Des professeurs du Lycée Joliot-Curie de Nanterre dénoncent la répression antisyndicale dans l’Éducation et les « violences policières » qu’ils ont subies lors de manifestations organisées pour soutenir leur collègue Kaï Terrada. Ce syndicaliste avait été muté alors que l’arrêté qui a été pris contre lui stipulait qu’il n’avait commis « aucune faute de nature à justifier l’ouverture d’une procédure disciplinaire ».
Lors de la Marche contre la vie chère et l’inaction climatique qui a eu lieu le dimanche 16 octobre à Paris, des enseignants de l’école Joliot Curry de Nanterre manifestaient contre la mesure de suspension qui a été prise contre leur collègue Kaï Terrada. Celui-ci enseignait depuis 15 ans au Lycée Joliot-Curry de Nanterre dans le 92.
Une répression antisyndicale
Mais le 4 septembre, celui-ci recevait une lettre d’huissier l’avertissant d’une mesure de suspension l’invitant à traverser toute la région parisienne pour récupérer un arrêté datant du 30 août. Le jeudi 8, M. Terrada apprenait que son dossier administratif était vide et qu’il était suspendu sans motif, dans le seul but de rétablir “la sérénité au lycée Joliot-Curie”.
M. Terada est co-secrétaire départemental du syndicat Sud Éducation et militant au Réseau Education Sans Frontières (RSF). Il est reconnu pour son engagement de longue date pour la défense de l’éducation prioritaire.
Le 13 septembre, il apportait à la Direction des Service Départementaux de l’Education (DESDEN) plus de 80 témoignages de collègues et d’anciens collègues, mais aussi d’anciens personnels de direction, soulignant que toutes ses prises de parole et ses engagements n’avaient jamais troublé “la sérénité du lycée Joliot-Curie”.
Malgré cela, les services académiques continuaient à ne fournir aucun fait précis, disant s’appuyer sur le rapport d’une inspection à 360° menée dans l’établissement. Celle-ci avait été menée l’année dernière par des inspecteurs généraux qui ont décrété qu’« il y avait beaucoup de soucis dans cet établissement. », selon les professeurs.
Le 21 septembre, le ministère avouera qu’il n’a jamais eu connaissance de ce rapport. Ses collègues ont demandé à plusieurs reprises à avoir accès à ce document, jusqu’ici sans succès. L’inspecteur de vie scolaire aurait indiqué que le nom de M. Terrada n’aurait jamais été mentionné.
Le rectorat reconnait lui-même dans l’arrêté de mutation que Kai Terrada n’a commis « aucune faute de nature à justifier l’ouverture d’une procédure disciplinaire ».
M. Terrada a contesté cette décision « absurde, inique et illégale » en faisant grève depuis le 5 septembre et en déposant le 3 octobre un recours hiérarchique auprès du ministère contre cette mutation. Suite à ce recours, il doit être reçu en audience par le tribunal administratif ce lundi 17 octobre.
Les professeurs du Lycée Joliot Curry l’ont soutenu en organisant une grève tournante, eux aussi depuis le 5 septembre. Ils subissent depuis une « mise sous tutelle » du rectorat.
Les profs dénoncent des violences policières pendant les manifestations
Les lycéens ont organisé un blocus le lundi 10 octobre pour soutenir M. Terrada et réclamer le retour de l’aide aux devoirs, un dispositif qui a été drastiquement réduit. Ils protestaient également contre la pression exercée par la direction sur les tenues de certain.e.s élèves considérées comme explicitement religieuses, notamment les abayas, portées par des filles dans l’établissement.
« Alors que tout se passait très bien, vers 13h-14h on a vu arriver les brigades antiémeutes », nous ont expliqué deux profs de cet établissement lors de la manifestation.
« Le mardi à 7h du matin la présence policière était énorme, il y avait une rangée de policier qui nous empêchait de rentrer dans l’établissement, c’était extrêmement bizarre et cela a dégénéré. Ils ont chargé et procédé à 15 arrestations, un élève est sorti de ses trente heures de garde à vue avec une hanche déplacée », ont-elles ajouté.
Mardi soir, les enseignant.e.s, les Familles et leurs soutiens se sont rassemblés jusque tard dans la nuit devant le commissariat de Nanterre.
Il et elles ont appelé la députée écologiste Sabrina Sebaihi qui a pu entrée dans le commissariat dans la soirée, son mandat lui permettant d’accéder aux lieux de privation de liberté.
« Nous avons un professeur reconnu suspendu la veille de la rentrée. Il va être muté dans les Yvelines, on ne sait pas pourquoi. Il dépose un recours qui annule sa suspension déjà terminée [sur décision du ministre Pap Ndiaye –ndlr]. Il dépose un deuxième recours sur sa mutation en elle-même, l’établissement se met en grève en soutien. De leur côté, les élèves ont des revendications légitimes : la qualité des repas, le maintien de l’aide aux devoirs, le refus des remarques sur la longueur des robes des filles, puisque le ton semble s’être durci sur la laïcité. Cela fait plus d’un mois que ça dure. On pouvait s’attendre à ce qu’une telle intervention finisse mal », a-t-elle indiqué à nos confrères de Médiapart.
Selon les deux professeurs, « le mercredi, les parents étaient en colère contre la direction et ils sont venus eux-mêmes bloquer le Lycée ». « Le jeudi a été une journée extrêmement dure, le proviseur est venu nous demander d’intervenir pour éviter que cela pète et cela a été le cas. Il y avait des éléments extérieurs qui étaient venus, des gens qui voulaient se venger des quinze gardes à vue et encore une grosse présence policière. La violence était très difficile à supporter et elle l’est encore ».
Dimanche, les profs du Lycée Joliot-Curry distribuaient des tracts, intitulées : « Non à la répression antisyndicale dans l’éducation ! ».
Dans ce tract on peut lire que « Ce cas de répression n’est malheureusement pas isolé ». « Le Ministère applique depuis quelques années les mêmes méthodes sur l’ensemble du territoire pour faire passer en force ses réformes impopulaires. »
Le cas de l’Unef Nanterre qui subi les pressions du président de l’université, suite à son soutien aux Sans Fac, semble en tout cas le confirmer. Salomé, la secrétaire générale de l’Unef de Nanterre, nous a en effet expliqué lors de la marche du 16 octobre que le président de la Fac « veut interdire notre syndicat, il a déclenché des procédures disciplinaires et des restrictions d’accès au campus contre l’ensemble des membres de la direction de l’Unef Nanterre ». « C’est une volonté d’interdire un syndicat qui se bat de manière déterminée contre la sélection au côté des jeunes concernés ».
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