Les travailleurs sans-papiers de l’hôtel Ibis de Batignolles transformé en centre social sont en grève depuis trois semaines, alors qu’ils n’ont pas été payés depuis cinq mois. Soutenus par la CGT, ils demandent également leur régularisation.
Depuis le 20 juillet, dix travailleurs du centre de Batignolles sont en grève car ils n’ont pas été payés depuis février. Ils réclament donc leurs salaires, ainsi que leur régularisation, alors que neuf d’entre eux sont sans papiers. Ils sont soutenus par la CGT 93, à qui ils ont demandé de l’aide car « d’autres s’étaient plaints avant, mais ils ont dû partir », comme l’explique Karamoko, un des grévistes. « On est tous dans des situations vraiment pas possibles pour vivre », témoigne un autre gréviste.
Ils travaillent tous depuis début 2020 à l’hôtel Ibis de Batignolles en Seine-Saint-Denis, qui a été réquisitionné et transformé en centre d’hébergement d’urgence pour les personnes vulnérables, au début de la pandémie de Covid-19, et qui accueille entre 400 et 800 personnes. L’État avait alors confié son administration à l’association Coallia, qui l’a elle-même sous-traitée à l’entreprise privée Gaba Global Service International. C’est cette dernière qui emploie directement les grévistes. Ils lui réclament leurs salaires, mais ils exigent aussi des comptes à Coallia, car l’association « a un devoir de contrôle sur le site, elle a une responsabilité. Elle ne peut pas détourner les yeux ».
Violations du droit du travail
Les grévistes dénoncent des retards réguliers, parfois de plusieurs mois, du paiement de leurs salaires. Ils n’ont même plus rien touché depuis février, et n’ont jamais reçu de fiche de paie. Leur salaire horaire est également très en-dessous du SMIC : neuf euros en 2020 et plus que huit en 2021. La CGT 93 estime que Gaba doit entre 10.000 et 15.000 € à chacun des salariés. Au bout de douze jours de grève, Gaba a fini par leur verser un tiers de leur salaire manquant. Un bon début pour des grévistes, mais ils attendent la totalité.
En dehors des retards de paie, ce sont aussi leurs conditions de travail qu’ils pointent du doigt. Employés à l’origine pour des missions d’accueil, ils se sont retrouvés hommes à tout faire : ils assurent à la fois la sécurité, le nettoyage des locaux, la distribution des repas, la gestion des parties communes, et parfois même l’accompagnement social des résidents. En pleine pandémie, nombre d’entre eux ont attrapé le Covid-19, sans être payés pendant leur convalescence. Ils sont de service jusqu’à 28 jours par mois, souvent de nuit et le weekend, parfois 24 heures d’affilée : « ils travaillent quasiment le double de la limite légale de 35 heures » s’indigne Kamel Brahmi, secrétaire général de la CGT 93. Dans un communiqué du 22 juillet, le syndicat a indiqué que les grévistes exigent « le paiement de leurs heures supplémentaires et la majoration de leurs heures de nuit et du dimanche », comme n’importe quel autre salarié. « Ça va se régler aux Prud’hommes » a annoncé M. Brahmi.
« Arrêter la sous-traitance et la maltraitance »
Enfin, les grévistes, quasiment tous sans-papiers, demandent la reconnaissance de leur statut de salarié pour être régularisés. Si le président de Gaba prétend que l’entreprise n’engage pas de personnes en situation d’irrégularité, les travailleurs affirment que leurs employeurs étaient parfaitement au courant de leur statut. « On demande à être régularisés et tout ce qui est dans notre droit : salaire, congés, pouvoir cotiser… un vie stable », déclare Fousseni, gréviste. Pour Jean-Albert Guidou, membre de la CGT 93, toutes les conditions sont réunies pour leur régularisation. En effet, ils entrent dans le cadre de la circulaire Valls de 2012, qui permet aux sans-papiers présents en France depuis au moins cinq ans et ayant travaillé minimum 8 mois en deux ans d’être régularisés, sur présentation d’une preuve d’emploi. Coallia a promis de leur fournir les documents nécessaires à la démarche : « ils se sont engagés à l’oral, maintenant on attend du concret », commentent les grévistes, déterminés.
En plus de l’appui de la CGT, les grévistes ont reçu le soutien de la députée de Paris Danielle Simonnet (LFI), qui est venue les rencontrer le 3 août. Elle a appelé à faire respecter le code du travail et a assuré envoyer des courriers et soumettre une question écrite au gouvernement pour alerter sur la situation de ces travailleurs, qui remplissent une mission de service public. « Il faut arrêter la sous-traitance et la maltraitance » a-t-elle dénoncé. Un rassemblement organisé par la CGT 93 est prévu lundi 8 août, devant le siège social de Coallia, dans le XIIe arrondissement.