Alors qu’il avait été convoqué par les trois juges membres de la commission d’instruction de la Cour de Justice de la République (CJR) chargés de faire la lumière sur les responsabilités du gouvernement durant la crise sanitaire, Edouard Philipe a finalement été placé sous le statut de « témoin assisté ». Le procureur général près la Cour de cassation qui est chargée de requérir les peines de la CJR n’est autre que François Molins qui a été entendu en tant que témoin le lundi 10 octobre devant la cour d’assises spéciale qui juge les évènements de Nice. Les familles des victimes s’offusquaient des quelques 173 organes qui ont été prélevés sur les corps des victimes lors des autopsies à la demande du parquet de Paris, lorsqu’il en était le procureur de la République.
Alors qu’Emmanuel Macron nous avait promis une République exemplaire sur le plateau de TF1, lors de sa première campagne présidentielle, Alexis Köhler et Eric Dupond-Morreti n’ont semble-t-il même pas songé à démissionner après leurs récentes démêlées avec la justice.
Même chose pour Gaël Perdriau, le maire de Saint-Étienne, pourtant mis en cause dans l’affaire de Sextape révélée par Médiapart. S’il s’est mis en retrait de la Métropole de Saint-Étienne et des représentations municipales, il s’accroche à son poste sous couvert de présomption d’innocence.
Cela n’a pas manqué d’interroger le professeur de droit public à Panthéon Assas, Olivier Beaud, qui parle d’une « lacune dans le droit pénal ».
Dans son dernier livre intitulé « Pas tirés d’affaire », Fabrice Arfi, le coresponsable des enquêtes de Médiapart compare la présomption d’innocence invoquée par les politiques pour rester en poste à la « carte ‘passé son tour’ au Uno ».
Selon lui, il faudrait rappeler à tous les « Lucky Luke de la présomption d’innocence » qu’« Une personne est présumée innocente, parce que des magistrats ont estimé après des mois ou des années d’enquête qu’il existait un ‘faisceau d’indices graves ou concordants’ ayant justifié, par exemple, une mise en examen, ou que les ‘charges étaient suffisantes pour réclamer un procès public à son encontre ».
Mais si la présomption d’innocence est une « carte ‘passé’ son tour au Uno », que dire de l’épidémie de témoins assistés qui touche nos politiques, voire nos magistrats ?
Edouard Philippe finalement placé sous le statut de témoin assisté
Le 10 octobre dernier, le journal Le Monde annonçait qu’Edouard Philippe avait été convoqué par les trois juges membres de la commission d’instruction de la Cour de Justice de la République (CJR) pour sa gestion de crise. « Les magistrats envisagent la mise en examen de l’ancien premier ministre pour ‘mise en danger de la vie d’autrui’ et ‘abstention volontaire de combattre un sinistre’.»
Les magistrats instructeurs reprochaient notamment à l’ancien Premier ministre de ne pas avoir suffisamment anticipé la crise sanitaire. Il n’aurait pas respecté la doctrine édictée le 16 mai 2013 par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), service qui était placé sous sa responsabilité durant son mandat à Matignon, qui détaillait les mesures de protection à mettre en œuvre « en faveur des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire ».
Les juges de la commission d’instruction de la CJR voulaient également entendre Edouard Philippe concernant la gestion catastrophique des masques chirurgicaux.
Ce samedi 22 octobre, France Info nous apprend qu’Edouard Philippe a été entendu le mardi 18 octobre par la CJR le 18 octobre et que finalement, « il a été placé sous le statut de témoin assisté ». « Avec ce statut intermédiaire, l’ancien Premier ministre échappe à un mise en examen ».
Agnès Buzyn a, elle aussi, été placée sous le statut de témoin assisté
Les juges de la CJR ont ouvert une information judiciaire en juillet 2020. Dans le cadre de cette affaire, Agnès Buzyn a également été placée sous le statut de témoin assisté pour « abstention volontaire de combattre un sinistre », mais elle a également été mise en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui ».
Son successeur, Olivier Véran, est lui aussi visé par cette instruction, mais il n’a pas encore été entendu par les juges.
L’avocat d’une association de victime du Covid ne comprend pas ces deux décisions
« On ne comprend pas cette décision, on ne comprend pas comment le chef du gouvernement » de l’époque, Edouard Philippe, « ne peut pas être mis en examen » a déclaré l’avocat d’une association de victime, Me Yassine Bouzrou à France Info le 22 octobre.
Il s’étonne également de la décision qui a été prise pour l’ancienne ministre de la Santé, « elle est incompréhensible juridiquement dans la mesure où Mme Buzyn, qui était sous l’autorité de son Premier ministre, a commis ce qu’on appelle des manquements graves qui justifient notamment sa mise en examen ».
La Cour de justice de la république est présidée par François Molins qui a également été entendu en temps que témoin le lundi 10 octobre devant la cour d’assises spéciale qui juge les évènements de Nice
Pour rappel, la Cour de Justice de la République qui a été créée en juillet 1993 est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger des membres du gouvernement pour des crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Elle est accusée d’être une justice à deux vitesses. C’est notamment cette cour qui avait relaxé en 1999, Laurent Fabius, dans l’affaire du sang contaminé.
Selon le professeur de droit public à l’université de Lille Nord, Jean-Philippe Derosier, « L’ensemble des membres du parquet, et le procureur général près la Cour de cassation en particulier, sont nommés par le président de la République, mais sur proposition du ministre de la Justice ». Ainsi, Eric Dupont Moretti pourrait lui-même nommer son futur accusateur, alors que la CJR a ordonné lundi un procès envers le garde des Sceaux.
Là où l’on atteint des sommets, c’est lorsque l’on apprend que c’est le procureur général près la Cour de cassation qui est chargé de requérir les peines de cette Cour et celui-ci n’est autre que François Molins. C’est d’ailleurs lui qui a ouvert en juillet 2020 l’information judiciaire visant à déterminer les responsabilités du gouvernement.
Il est intéressant de noter que François Molins qui est aussi l’ancien procureur de Paris et qui était à cet égard en charge de toutes les enquêtes en matière antiterroriste a également été entendu le lundi 10 octobre devant la cour de d’assises spéciales qui juge les évènements de Nice.
Après l’attaque du 14 juillet 2016, plusieurs familles s’étaient vivement émues en constatant que de nombreux corps des victimes avaient été dépouillés de leurs organes lors des autopsies, sans qu’elles en soient prévenues.
Au total, 173 organes ont été prélevés sur les 14 cadavres autopsiés, dont 4 enfants, des victimes de l’attentat de Nice, à la demande du parquet de Paris, mais là encore François Molins n’a été appelé à comparaitre qu’en qualité de TÉMOIN.