.
Pour que les jeunes migrants soient protégés, les membres du Collectif souhaitent voir la présomption de minorité appliquée, que ce soit au niveau national ou européen. Un membre du collectif nous indique qu’il faudrait environ 150 places d’hébergements réservés aux mineurs isolés pour régler la situation.
En attendant, la solidarité des Croix-Roussiens ne faiblit pas, bien au contraire. Une journée de soutien aux mineur.e.s isolé.é.s de Lyon est prévue le dimanche 19 juin de 11 h à 20 h au Théâtre des 3 Gaules. Au programme, un concert Afro-funk, de la chanson, de la musique argentine, de la fanfare, un open mic, un dj set, et même des matchs de boxe auquels vont participer certains jeunes migrants. Le tout dans une ambiance bon enfant.

