Le chiffrement des communications est un droit fondamental et un outil de souveraineté numérique. Il est néanmoins menacé par les autorités sécuritaires, l’assimilant à un comportement terroriste ou criminel. Dans cet article, nous vous expliquons pourquoi le chiffrement des communications est essentiel pour la société numérique, et comment le défendre et le promouvoir.
Accusés de terrorisme sans la moindre preuve matérielle, sept personnes comparaissent devant la justice. Leur seul tort : avoir voulu protéger leur intimité en chiffrant leurs communications.
Les services de renseignement et le pouvoir les présentent comme des activistes occultes et dangereux. Le 8 décembre 2020, neuf individus affiliés à l’« ultragauche » ont été arrêtés par la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure NDLR.) et inculpés de terrorisme. Malgré le fait que l’enquête n’ait jamais pu établir l’existence d’un quelconque projet d’action violente, les sept personnes mises en examen sont maintenant en liberté sous contrôle judiciaire. Leur procès devrait avoir lieu dans les prochains mois.
Cet affaire pose des questions essentielles sur les enjeux du chiffrement des communications, un outil indispensable pour la société numérique. Il permet de sécuriser les données sur internet, de respecter la vie privée et les correspondances, et de garantir la souveraineté numérique.
C’est un droit que la loi française reconnaît et encadre, en veillant à préserver l’équilibre entre les libertés individuelles et la sécurité nationale. Ainsi, le chiffrement des communications n’est pas seulement un sujet de débat juridique et sécuritaire, il est aussi un levier de croissance économique et technologique pour le pays, misant sur la confiance dans les services numériques français et sur la protection des données stratégiques.
Pourquoi il faut résister aux attaques sécuritaires
Le chiffrement des communications est cependant menacé par les autorités sécuritaires, le considerant comme un obstacle à la lutte contre le terrorisme, la criminalité ou la pédopornographie. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont ainsi multiplié les attaques contre le chiffrement des communications, en utilisant des arguments fallacieux et des exemples contestables. Ils exigent la fermeture de groupes de discussions sur les messageries chiffrées comme Telegram, en usant abusivement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) pour forcer les personnes visées à remettre leurs clés de chiffrement, ou encore en instrumentalisant le procès de l’affaire dite du « 8 décembre » pour assimiler l’utilisation de messageries chiffrées à un comportement terroriste. Ces attaques contre le chiffrement des communications font courir des risques sur les droits fondamentaux et la souveraineté numérique. En nuisant au secret des correspondances, à la liberté d’expression et à la présomption d’innocence, ces mesures exposent les données personnelles à des risques de fuites ou de piratages. Elles affaiblissent également la confiance dans les services numériques français et favorisent la dépendance aux acteurs étrangers : face à ces dangers, il est urgent de réagir et de se mobiliser pour défendre ce droit fondamental et cet outil de souveraineté numérique.
Un équilibre possible entre droits fondamentaux et sécurité nationale
Le chiffrement des communications n’est pourtant pas incompatible avec la lutte contre le terrorisme ou la criminalité. En effet, le chiffrement des communications n’est pas une zone de non-droit : il obéit à des principes juridiques garantissant sa proportionnalité, sa nécessité et son équité. Il n’est toutefois pas non plus un obstacle insurmontable pour les enquêteurs : il existe des moyens techniques de contourner cette protection sans la briser, comme la coopération judiciaire internationale, l’analyse des métadonnées, l’infiltration des réseaux ou l’extraction des clés sur les appareils saisis. Il y a donc moyen de trouver un équilibre entre le respect des droits fondamentaux et la sécurité nationale. Cela passe par la défense et la promotion du chiffrement des communications, en éduquant le public et les décideurs à son importance. Des initiatives existent dans ce sens, menées par des associations comme La Quadrature du Net, des collectifs comme CryptoParty, ou encore des laboratoires ou des entreprises françaises.
Un choix politique et citoyen pour la société numérique
Somme toute, le chiffrement des communications est un atout pour la société numérique, et non une menace. Il est donc nécéssaire de résister aux pressions européennes visant à faciliter l’accès aux contenus chiffrés, développer de nouvelles technologies de chiffrement plus performantes et plus accessibles, ou encore diffuser une culture du chiffrement auprès du grand public et des acteurs économiques. Le chiffrement des communications n’est pas une fatalité, mais un choix politique et citoyen. Il s’agit de décider si nous voulons vivre dans une société numérique où les données sont protégées et où nous avons le contrôle de notre vie privée, ou dans une société numérique où les données sont exposées et où nous sommes sous surveillance permanente. Le chiffrement des communications est donc un droit inaliénable et une garantie de la souveraineté numérique, auquel il faut rester attaché sans faille.