Face à la polémique suscitée sur les réseaux sociaux, une fresque aux relents antisémites va être effacée, assure Joël Guin, le président du Grand Avignon.
La fresque de Street Art qui a été réalisée par le graffeur Lekto à Avignon a suscité la polémique sur les réseaux sociaux. Elle représente Jacques Attali en train de tirer les ficelles d’une marionnette à l’effigie d’Emmanuel Macron.
Pascal Riché, journaliste à l’Obs et confondateur de Rue89, s’est par exemple fendu d’un tweet, le 23 juin, dans lequel il déclare : « “Controversée” ? Cette fresque est violemment antisémite. Une image ‘classique’ avec Attali en marionnettiste et Macron en marionnette. Incroyable qu’elle puisse être validée par les édiles d’Avignon et du Grand Avignon. »
Pour le député européen Raphaël Glusksmann, « Il faut vraiment ne jamais avoir ouvert un livre d’histoire pour ne pas voir à quel point cette image reprend tous les codes de la propagande antisémite et de l’iconographie fasciste. Refuser de l’effacer au nom de la liberté d’expression est un scandale. »
Quand on regarde cette œuvre, il est en effet difficile de ne pas y voir une référence au Protocole des Sages de Sion, un texte publié en 1903 en Russie, qui s’inspirait du pamphlet Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, écrit par le Français Maurice Joly et sorti en 1864. Ce texte a été inventé de toutes pièces par le chef de la police secrète du Tsar, qui sentait venir les prémices de la révolution bolchevique, et voyait là un bon moyen de trouver un ennemi commun au peuple et au Tsar pour assurer leur unité. Il décrivait un plan fictif de domination mondiale par Napoléon III pour inventer un programme élaboré par un « conseil des sages juifs », qui se retrouvaient au cimetière de Prague et fomentaient de détruire la chrétienté et de contrôler le monde. L’antisémitisme s’était alors diffusé comme une traînée de poudre dans toute l’Europe de l’Est pour atteindre l’Autriche et influencer Adolphe Hitler, qui l’avait importé en Allemagne. L’iconographie nazie s’en inspirait largement et utilisait des images de marionnettistes et de pieuvres pour évoquer l’influence tentaculaire de ce conseil imaginaire.
« L’interprétation de cette fresque laisse peu de doute. La figure du banquier juif manipulant ses marionnettes est une représentation récurrente des antisémites. L’antisémitisme est ce bacille de la peste qui réapparaît toujours. Aucune faiblesse n’est tolérable, simple, basique », confirme le Premier secrétaire du PS Olivier Faure sur Twitter.
Fait aggravant, l’œuvre de Street Art réalisée près du Parking relais des Italiens serait située non loin d’une synagogue.
La polémique a d’ailleurs traversé l’Atlantique, car l’ONG American Jewish Committee (AJC), une des plus anciennes associations de lutte contre l’antisémitisme a tenu a réagir sur Twitter. « Est-ce que la mairie d’Avignon peut nous dire qui a autorisé ou commandé cette fresque antisémite et pourquoi elle est toujours là ? »
« Quand l’antisémitisme s’affiche en plein air, le Grand Avignon répond « liberté d’expression » feignant d’ignorer que le racisme et l’antisémitisme ne sont pas des opinions, mais des délits », déplore, quant à elle, Sophia Aram dans un tweet publié le 23 juin.
Le Grand Avignon avait en effet précisé que ce mur « est un support libre où les grapheurs viennent s’exprimer librement, il n’y a aucune commande ni aucune initiative à donner sur ces graphes », précisant que l’initiative vient « uniquement de l’artiste ».
Contacté par i24NEWS, Jacques Attali a exprimé son mécontentement en affirmant qu’il trouve « scandaleux que la mairie d’Avignon ait laissé s’installer cette fresque et refuse de l’enlever ».
Face à la polémique, le président du Grand Avignon, Joël Guin, a annoncé que la fresque serait effacée dans l’émission les Grandes Gueules du Moyen-Orient diffusée sur la même chaîne.
Joël Guin qui ne semble pas féru de Street Art s’est dit « dépassé par les remous que ça génère ».
« Je n’y ai pas porté plus attention que ce que je porte à d’autres fresques, quand on conduit, on ne regarde pas les murs », a-t-il précisé.
M. Guin a déploré le fait que l’artiste Letko n’ait pas contacté Jacques Attali avant d’utiliser son portrait pour sa fresque.
« M. Attali a tous les droits aujourd’hui d’attaquer cet artiste », a-t-il lancé sur i24NEWS.
« À 13 h 45 de l’après-midi, on m’a appelé pour me dire : ‘il y a les réseaux sociaux qui s’excitent sur une fresque qui a été faite à Avignon sur le bâtiment du parking des Italiens’… À 13 h 45, j’ai contacté le DGS, le directeur général des services du Grand Avignon, en lui demandant de prendre les dispositions nécessaires pour faire effacer cette fresque qui suscitait la polémique. À l’heure où je vous parle, des contacts ont été pris avec des entreprises de peinture. Demain, il se met en chantier pour effacer ce pan de mur où il y a M. Attali, et derrière, il paraît qu’il y a le président de la République qui a été déguisé en Staline », explique M. Guin.
D’après un tweet publié par Amine El-Khatmi, les jeunes de la ville n’ont pas attendu le peintre pour « toyer » le graff’.
« La fresque antisémite d’Avignon a été recouverte de peinture ce soir par des jeunes de la ville. Fier d’eux. Elle sera effacée dans les règles de l’art ce vendredi par une entreprise mandatée par le Grand Avignon. Merci à tous ceux qui se sont mobilisés », signale l’essayiste.
Pour rappel à Lyon, par crainte d’une polémique, les services techniques de la Ville n’ont pas voulu d’un projet de l’artiste Aéro qui prévoyait de représenter Pierre Rabhi sur le Mur de la Place des Tapis. À sa mort, les réseaux sociaux avaient en effet exhumé certains de ces propos sur l’égalité femme-homme ou sur la PMA, d’anciennes accusations de dérives sectaires et des soupçons d’enrichissement personnel, qui le privent certainement de cet hommage posthume. Ces accusations avaient pourtant été qualifiées de « torrent de boue » par les proches de Pierre Rabhi, dans une tribune publiée sur le site Reporterre, le 13 décembre 2021. Ses proches évoquaient des phrases sorties de leurs contextes. On peut aussi se rappeler que Pierre Rabhi est né en 1935 et qu’il appelait à penser l’agriculture autrement et défendait la sobriété.